L'infirmière Libérale Magazine n° 292 du 01/05/2013

 

DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

Votre cabinet

Des problèmes personnels, la maladie, une séparation, peuvent parfois conduire une infirmière libérale à ne plus pouvoir payer ses charges, ses dettes. Quelles sont les procédures auxquelles vous serez confrontée ?

Loi de sauvegarde des entreprises

Le professionnel libéral n’a pas le droit de déposer un dossier de surendettement(1), comme peut le faire un particulier qui ne peut rembourser ses crédits. En effet, depuis le 1er janvier 2006(2), ont été étendues aux professions libérales les procédures applicables aux entreprises en difficulté. Auparavant, seuls les professionnels exerçant sous forme de société (SCP, SEL…) y étaient soumis. Ceux qui exerçaient à titre personnel se retrouvaient seuls face à leurs créanciers sans possibilité de souffler.

Connaître ces procédures, ne pas hésiter à affronter la situation le plus précocement possible permet d’agir tôt et de redresser le cap.

Les procédures préventives

Le mandat ad hoc

En premier lieu, certaines procédures peuvent aider le débiteur à combler son passif. Il s’agit du mandat ad hoc, de la conciliation et de la sauvegarde. Elles sont décidées par le président du tribunal de grande instance mais ne peuvent être mises en œuvre qu’à l’initiative du débiteur. Elles visent à établir, en toute confidentialité, un accord avec un ou plusieurs des créanciers, voire la totalité.

Le mandateur ad hoc désigné par le juge recherchera un accord pour régler un problème ponctuel en toute confidentialité. En cas de difficultés plus importantes, la procédure de conciliation favorisera l’obtention d’un accord amiable entre le professionnel libéral et ses principaux créanciers ou contractants habituels.

La procédure de sauvegarde

Si les problèmes rencontrés sont de nature à la conduire à la cessation des paiements(3) – sans qu’elle soit toutefois encore en état de cessation des paiements – l’infirmière peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Elle pourra poursuivre son activité grâce à l’établissement d’un plan impliquant tous les créanciers.

Cette procédure est quasiment identique à celle du redressement judiciaire qui sera décrite plus loin. Elle débute par une période d’observation – en principe de six mois – au cours de laquelle est établi un bilan décrivant l’origine, l’importance et la nature des difficultés, et pendant laquelle l’infirmière continue de gérer elle-même ses affaires. S’il existe a priori des chances de sauvegarder l’activité, le tribunal arrête “un plan de sauvegarde” mentionnant l’ensemble des engagements souscrits par le débiteur et ses créanciers quant au règlement des dettes. Il a une durée maximale de dix ans.

Redressement et liquidation judiciaires

Dans le cas où il n’est pas possible de mettre en œuvre l’une des trois procédures décrites ci-dessus, ou en cas d’échec de celles-ci, on peut recourir au redressement si l’activité libérale est poursuivie en dépit des difficultés rencontrées ou, dans les cas les plus graves, à la liquidation judiciaire qui met fin à l’activité en cours.

Le redressement judiciaire

Le redressement judiciaire concerne l’infirmière en état de cessation des paiements. Cette procédure peut être demandée par l’infirmière elle-même, par l’un de ses créanciers ou bien décidée d’office par le juge à l’issue d’une conciliation qui a échoué. Il s’agit d’une procédure pratiquement identique en tous points à celle de la sauvegarde. Toutefois, le juge peut décider de désigner un administrateur judiciaire qui assistera l’infirmière pour tout ou partie des actes de gestion du cabinet. D’où l’intérêt pour les infirmières en difficulté d’agir si possible en amont, la sauvegarde leur offrant les mêmes avantages que le redressement judiciaire tout en leur permettant de demeurer seules maîtres à bord pour ce qui est de l’administration du cabinet.

La liquidation judiciaire

Enfin, si l’infirmière est à la fois en situation de cessation de paiements et que le redressement est “manifestement impossible”, une procédure de liquidation judiciaire sera ouverte. Le juge désignera un liquidateur qui procédera aux opérations de liquidation et à la vérification des créances. L’infirmière sera dessaisie de l’administration et de la disposition de tous ses biens. Pendant toute la procédure, elle ne pourra pas continuer à exercer son activité, sauf à titre salarié. La procédure dure environ un an. Les éventuels biens immobiliers et mobiliers seront vendus pour désintéresser les créanciers. Le plus souvent, la procédure sera close pour insuffisance d’actif, et les créanciers, sauf cas exceptionnel s’agissant des infirmières libérales, ne pourront pas reprendre leurs poursuites.

Si une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à la demande de créanciers alors que l’infirmière pense pouvoir faire face à ses dettes ou pouvoir proposer un plan de continuation, elle pourra faire appel de ce jugement et saisir en parallèle le premier président de la cour d’appel pour demander la suspension de la décision d’arrêt d’activité.

Mettre sa résidence principale à l’abri de ses créanciers

D’un point de vue juridique, il n’y a pas de séparation entre le patrimoine personnel du professionnel libéral et son patrimoine privé. Les dettes, tant personnelles que professionnelles, seront regroupées dans le cadre des procédures décrites. L’infirmière libérale qui exerce à titre individuel est indéfiniment responsable des dettes de son exercice professionnel sur la totalité de son patrimoine privé.

Lorsqu’elle est mariée sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts, les créanciers peuvent saisir non seulement ses biens, mais également ceux de son conjoint. L’infirmière peut toutefois protéger sa résidence principale de la saisie de ses créanciers en déposant une déclaration d’insaisissabilité chez son notaire. Cette dernière sera publiée au bureau des hypothèques ainsi que dans un journal d’annonces légales.

La déclaration n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication. Il n’est donc pas possible de protéger sa résidence principale contre des dettes contractées avant la déclaration. Si le bien a un usage mixte, local d’habitation et local professionnel, la partie “habitation” doit faire l’objet d’un état descriptif de division pour bénéficier de l’insaisissabilité. La déclaration n’a d’effet qu’à l’égard des créances professionnelles. Les créanciers personnels antérieurs et postérieurs à la déclaration pourront en effet obtenir la saisie du bien.

(1) Cour de cassation, chambre commerciale, 17 mai 2011, n° 10-13.460.

(2) Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, dite loi de sauvegarde des entreprises, et son décret d’application du 28 décembre 2005.

(3) Cessation des paiements : impossibilité pour une personne de faire face à ses dettes exigibles avec son actif disponible.

DIFFICULTÉS

Ne pas faire l’autruche

N’hésitez pas à vous interroger régulièrement : est-ce que je n’omets pas trop souvent de déposer mes déclarations ? Est-ce que je suis à jour de mes règlements ?

Si votre situation financière se dégrade, n’hésitez pas à prendre conseil. Si vous êtes poursuivie pour non-paiement par vos organismes sociaux (Urssaf, Carpimko), ou par l’administration fiscale, ouvrez les courriers recommandés, les plis d’huissiers que vous recevez. Ils comportent souvent des convocations auxquelles il convient de vous rendre ou des délais dont l’expiration rendra certains recours difficiles, voire impossibles.