L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous vaccinez monsieur T. contre le pneumocoque. Ce dernier, atteint d’une polyarthrite rhumatoïde, est sous méthotrexate. Sa maladie est actuellement en rémission, et le patient vous parle de prochaines vacances au Pérou. Ce projet vous interpelle : la vaccination contre la fièvre jaune, recommandée lors d’une telle destination, pourra-t-elle être entreprise ?

Non. La vaccination antiamarile est contre-indiquée sous traitement immunosuppresseur (risque de maladie vaccinale généralisée mortelle). Si le patient n’est pas déjà vacciné, il ne pourra pas entreprendre cette vaccination durant son traitement.

VACCINATIONS ET VOYAGES

→ Les vaccins vivants atténués (fièvre jaune, rougeole, oreillons, rubéole, BCG) sont contre-indiqués avec le méthotrexate et les anti-TNF alpha, et déconseillés avec les autres immunosuppresseurs (léflunomide, corticoïdes au long cours…). La vaccination annuelle contre la grippe est recommandée ainsi que la vaccination antipneumococcique (tous les 3 à 5 ans), notamment chez les personnes à risque (diabétiques, insuffisants respiratoires…). Les autres vaccins (tétanos, fièvre typhoïde, hépatites A et B, etc.) ne posent pas de problèmes et peuvent être réalisés.

→ Selon la destination, tout projet de voyage doit être préparé plusieurs mois à l’avance pour permettre la réalisation de certains vaccins (fièvre typhoïde…) et pour évaluer si le projet est compatible avec l’état de santé du patient (maladie en rémission…) et les traitements suivis (contre-indication de la vaccination antiamarile notamment). Demander au médecin une prescription en dénomination commune internationale (DCI). Idéalement, faire traduire l’ordonnance et/ou le certificat médical élaboré par le médecin en anglais.

→ Prévoir : carnet de vaccination, carnet de suivi de la polyarthrite, selon le cas, sac isotherme et trousse à pharmacie, à adapter selon le voyage mais comportant systématiquement thermomètre, antiseptiques et crème solaire haute protection, car de nombreux traitements de fond sont photosensibilisants. En cas de destination vers un pays tropical, il faut rappeler les mesures d’hygiène de prévention de la tourista (ne boire que de l’eau embouteillée, éplucher les fruits consommés crus, etc.). Il est prudent de recommander une consultation spécialisée en médecin du voyageur.

→ Le jour du voyage : avoir ses traitements (par voie orale ou injectable) et l’ordonnance sur soi en cas de voyage en avion (pour palier tout retard de vol qui compromettrait l’administration du traitement).

ALIMENTATION

→ D’une manière générale, il faut éviter la fonte musculaire, mais aussi une prise de poids importante, car elle fragilise les articulations. L’alimentation doit être riche en calcium et vitamine D (une supplémentation en calcium et vitamine D est systématiquement prescrite en cas de corticothérapie au long cours ; selon le cas, un biphosphonate est indiqué). La consommation d’alcool doit être modérée, car ce dernier augmente la toxicité hépatique des médicaments (méthotrexate notamment et autres traitements).

→ Sous corticothérapie au long cours : il est recommandé de manger peu salé pour limiter la rétention hydrosodé (éviter les plats tout prêts, ne pas resaler son assiette…) et de limiter les graisses et les sucres rapides pour éviter une prise de poids.

→ En regard du risque cardiovasculaire : les recommandations nutritionnelles classiques sont à rappeler, car le risque cardiovasculaire est augmenté au cours de la maladie. Surveiller son poids, privilégier une alimentation de type « méditerranéenne » (huiles végétales, poissons, etc.), réduire les graisses saturées (fromages, pâtisseries, charcuteries, etc.), privilégier les féculents, les légumes secs, frais et les fruits.

→ Recommander l’arrêt du tabac, qui demeure un facteur aggravant de la maladie.

→ Régimes particuliers : aucun n’a montré sa supériorité dans le contrôle de la maladie elle-même, et surtout pas les régimes d’exclusion (sans lait, sans gluten…) qui exposent à des carences. Si, malgré tout, les patients souhaitent suivre un tel régime, il faut leur recommander de consulter une diététicienne.

→ L’enrichissement de l’alimentation en oméga 3 peut être conseillé (en raison de leur rôle anti-inflammatoire), mais il n’y a pas de preuve réelle de leur efficacité. Une supplémentation sous la forme de compléments alimentaires reste du domaine de la prescription médicale.

PRÉVENIR LE RISQUE INFECTIEUX

Une bonne hygiène générale est recommandée, car le risque infectieux est majoré par tous les traitements de fond et notamment par leur association (corticothérapie au long cours, méthotrexate, anti-TNF alpha…).

→ Le b.a-ba à rappeler : lavage fréquent des mains (après être allé aux toilettes, avant de passer à table, etc.), désinfection soigneuse de toute plaie cutanée, soins de pédicure…

→ Hygiène dentaire : une bonne hygiène dentaire (brossage des dents au moins matin et soir, changement régulier de la brosse à dents…) ainsi que des contrôles réguliers sont recommandés pour traiter au plus vite un foyer infectieux (favorisé par les parodontopathies, plus fréquentes chez les patients atteints de polyarthrite). De plus, pour les patients sous biphosphonates (traitement d’une ostéoporose fréquente en cas de corticothérapie au long cours), une surveillance régulière est impérative en raison du risque d’ostéonécrose de la mâchoire de ces traitements. Le patient doit toujours alerter son chirurgien-dentiste de la prise d’un traitement de fond car, selon le cas, une antibioprophylaxie sera mise en route.

→ Toute intervention chirurgicale doit être programmée (sauf circonstances particulières), y compris certaines interventions dentaires (extraction, abcès), de manière à stopper si nécessaire le traitement de fond et mettre en route dune antibioprophylaxie.

ACTIVITÉ PHYSIQUE ET KINÉSITHÉRAPIE

→ La kinésithérapie est recommandée à tous les stades de la maladie, mais adaptée lors des poussées.

→ Les études montrent que les patients qui gardent une activité physique régulière (équivalent à une demi-heure de marche quotidienne pour les personnes n’ayant pas l’habitude de pratiquer une activité sportive) ont une meilleure qualité de vie. L’activité physique est en effet bénéfique à plus d’un titre : pour le moral et l’entretien du potentiel musculaire et osseux, pour lutter contre le surpoids et le risque cardiovasculaire. Elle a également un retentissement positif sur la fatigue, omniprésente à tous les stades de la maladie. Aucun sport n’est contre-indiqué, mais sa pratique doit être adaptée à l’état clinique du patient : dans tous les cas, l’activité sportive doit être stoppée au cours des poussées de la maladie. Une consigne est à respecter : s’arrêter avant d’avoir mal. Une consultation en médecine physique et de réadaptation ou en médecine du sport (dans les hôpitaux ou centre de rééducation) peut être utile, notamment pour adapter la pratique d’une activité sportive préalable à la maladie.

CRYO OU THERMOTHÉRAPIE

La thermothérapie (douche ou bain chaud, applications de chaud à l’aide de patch chauffant, de poche de chaud/froid, etc.) peut être utile pour soulager les douleurs chroniques et en particulier aider au dérouillage matinal.

En revanche, une articulation très inflammatoire (au cours d’une poussée) est soulagée par l’application de froid (poche de glace).

Question de patient

Une grossesse est-elle envisageable avec ma maladie et mes traitements ?

Une grossesse est tout à fait envisageable au cours de la polyarthrite rhumatoïde. En revanche, tout projet de grossesse doit être planifié avec le médecin, car certains traitements sont tératogènes et devront être stoppés plusieurs mois avant la conception. La maladie n’a pas d’influence sur la grossesse elle-même (il n’y a pas plus de fausses couches ni d’accouchements prématurés). De plus, la grossesse améliore souvent la polyarthrite qui entre en rémission (mais une rechute est toutefois fréquente après l’accouchement).

Point de vue…

« Encourager les patients à suivre un programme d’éducation thérapeutique »

Dr Laurent Grange, rhumatologue, CHU de Grenoble (38)

« Une des missions des professionnels de santé face à une maladie chronique est d’encourager les patients à suivre un programme d’éducation thérapeutique. Mis en place au sein des services de rhumatologie des hôpitaux, ces derniers existent depuis de nombreuses années dans la polyarthrite rhumatoïde. Ils avaient à l’origine pour dénomination les Écoles de la polyarthrite. Ils ont évolué pour être conformes aux recommandations de la Haute Autorité de santé, avec notamment la mise en place d’entretiens individuels (initial et de suivi) en plus des séances d’éducation collective. »