L'infirmière Libérale Magazine n° 292 du 01/05/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Au cours de vos visites chez madame N. atteinte de SLA, vous constatez qu’elle a du mal à articuler. Elle sait que la maladie entraîne ces difficultés et vous confie son désarroi et son anxiété.

Vous lui demandez si elle est suivie par un orthophoniste. Si ce n’est pas le cas, proposez-lui d’en parler avec le médecin pour qu’il prescrive une consultation avec un orthophoniste qui peut l’aider à gérer ce symptôme. Des moyens pour communiquer autrement peuvent aussi lui être conseillés. Si, malgré la prise en charge de ce handicap, l’anxiété persiste, elle devrait être aussi traitée, par une psychothérapie éventuellement.

LES AIDES À LA COMMUNICATION

La dysarthrie

La dysarthrie est un trouble de la ­réalisation motrice de la parole secondaire à des lésions du système nerveux central, périphérique ou mixte. Dans la SLA, la dégradation de la parole débute souvent par des troubles de la phonation et des difficultés d’articulation.

La détérioration de cette dysarthrie peut aboutir à un manque sévère d’intelligibilité pouvant perturber la communication du patient. La dysarthrie de la SLA est caractérisée par une vocalisation spastique (affectée par des spasmes) et nasonnée, et une diminution des mouvements de la langue.

Un handicap anxiogène

La perte totale de la communication orale et écrite empêche le patient de verbaliser de simples besoins quotidiens, d’extérioriser son angoisse par rapport à la maladie et à la mort, et le prive de son pouvoir de décision. La situation est très anxiogène pour le patient comme pour ses proches. La Haute Autorité de santé recommande que, dès l’apparition des premiers troubles, le patient puisse bénéficier de séances d’orthophonie afin de préserver ses capacités de communication, qu’elles soient verbales ou alternatives.

Rôle de l’orthophoniste

Évaluation

Elle est indispensable pour élaborer ensuite un projet thérapeutique adapté. L’orthophoniste fait un bilan de la parole, de la voix, des praxies bucco-faciales, de la respiration et de la déglutition. Ce bilan donne des indications sur le lieu et le degré de l’atteinte (langue, voile, lèvres, larynx, etc.) et sur le caractère spastique ou non de l’atteinte. L’orthophoniste évalue le type et la sévérité de la dysarthrie et son impact sur la communication, mais aussi la motivation et le désir de communiquer du patient et de son entourage (nécessaire pour engager une rééducation efficace). L’autoévaluation du trouble par le patient informe sur son ressenti par rapport à son handicap et permet d’adapter la prise en charge à sa demande. Car, à sévérité égale, le trouble sera ou non perçu comme un handicap par le patient.

Prise en charge

Elle vise à préserver une communication, même réduite, par de la rééducation et des aides techniques. La rééducation orthophonique repose sur des exercices sur la coordination pneumo-phonique et le souffle, les mouvements linguaux et labiaux et des exercices articulatoires. En cas de capacités motrices et verbales totalement déficientes, le recours à l’orthophoniste, en lien avec l’ergothérapeute, permet de mettre en place des aides techniques de communication alternative adaptées au patient (écrit, utilisation des SMS, tableaux de communication, etc.).

LES AIDES À LA MOBILITÉ

Les aides techniques

Les aides techniques qui bénéficient d’une prise en charge par l’Assurance maladie sont prescrites par le médecin. Ces dernières peuvent aussi bénéficier d’une prise en charge complémentaire par le biais de dispositifs dédiés. Il faut proposer les aides techniques au patient atteint de SLA le plus tôt possible, dès qu’une gêne fonctionnelle apparaît, car elles vont lui permettre de limiter ses efforts et de gérer sa fatigue. Toutes les aides techniques doivent si possible être choisies avec un ergothérapeute afin qu’elles soient le plus adaptées aux difficultés motrices du patient, qui doit aussi pouvoir les essayer au préalable. Une adaptation du véhicule du patient est aussi possible.

Note : les aides techniques listées ci-dessous bénéficient d’une prise en charge par l’Assurance maladie pour les patients atteints de SLA.

Orthèses

Les orthèses, appareillages externes et amovibles, facilitent le geste ou maintiennent une posture défaillante. Il s’agit d’orthèses de prévention des déformations ou de confort. Pourront ainsi être utilisées des orthèses de posture statique, stabilisatrices de poignet et de main, ou orthèses anti-équins, orthèses de fonction type positionnement du poignet et du pouce.

Aides au déplacement

L’utilisation d’une aide technique de compensation du handicap est bénéfique au patient pour maintenir sa mobilité et sa vie sociale. Il peut être proposé aux patients cannes, béquilles, déambulateurs fixes ou avec roues (rollator), fauteuils roulants manuels et électriques. Le fauteuil n’est pas limité aux patients qui ne marchent plus. C’est une aide à la gestion de la fatigue et au maintien de l’insertion socioprofessionnelle quand la marche est encore possible.

Mobilier et équipement

Différents meubles et équipements peuvent faciliter le quotidien et améliorer la qualité de vie du patient : appareil modulaire de verticalisation, lit médicalisé, lève-personne, matériel d’aide au transfert, siège de baignoire ou de douche, coussins et matelas d’aide à la prévention des escarres, coussins de positionnement, couverts adaptés.

La modification de l’environnement

Des travaux de réaménagement du domicile (intérieur et accès) facilitent le quotidien du patient et contribuent à son autonomie. « La grande majorité des obstacles architecturaux à lever vont concerner la salle de bain et les toilettes », explique George Couci, ergothérapeute. « À l’extérieur, il faudra remédier aux obstacles que constituent les marches et les pentes », ajoute-t-il. La domotique et l’automatisation peuvent aussi être utiles. Pour le financement des travaux, des aides peuvent être obtenues. Il faut se renseigner auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et du Conseil général pour les bénéficiaires de l’Apa et auprès de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah). L’Anah accorde des subventions pour la réalisation de travaux concernant l’accessibilité et l’adaptation des immeubles et logements, aux propriétaires et locataires d’un logement privé.

LE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE

Suivi psychologique

En plus d’un traitement médicamenteux de l’anxiété ou de la dépression du patient, une prise en charge psychothérapeutique peut être bénéfique pour le patient et ses proches. Notamment à l’annonce du diagnostic et des conséquences de la maladie. Les psychologues libéraux ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale, mais certaines mutuelles proposent un remboursement des séances. Dans les centres SLA, lorsqu’un psychologue fait partie de l’équipe pluridisciplinaire, les consultations sont sans frais pour le patient seul ou avec ses proches.

Séjours de répit

Sur demande du médecin, en cas d’épuisement du patient ou des proches, des séjours de répit peuvent être organisés pour le malade, accompagné ou non. Pris en charge par l’Assurance maladie, un séjour dure entre 15 jours au minimum et 3 mois par an. Les séjours ont lieu dans des centres de rééducation et des services de suite et de réadaptation ayant passé des conventions avec les CHU pour pouvoir accueillir des patients atteints de SLA.

ASPECTS ADMINISTRATIFS ET FINANCIERS

Affection de longue durée

La SLA peut provoquer une perte de revenus liée à l’incapacité de poursuivre une activité professionnelle. Elle entraîne des dépenses importantes liées au handicap causé par la maladie. La pathologie est reconnue comme une affection de longue durée (ALD) qui permet une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour les soins médicaux, les traitements médicamenteux et certains soins paramédicaux (par exemple la kinésithérapie). Les aides techniques peuvent aussi bénéficier d’une prise en charge par l’Assurance maladie, certaines bénéficient d’une prise en charge complémentaire par des dispositifs dédiés.

L’expertise d’une assistante sociale

Les assistantes sociales peuvent mettre en place l’évaluation sociale et médicale nécessaire pour ouvrir les droits du patient et l’aider à remplir les dossiers correspondants. Le patient peut s’adresser à l’équipe du centre SLA qui le suit si elle comporte une assistante sociale, ou se tourner vers les assistantes sociales des Conseils généraux, des hôpitaux locaux ou encore de la Sécurité sociale.

Diagnostic avant 60 ans

Les MDPH statuent sur les demandes en matière d’invalidité et de reconnaissance en tant que travailleur handicapé. Les patients en activité professionnelle peuvent bénéficier d’un “mi-temps thérapeutique” : le malade travaille à mi-temps mais est payé à temps plein. La vocation première de ce dispositif est une reprise de travail à temps plein par le malade une fois guéri. La Sécurité sociale peut accepter cette solution, même si la guérison n’est pas attendue dans le cas de la SLA.

Diagnostic après 60 ans

Pour les personnes de plus de 60 ans, il faut s’adresser au Conseil général du département qui peut intervenir pour favoriser le maintien à domicile des patients. Il va statuer, en fonction de l’état général du patient, sur l’attribution de l’Apa. Une visite d’un référent Apa aura lieu au domicile du malade pour évaluer sa dépendance et déterminer le montant de l’aide financière à laquelle il a droit. Les caisses de retraite et les caisses d’Assurance maladie peuvent aussi être sollicitées (les aides versées par la MDPH sont souvent plus conséquentes que celles liées à l’Apa).

Point de vue…

« Il faut anticiper sur la situation de handicap »

Georges Couci, ergothérapeute à la clinique du motoneurone, CHRU de Montpellier (34)

« Dans le cas de la SLA, l’état du patient s’aggravera plus rapidement s’il s’épuise avant de mettre en place les moyens d’adaptation. La SLA est l’une des rares maladies où l’on demande au patient de faire moins que ce qu’il peut, de ne jamais se forcer. Pour se préserver, il doit s’économiser. Le patient qui sera confronté à une situation de handicap plus ou moins rapidement doit être évalué globalement par un ergothérapeute pour pouvoir disposer des aides techniques et de l’équipement les plus adaptés. Pour rencontrer un ergothérapeute sans frais à leur charge, les patients peuvent se tourner vers le centre SLA de leur région, la MDPH ou le Conseil général. »

Point de vue…

« Une rééducation orthophonique pour freiner la maladie »

Émilie Haon, orthophoniste à la clinique du motoneurone, CHRU de Montpellier (34)

« La prise en charge orthophonique permettra de ralentir la progression de nombreux symptômes de la SLA comme une dysphonie, une dysarthrie, des difficultés de déglutition ou de respiration. En général, on conseillera deux séances par semaine. Ces dernières doivent être courtes et ne générer ni douleur, ni fatigue pour le patient. Il faut entraîner le cerveau petit à petit, sans à-coup. Les patients peuvent vivre difficilement le fait d’être stimulés au niveau musculaire pendant les séances de rééducation alors qu’ils constatent l’évolution négative de leur maladie. »

Rompre l’isolement des aidants

→ Orphanet, le portail des maladies rares et des médicaments orphelins, propose aux malades et leurs proches une fiche pratique très bien réalisée sur la SLA (rubrique “Encyclopédie pour tout public”), ainsi que le guide Vivre avec une maladie rare en France – Aides et prestations. www.orpha.net

→ L’Arsla, Association pour la recherche sur la SLA et autres maladies du motoneurone, propose sur son site des fiches pratiques, une aide sociale et juridique et des prêts de matériel. www.arsla-asso.com

→ SLA-pratique.fr met à disposition des patients et de leur entourage de nombreux conseils et informations concernant par exemple la vie quotidienne. www.sla-pratique.fr

→ Communauté-SLA.org est le portail communautaire pour les malades, leur famille ainsi que leurs amis. On y accède entre autres à un forum dédié. www.communaute-sla.org

Point de vue…

« Aider à construire une nouvelle vie »

Sandra Roy-Bellina, neuropsychologue à la clinique du motoneurone, CHRU de Montpellier (34)

« Les patients les plus demandeurs d’un soutien psychologique sont ceux dont la maladie évolue lentement. Ils vivent leur maladie comme une épée de Damoclès qui les fragilise psychologiquement. Pour les patients dont l’évolution de la maladie est rapide, ce sont les aidants qui perdent le plus pied. Avec le malade et ses proches, s’ils le souhaitent, on travaille sur les aspects identitaires, la perte d’estime de soi, le sentiment de culpabilité, d’injustice. On va essayer d’aider le patient à faire le travail de deuil de ce qu’il était avant la maladie, afin de l’aider, lui et son entourage, à construire une nouvelle vie. »

Point de vue…

« Les proches aussi ont besoin de soutien »

Sandrine Le Louedec, infirmière libérale à Sète (34)

« Lorsque l’on s’engage pour la prise en charge d’un patient atteint de SLA, il faut avoir conscience de ce que cela va représenter, sur le plan des soins techniques mais aussi sur le plan relationnel. Les proches du malade ne se sentent souvent pas suffisamment aidés ni assez informés sur les étapes auxquelles ils seront confrontés. C’est aussi compliqué pour un mari, par exemple, d’aborder ses peurs devant sa femme malade. Il faut faire attention à tout ce que l’on dit et à la manière dont on le dit. »

Point de vue…

« Faire valoir les droits du patient : anticiper sans brusquer »

Astrid Azema, assistante sociale à la clinique du motoneurone, CHRU de Montpellier (34)

« J’aide le malade à faire valoir ses droits et je m’assure de leur mise en place. Il est parfois difficile de proposer des aides que le patient considère comme n’étant pas indispensables aujourd’hui. Souvent, au début, il est difficile pour le patient de penser à l’évolution douloureuse et inéluctable de la maladie. Il est pourtant important d’anticiper sur cette question car les demandes d’aide sociale aboutissent lentement. »