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ÉTAT DES LIEUX → Fin mars, s’est tenue à Paris la sixième convention nationale du Centre national des professions libérales de santé (CNPS). L’occasion d’aborder l’organisation des soins de proximité et les réponses disponibles face aux nouveaux besoins de soins.
« Les soins de proximité, c’est nous, les libéraux de santé ! Et pas une fois de temps en temps. C’est tout le temps ! Tous les jours et par tous les temps, a soutenu le Dr Michel Chassang, président du CNPS, en guise d’introduction à la convention. La place des libéraux dans le système de soins, il nous faut non seulement la défendre et la revendiquer, mais surtout il faut l’élargir, pour réserver l’hospitalisation aux cas les plus lourds. » La problématique des affections de longue durée (ALD) et des maladies chroniques est désormais centrale, puisque la France compte 9 millions de personnes en ALD et 15 millions de Français atteints de maladies chroniques. « Les maladies chroniques augmentent avec l’âge, sont en croissance et concentrent la dépense puisque 62,3 % des dépenses de l’Assurance maladie sont centrées sur 15 % de la population », a expliqué Yann Bourgueil, directeur de l’Irdes. Cette situation pose la question de la stratégie de santé, de parcours ou encore d’éducation de la santé. Selon Yann Bourgueil, les maladies chroniques atteignent davantage les populations aux revenus les plus bas et entraînent une limitation de l’activité. Face à cette situation, il estime que de nouvelles réponses doivent être avancées, parmi lesquelles le travail en équipe sanitaire et sociale et le développement de nouvelles fonctions (coordination, éducation thérapeutique, coopérations).
Philippe Tisserand, président de la Fédération national des infirmiers (FNI), invite pour sa part à ne pas réinventer un nouveau système de soins de ville, ni à créer de nouveaux métiers. « Pour répondre aux contraintes économiques et aux attentes des usagers, il convient au contraire de mobiliser et de valoriser les compétences existantes », a-t-il défendu. Et d’ajouter : « Si nous voulons avancer, il faut le faire en harmonisant les pratiques. Nous avons des professionnels qui maillent le territoire, nous sommes en contact permanent avec les familles, nous sommes les professionnels de famille, ce n’est pas ringard ! » Selon lui, un changement de paradigme est nécessaire, car « les personnes dépendantes ne sont pas celles qui prennent le plus de temps pour les professionnels de santé dans la mesure où elles sont couchées ». Les actes concernant les personnes en perte d’autonomie sont rémunérés de la même manière alors qu’il serait plus intéressant de leur consacrer du temps pour maintenir l’autonomie restante. « Il faut mobiliser les professionnels de santé sur les patients qui échappent à tout suivi », analyse Philippe Tisserand. Il a par ailleurs profité de la convention du CNPS et de la présence de Yann Bourgueil pour dénoncer les propos que ce dernier a tenu lors d’un séminaire de formation (organisé le 10 janvier par l’École nationale supérieure de Sécurité sociale et Sciences Po). Il avait constaté que « la baisse du nombre de médecins en France est une opportunité réelle pour réorganiser le système de soins, parce que les médecins libéraux sont moins inquiets concernant leur rémunération lorsqu’ils sont moins nombreux. La crise démographique, notamment, fait qu’il devient difficile de continuer à défendre un système qui ne convient manifestement plus ». Le directeur de l’Irdes considère qu’il est même nécessaire “d’entretenir” la crise, car si le nombre de médecins augmentait de nouveau, « on verrait disparaître ces possibilités d’évolution ». Des propos qui, pour la FNI, s’apparentent à ceux d’un « pompier pyromane ».
Philippe Tisserand estime d’ailleurs que la lutte contre les déserts médicaux, annoncée par la ministre de la Santé dans son pacte territoire-santé, et la volonté de prendre en charge les maladies chroniques conduisent à attaquer les professionnels de santé libéraux. Il s’est prononcé sur le sujet au cours de la convention, mais également dans un communiqué.
D’après le syndicat, le dernier Projet de loi de financement de la Sécurité sociale et le Pacte territoire-santé remettent en question « non seulement le mode d’exercice des infirmières, mais aussi la capacité de notre système de santé à offrir des soins de proximité ». La FNI considère que le modèle présenté vise à réorganiser « profondément » le système de santé et à le faire glisser d’un système libéral vers un système de structures ambulatoires privées ou semi-privées salariant les professionnels de santé. « En agitant le spectre des déserts médicaux, le Pacte territoire-santé justifie le maillage territorial de maisons de santé avec la généralisation des nouveaux modes de rémunération, présentés comme le seul moyen de stimuler les professionnels à collaborer ensemble. » Selon le syndicat, au regard des dernières orientations, les infirmiers libéraux n’auront pas d’autre choix que d’intégrer les maisons de santé pluridisciplinaires pour obtenir une rémunération de leurs prises en charge coordonnées, de leur action d’éducation ou de leur participation à des actions de recherche ou de formation. Yann Bourgueil insiste, pour sa part, sur la nécessité d’accepter l’existence de différentes façons de travailler et de s’organiser, ainsi que de divers mécanismes de rémunération en fonction des aspirations. « Les jeunes professionnels de santé ne veulent plus travailler comme les anciens, souligne-t-il. L’enjeu est de définir les réponses apportées à la population sur l’ensemble du territoire. »
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a rappelé lors de cette journée l’importance qu’elle accorde aux professionnels de santé libéraux. Il importe, selon elle, de rechercher collectivement la modernisation de l’offre de soins sans opposer médecine salariée et médecine libérale. « Il faut faire en sorte qu’il n’y ait plus de barrière entre l’hôpital et la ville, et que l’hôpital se recentre sur les missions qui sont les siennes », a-t-elle annoncé. Elle a également réaffirmé son souhait de mettre en place un système de parcours qui permettra des soins de meilleure qualité. Dans ce but, la ministre a mis en place un Comité stratégique et un Comité des sages. Ce dernier, qui inclut des professionnels libéraux, « identifie, à partir des expériences de terrain, les freins qu’il nous appartient de lever si nous souhaitons mettre en place un parcours de santé pour le patient », a souligné la ministre. Les préconisations qu’il devra rendre fin mai aboutiront à une loi en 2014.
→ Pacte territoire-santé
Le Pacte territoire-santé a été présenté en décembre dernier par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans le but de lutter contre les déserts médicaux, et ainsi garantir à tous les Français l’accès, sur l’ensemble du territoire, à des soins de qualité. Ce projet est construit autour de 12 engagements portant sur la formation et l’installation des jeunes médecins, les conditions d’exercices des professionnels de santé et l’investissement dans les territoires isolés.