L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Les Idels participent pleinement à la prise en charge ambulatoire de la polyarthrite rhumatoïde, tant en termes d’administration des médicaments que de la surveillance des traitements. Comme tout professionnel de santé confronté à cette maladie, ce sont aussi des acteurs clefs d’éducation thérapeutique.

Mme M., sous corticothérapie au long cours et méthotrexate a débuté il y a deux semaines un traitement par Cimzia. Alors que vous êtes à son domicile pour pratiquer l’injection de l’anti-TNF alpha, son mari vous demande de lui expliquer comment pratiquer l’injection.

Un membre de l’entourage ou le patient lui-même peut effectuer l’injection. Il est important de bien expliquer les règles d’asepsie à suivre (hygiène des mains, du plan de travail, désinfection de la peau) et de donner des conseils pour éviter les effets indésirables au point d’injection.

LES INJECTIONS

Biothérapies

→ Au bon moment : selon le type de biothérapie prescrit, le rythme des injections est,le plus souvent, mensuel (sous Simponi), hebdomadaire (Enbrel…) ou s’effectue tous les 15 jours (Humira, Cimzia…). Pour éviter les oublis, le patient peut noter le jour de l’injection sur un calendrier ou s’aider d’un moyen mnémotechnique (sonnerie du téléphone, etc.).

→ La manière : les traitements sont disponibles en seringues ou stylo préremplis pour injection sous-cutanée. Si le patient est désireux d’effectuer les injections lui-même, il faut lui expliquer la manière de procéder : sortir l’injection du réfrigérateur 15 à 30 minutes avant, se laver les mains et poser le matériel sur un plan de travail propre (désinfecter à l’eau de Javel diluée ou à l’alcool), choisir le site d’injection : haut de la cuisse ou abdomen (cette zone est généralement moins douloureuse) à distance du nombril, au niveau d’une zone sans plaies ni veines apparentes. Désinfecter la peau à l’aide du tampon d’alcool fourni ou avec de l’alcool à 70°C. Pincer la peau et piquer avec l’angle approprié (généralement à 90° avec le stylo, 45° à 90° avec la seringue préremplie). Relâcher la peau et injecter la totalité de la solution lentement. Recommander de noter la date, l’heure et le site de l’injection dans le carnet de suivi (à demander au laboratoire ou aux associations de patients). Si deux injections doivent être faites le même jour (méthotrexate et anti-TNF alpha ou 2 injections d’anti-TNF alpha le même jour : Cimzia…), les faire en 2 sites différents (par exemple dans chaque cuisse).

→ Prévenir les réactions au point d’injection : une poche de froid placée sur la zone d’injection avant la désinfection aide à désensibiliser la peau. Après l’injection, il faut comprimer le point d’injection à l’aide d’une compresse sans masser ni frotter la peau. Si la sensation douloureuse persiste après quelques minutes, le patient peut replacer une poche de froid pour insensibiliser la peau. Les sites d’injection doivent être changés à chaque fois en les espaçant d’au moins 3 cm.

→ Transport et conservation : les biothérapies se conservent au réfrigérateur entre + 2°C et + 8°C. Enbrel peut être conservé 4 semaines à température ambiante à moins de 25°C. Le patient peut faire la demande de sacs de transport isothermes et de collecteurs de déchets auprès des laboratoires. En cas de rupture de la chaîne du froid, il est nécessaire de vérifier auprès du service d’information médicale du laboratoire si le médicament peut encore être utilisé.

Méthotrexate

→ Le rythme des injections est hebdomadaire.

→ C’est un cytotoxique. À domicile, les injections de méthotrexate sont généralement prescrites sous la forme de seringue préremplie (Metoject), ce qui évite les manipulations du cytotoxique et permet l’apprentissage de l’injection par le patient. Si l’injection est faite par une personne de l’entourage, il est nécessaire de prévoir des gants : en cas de contact du cytotoxique avec la peau, celle-ci doit être abondamment rincée à l’eau. Rappeler au patient que l’élimination des déchets se fait dans un container adapté.

PAR VOIE ORALE

Antalgiques et AINS

→ À l’inverse des traitements de fond dont l’observance doit être rigoureuse et qui ne doivent jamais être interrompus de la propre initiative du patient (sauf en cas de fièvre sous anti-TNF alpha), le recours aux antalgiques n’est justifié qu’au moment des poussées douloureuses. Leur administration doit se faire selon les recommandations médicales.

→ La prise des AINS s’effectue au cours d’un repas, avec un grand verre d’eau, pour limiter les effets indésirables digestifs. Une prise au coucher peut permettre une meilleure efficacité sur les douleurs nocturnes et l’enraidissement matinal : il faut alors prévoir une collation.

Corticoïdes

→ Une prise unique le matin est recommandée (pour respecter la sécrétion endogène de cortisol et limiter l’effet freinateur sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien) au cours du petit déjeuner (pour limiter les effets indésirables digestifs). Dans certains cas, la prédominance nocturne ou matinale des symptômes et/ou une forte dose de cortisone peuvent justifier le fractionnement de la corticothérapie journalière en une dose matin et soir.

→ Un traitement prolongé par corticoïde doit toujours être interrompu progressivement pour permettre la reprise de la fonction corticotrope (risque d’insuffisance surrénalienne).

→ Pour faciliter la reprise de la synthèse endogène de cortisol, le corticoïde de synthèse (à une posologie de 5 à 7 mg de prednisone ou équivalent) peut être remplacé par un traitement substitutif par hydrocortisone (Hydrocortisone Roussel…) dont l’effet freinateur est moins important que les autres corticoïdes (mais action anti-inflammatoire également plus limitée). Un test au Synacthène (tétracoside) est ensuite effectué, en milieu hospitalier, pour vérifier la reprise de la fonction surrénale. Le tétracoside mime l’action de l’ACTH, hormone sécrétée par l’antéhypophyse qui contrôle la sécrétion de cortisol endogène. La cortisolémie est mesurée avant puis après l’injection. Au-dessus d’une certaine valeur, le risque d’insuffisance surrénale est écarté : l’hydrocortisone peut être arrêtée.

Méthotrexate et acide folique

→ S’assurer que le médecin a bien fixé avec le patient un jour de prise hebdomadaire et que le pharmacien a noté ce jour sur la boîte, pour éviter des cas d’iatrogénie.

→ Le méthotrexate (oral ou injectable) est toujours associé à la prise d’acide folique (Speciafoldine) pour limiter certains effets indésirables du cytotoxique (digestifs, hépatiques…). L’acide folique est administré à distance du méthotrexate, souvent 48 heures après, mais jamais en même temps pour ne pas antagoniser son action (le méthotrexate est un antifolate).

Question de patient

Puis-je prendre des AINS en automédication ?

Les nombreux traitements prescrits exposent à des interactions médicamenteuses. L’automédication doit être évitée. L’aspirine et les AINS notamment sont déconseillés en automédication car ils peuvent interférer avec les autres traitements prescrits (AINS sur prescription, corticoïdes…). Attention également aux plantes, et notamment au millepertuis ou au jus de pamplemousse, qui interfèrent avec certains traitements.

Point de vue…

« L’observance des traitements de fond est essentielle »

Dr Laurent Grange, rhumatologue, CHU de Grenoble (38), président de l’Aflar*

« Comme pour toutes les maladies chroniques, il faut insister sur l’observance des traitements de fond. Le traitement doit être poursuivi avec la même régularité, même si le patient va mieux. En cas d’oubli d’une injection d’anti-TNF alpha, le patient peut se référer aux fiches synthétiques en ligne sur le site de l’Andar, élaborées par des experts. Il faut noter l’oubli de manière à pouvoir le signaler au médecin. »

* Aflar : Association française de lutte antirhumatismale (voir partie Savoir plus p. 45).

Je cote à la nomenclature

→ La cotation des “Prélèvements et injections” est répertoriée dans l’article 1er des Soins de pratique courante figurant dans la NGAP.

→ La cotation des injections de méthotrexate et anti-TNF alpha est :

AMI 1 + MAU (majoration d’acte unique) +, selon le cas, IFD (Indemnité forfaitaire de déplacement) + IK (indemnité kilométrique si kilomètres facturables).