L'infirmière Libérale Magazine n° 292 du 01/05/2013

 

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BONNES PRATIQUES → La prévention des AES en milieu libéral est encore au point mort. Et la transposition d’une directive européenne ne devrait concerner que les salariés.

Peu de législation, d’évaluation du risque ou de prévention : les infirmières libérales exercent en méconnaissant le risque d’accident d’exposition au sang (AES). « Nous sommes pourtant particulièrement vulnérables », constate Karim Mameri, secrétaire général de l’Ordre infirmier. « Je me suis piquée et j’ai eu le mauvais réflexe de faire couler mon sang, raconte Marie-Odile Guillon, présidente de la FNI de l’Oise. Cela a été une prise de conscience. Lorsque mon associée a été victime d’un accident bien plus grave – en se plantant l’aiguille d’un patient séropositif dans la main en voulant la dévisser – j’ai su lui dire d’aller immédiatement aux urgences. Elle a été sous trithérapie pendant trois mois, c’était très dur. »

Les risques sont donc bien réels : la transmission par voie sanguine des virus de l’hépatite B, de l’hépatite C et du sida est surtout crainte. Mais peuvent aussi être transmis tous les germes véhiculés par le sang ou les liquides biologiques (bactéries, virus, parasites et champignons), dont les bactéries multirésistantes aux antibiotiques.

Infirmiers salariés comme libéraux ont deux obligations réglementaires : assurer la sécurité du patient et respecter les règles d’hygiène. Jusqu’ici, rien ne les obligeait à prévenir les AES. De nombreux établissements de santé se sont pourtant saisis du problème dans le mouvement de la lutte contre les infections nosocomiales : « À l’hôpital, il y a des procédures de prévention, et nous sommes équipés en matériel sécurisé », explique Karim Mameri, infirmier hospitalier. Ces bonnes pratiques vont se généraliser avec la transposition, au plus tard le 13 mai, d’une directive européenne sur la prévention des blessures par objets tranchants. Mais son champ d’application est limité aux seuls endroits « où se déroulent et sont dispensés des services/activités de santé sous l’autorité et la supervision de l’employeur ». « La transposition ne peut pas dépasser ce cadre. Les libéraux ne sont donc pas concernés », commente Gérard Pélissier, chercheur au Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants (Geres). Le seul espoir d’un progrès pour les libéraux est que « la directive ait un effet de levier pour renforcer la prévention », poursuit-il.

Quid du matériel sécurisé ?

Et s’il existe une surveillance des AES en établissements de santé, elle est inexistante dans le monde libéral. En 2010, 29 % des établissements de santé, représentant 59 % des lits, ont signalé des AES au Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance, des infections nosocomiales (Raisin), auteur d’un rapport annuel : 47,2 % des accidents signalés concernent les infirmières. Pour les infirmières libérales, « il y a quelques études menées localement », avance le Centre de coordination de la lutte contre les infections liées aux soins (Cclin) Paris-nord. Par exemple, en Picardie, un travail de recensement des accidents a débuté.

Quand au matériel sécurisé, il n’est tout simplement pas à la disposition des libérales. Marie-Odile Guillon s’est blessée lorsque son collecteur de seringues usagées s’est ouvert dans sa voiture. « Ce matériel n’est pas aux normes », affirme le Cclin Paris-Nord. L’Idel en est consciente : « Je cherche des conteneurs qui ne s’ouvrent pas, des seringues avec des aiguilles rétractables, des duplos dans lesquels planter les aiguilles à insuline, mais mon fournisseur habituel n’en vend pas. » Les libéraux doivent également se protéger en souscrivant une assurance complémentaire volontaire pour les accidents du travail et les maladies professionnelles auprès de la Sécurité sociale. Mais, là encore, cette possibilité reste méconnue et le taux de souscription très faible.

Que faire en cas d’AES

1 En premier lieu, nettoyer la peau avec du savon pour éliminer toute présence de sang, puis désinfecter pendant au moins 5 minutes (Dakin, eau de Javel à 2,6 % de chlore actif diluée au 1/5e ou, à défaut, de polyvidone iodée ou d’alcool à 70°).

2 Prendre rapidement un avis médical.

3 Si besoin, procéder rapidement à des tests de sérologie.

4 Déclarer l’accident auprès de l’Assurance maladie.