INSÉCURITÉ
L’exercice au quotidien
Infirmière libérale dans le Pays basque, Maïté s’est un jour trouvée dans une situation critique face à une famille refusant de payer les soins et passablement agressive.
Il y a une dizaine d’années, alors que je faisais des remplacements, je me suis rendue à l’adresse donnée par ma collègue. C’est une dame en robe de chambre qui m’a ouvert la porte, à 4 heures de l’après-midi : il s’agissait de la mère du patient, un homme d’une trentaine d’années auquel je devais faire une piqûre d’hormones dans le cadre d’un traitement régulier. Cet homme souffrait d’un grand retard mental et il était placé sous tutelle, à la Sauvegarde de l’enfance, qui réglait directement les soins au cabinet infirmier. Mais cela, je l’ignorais ! Ma collègue ne m’avait rien dit de particulier et je n’avais pas de double de la prescription. Pas de trace non plus d’ordonnance chez le patient. J’ai donc appelé le médecin traitant pour avoir son accord afin de pratiquer le soin. C’est là que la mère a commencé à tiquer… Le médecin m’ayant donné le feu vert, j’ai pu faire la piqûre à ce patient qui était, en somme, une “armoire à glace” avec un cerveau d’enfant. Il pesait au moins 120 kilos, était presque aussi large que haut. Au moment de la facturation du soin, la mère du patient a vu franchement rouge : « Comment ça, payer ? Nous, on ne paie pas ! » Mais pourquoi ? J’ai demandé à voir leur carte de CMU, d’ALD… En vain : aucune réponse n’a été apportée à mes questions. Et je n’étais au courant d’aucune prise en charge spécifique… Énervée, la dame est partie dans la cuisine pour téléphoner et m’a laissée seule avec son fils qui, lui aussi, avait pris la mouche : « Appelle les gendarmes, maman, elle nous traite de voleurs ! », criait-il. Les chaises ont commencé à valser. J’ai eu la peur de ma vie. J’étais d’un côté de la table, lui de l’autre, et il a commencé à faire le tour pour m’attraper… Je n’allais pas risquer ma peau pour 5 euros et des poussières. J’ai donc pris mes affaires calmement et suis sortie à reculons. L’homme, taillé comme un sumo, m’a suivie jusque sur le palier. « Ce n’est pas grave, ne payez pas… », ai-je lancé. Par bonheur, l’ascenseur était là. Quand la porte s’est refermée sur moi, j’ai commencé à souffler. Par la suite, dans ma carrière, je n’ai pas eu de gros souci d’insécurité. Et si cela se présente un jour, ni une, ni deux, je pars, sans demander le paiement, voire sans pratiquer le soin si la situation est trop tendue. »
« Les remplaçantes mal informées, ou ne connaissant pas la patientèle, se trouvent dans une position délicate, tout comme les titulaires qui se rendent chez un nouveau patient. Notre collègue Élisabeth Stibling a été assassinée en 2006 par un patient auquel elle allait donner un premier soin (L’ILM n° 223). Nous avons édité un guide pour mieux prévenir l’insécurité, qui prodigue des conseils : avant un premier rendez-vous, profiter d’un contact téléphonique pour cerner le contexte et la demande ; pratiquer le soin dans une pièce assez éclairée ; ne pas avoir l’agresseur potentiel dans son dos ; partir en cas de danger… Nous ne sommes pas suffisamment formées pour faire face à l’insécurité au domicile des patients, ce qui impose une vigilance constante. »