GIRONDE (33)
Initiatives
Marie-Hélène Gabard a traversé le désert marocain au volant d’un 4 × 4 avec sa coéquipière masseur-kinésithérapeute afin de contribuer aux actions humanitaires de l’association Enfants du désert. Séduite par l’expérience, elle rempile le 4 mai pour un raid entre amis, à son rythme.
Le compteur du carrosse infirmier de Marie-Hélène Gabard a déjà allégrement dépassé les 6 000 kilomètres. Normal : infirmière libérale depuis plus de vingt ans, elle sillonne un large secteur autour du village de Camblanes-et-Meynac, au sud de Bordeaux. Ce kilométrage a pour Marie-Hélène une valeur particulière : c’est la distance qu’elle a parcourue au volant d’un 4 × 4 lors de son dernier rallye. En effet, elle et son amie copilote Maïtena Lacoste, kinésithérapeute de son voisinage, ont participé à l’automne 2011 au Trophée Roses des sables, un rallye automobile 100 % féminin et solidaire qui se déroule en grande partie dans le désert marocain. En dix jours, leur équipage, baptisé “La marmaï du désert”, s’est rendu de Ciboure, au Pays basque français, à Ouarzazate, au Maroc via quelques épreuves imposées. Les deux acolytes arrivées 65es ont collecté quelques amitiés nouvelles et ont également acheminé des dons humanitaires, condition sine qua non d’une participation au raid.
« Il y a un peu plus de deux ans, nous sommes allées au départ du 4L Trophy encourager le fils d’une amie qui s’était engagé. Quelle ambiance ! Je regrettais de ne pas avoir trente ans de moins », raconte Marie-Hélène. C’était sans compter la détermination de sa future coéquipière : « Un jour, Maïtena a décidé de nous inscrire, avec une autre équipe, au Trophée Roses des sables, et elle m’a suppliée d’accepter de l’accompagner », relate-t-elle, se réjouissant d’avoir relevé le défi.
Il a fallu caler un créneau de dix jours dans le planning, ce qui s’est révélé assez facile. Pour autant, « réunir les 7 000 euros d’inscription et trouver des sponsors a été notre plus gros boulot. Mes patients ont rapidement pris connaissance de notre projet, car nous avons eu droit à une page complète dans le bulletin municipal. Ils ont voulu participer. Les commerçants, ma comptable, beaucoup ont fait un geste. Au niveau professionnel, mon assureur a été notre plus gros sponsor. Maïtena s’est principalement attelée aux dossiers et a su frapper aux bonnes portes », retrace l’infirmière.
Basé sur l’orientation et l’endurance, le Trophée Roses des sables prône des valeurs de solidarité et d’entraide. Chaque équipage doit acheminer au minimum 50 kilos de dons humanitaires. Sur place, l’association Enfants du désert se charge de redistribuer les équipements, les vêtements, les chaussures, les attelles de marche, les produits scolaires, d’hygiène et de puériculture… « Nous avons récolté 300 kilos de matériel sur les 20 tonnes réunies par les 150 équipages, indique Marie-Hélène. La Bourse aux vêtements de Camblanes nous a cédé son stock, le centre de rééducation du coin a fourni des fauteuils roulants, des coques pour handicapés… L’équipage de nos amies Babeth et Anne-Marie, baptisé “la 3S team”, a même ramené des couveuses. » À Ciboure, le jour du départ, les participants ont réparti les dons : « Cinq équipages québécois n’ont pas pu apporter grand’chose, mais nous avions de quoi partager. Il s’agit d’un trophée solidaire, non ?, souligne la représentante de La marmaï du désert. Environ un tiers des participants sont venus pour la gagne. Nous, pas du tout. L’aventure humaine a été notre seule motivation. »
Marie-Hélène a pris le volant et Maïtena s’est chargée de la boussole et de la carte. Le GPS n’est pas de mise sur le rallye, seulement la balise Argos. « Nous avons suivi un stage d’initiation au pilotage et à l’orientation vers Narbonne. C’était un premier contact avec les autres, une soixantaine de filles novices. La conduite n’est pas si terrible, affirme la pilote. Ce n’est pas la vitesse qui compte, mais bien la sécurité. On avance plus souvent à 20 kilomètres à l’heure qu’à 100 pour traverser les ravines. » Maïtena est passée maître dans l’art de l’orientation, capable de déchiffrer le fameux “roadbook” farci d’informations hermétiques aux non-initiés.
Une fois débarquée à Ceuta, la folle équipée a tracé une rapide diagonale en territoire africain et gagné le Sud marocain, à Zagora aux portes du désert, puis les dunes de Merzouga. « Les paysages sont incroyablement beaux. Et, malgré les quelque 200 véhicules, nous étions parfois totalement seules », décrit Marie-Hélène, conquise. Pour un départ à 5 heures, les concurrentes se lèvent à 4 heures et quittent les tentes berbères ; puis le briefing de la journée a lieu, suivi des préparatifs : ouverture du capot, contrôle des niveaux : « Je ne savais pas qu’on pouvait nettoyer un filtre à air », commente la participante. Dernières vérifications : deux roues de secours, les câbles, le réservoir de 30 litres de gazole – « malgré la goupille, il s’est déversé sur nos affaires. Parfum diesel, garanti sans majuscule », ironise la victime –, le compresseur, le pack de 6 litres d’eau, etc. Casques sur la tête, les voilà enfin parties pour 10 heures de route et 300 kilomètres à travers un désert de rocaille, un oued asséché, des dunes, une piste de sable.
Par 40 °C sans climatisation, La marmaï du désert a choisi d’avancer en convoi : « Nous étions quatre véhicules à nous suivre. Pour désensabler ou bien en cas de panne, c’est plus facile », affirme Marie-Hélène. Alors que les arrivées sont prévues avant 17 heures pour éviter la tombée de la nuit, elles se sont parfois perdues. Perdues, oui, mais jamais seules, certifie l’aventurière qui relate une arrivée nocturne après un périple aux limites du territoire marocain : « Nos quatre voitures dans le noir se sont retrouvées avec une vingtaine de phares dans le rétroviseur : il s’agissait d’équipages égarés ! Nous avons roulé ensemble sur les derniers 100 kilomètres à la recherche du campement qui nous a fait une haie d’honneur à l’arrivée. »
« Le soir, on a rencontré Yousra, notre filleule, des enfants, des mamans, des instituteurs, les locaux qui bénéficient des dons. Ce challenge redonne la valeur aux choses, apprécie Marie-Hélène. C’est un coin de bonheur qui laisse des souvenirs impérissables : l’étincelle dans le regard d’un enfant scolarisé à qui l’on a donné des cahiers ; la joie d’une gamine d’une dizaine d’années qui voit net pour la première fois avec des lunettes sur le nez ; un jeune qui aurait dû garder les chèvres et qui termine ses études de médecine pour agir aux côtés de l’association Enfants du désert… » Une force au quotidien qui permet de relativiser, ici, au chevet des patients. « Notre action n’est qu’un grain de sable. Mais, à nous tous, nous pouvons peut-être créer une dunette », témoigne la soignante.
« Nous retournons début mai dans le Sud-Est marocain, pour un rallye intime, à notre rythme… Et avec du matériel pour Enfants du désert. Il nous reste plein d’attelles et de matériels de rééducation à redistribuer. Nos bagages seront chargés de médicaments, d’aiguilles pour les diabétiques, précise Marie-Hélène. Car, des dispensaires et des professionnels de santé, il y en a sur place. »
Marie-Hélène Gabard, comme une cinquantaine d’autres Roses chaque année, a choisi de parrainer un enfant via l’association Enfants du désert, dont 15 ONG locales assurent le relais tout au long de l’année. Le parrainage permet de fournir du matériel scolaire, une paire de chaussures ou un blouson pour l’hiver, mais aussi un traitement médical ou un complément alimentaire, selon la situation familiale. Tout au long du rallye, des pédiatres et des infirmières bénévoles assurent des consultations pédiatriques et des cours de prévention hygiène.
→ www.enfantsdudesert.org : site de l’association humanitaire consacrée aux enfants du désert, soutenue par le Trophée Roses des sables et le 4L Trophy.
→ Deux rallyes à vocation double, aventure et solidarité : l’un étudiant en 4L (www.4ltrophy.com) et l’autre 100 % féminin en 4 × 4 (http://trophee-roses-des-sables.net).