L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

VENDÉE (85)

Initiatives

Pour éviter le risque d’un essoufflement professionnel, Gaëlle Charrier-Bretagne a trouvé le remède : écrire pour respirer. Elle pratique d’ailleurs l’exercice avec un certain succès. Son troisième ouvrage, L’Ultime Sentier, devrait prochainement être édité.

L’écriture, c’est moi ! », synthétise Gaëlle Charrier-Bretagne, infirmière libérale installée en Vendée depuis 1999. Pour son troisième ouvrage, qui traite des aléas entâchant le chemin de vie de deux couples, l’intrigue se situe sur l’île de Madagascar. Il devrait sortir, si tout va bien, au second semestre. Mais quel rapport l’écriture et la santé peuvent-elles avoir l’une avec l’autre ?

La relation à l’autre

« Au lycée, par sécurité, j’ai choisi de m’orienter vers le médico-social, même si j’adorais la littérature », explique-t-elle. Infirmière diplômée depuis 1995, elle aime surtout aller vers les gens : « C’est ce qui me plaît dans le domicile. Évidemment, le côté technique reste passionnant, d’autant qu’il ne disparaît pas vraiment en libéral : on est par exemple amené à faire des dialyses péritonéales ou des chimios. » L’humain, la relation à l’autre, voilà ce qui constitue le dénominateur commun entre son activité professionnelle et son goût pour la littérature. « Pendant la tournée, en voiture, j’ai toujours un calepin sur moi. Si quelque chose me marque, je prends des notes. C’est vital, car l’écriture est le garant de mon équilibre », témoigne Gaëlle, qui a organisé son planning en vue de dégager du temps pour l’écriture. « Nous sommes deux au cabinet. De cette façon, j’arrive à alterner temps professionnel et temps personnel. »

De livres en livres

Avant l’écriture, il y a eu la lecture. « Enfant, je n’ai pas le souvenir de m’être un jour couchée sans un livre à la main, et ce, jusqu’à aujourd’hui », poursuit la jeune femme. Elle plonge avec autant d’appétence dans une intrigue ésotérique de Dan Brown que dans une trame autobiographique de Delphine de Vigan en passant par l’âme poétique d’une Carolyn Jess-Cooke. Gaëlle reconnaît avoir une approche assez hétéroclite du roman. Elle la nourrit en passant une heure à farfouiller à la librairie des environs de temps à autre. « C’est ainsi que j’ai découvert la littérature canadienne. Toutes les formes de roman m’intéressent, le style policier un peu moins. J’aime l’histoire de gens au parcours atypique plutôt que des témoignages dramatiques. Entre les pages, je m’évade de la réalité. C’est un voyage », révèle-t-elle.

Mais, voilà quelques années, sa passion pour les mots a pris une autre forme : l’écriture. Même si, finalement, devenir écrivain n’était pas une vocation si insolite pour Gaëlle : « Il y a environ deux ans, j’ai redécouvert les traces de mes débuts : âgée d’une dizaine d’années, j’avais produit un petit livret d’histoires inventées et décorées par mes soins. J’avais complètement occulté cette période. Par la suite, je n’ai même jamais tenu un journal intime, j’ai juste conservé le goût pour la correspondance. »

Si Gaëlle tient l’écriture pour une discipline matinale, son premier roman a toutefois échappé à cette règle : « Je n’ai pas eu à réfléchir, car c’était un roman autobiographique. Je l’ai rédigé le matin et le soir, tard. » Le premier jet est né de l’envie de transmettre à ses enfants les valeurs que lui avait transmises son grand-père décédé. « Puis mes proches l’ont lu, et mes amis. Ils m’ont fait entrevoir l’idée d’une publication. De fait, j’avais eu tellement de plaisir à l’écrire, à faire revivre certains épisodes du passé, pourquoi ne pas essayer de le partager plus largement ? J’ai retravaillé mon texte pour en faire un roman et j’ai envoyé le manuscrit à quelques éditeurs. » Au bout d’un an et demi, les premières réponses sont arrivées. Le côté autobiographique, très en vogue, était bien accueilli, mais « les lecteurs étaient surtout touchés par l’histoire ». Pari gagné pour Gaëlle : les éditions Bénevent concrétisent son projet en publiant en avril 2010 Une âme bienveillante à 300 premiers exemplaires, un chiffre qui grimpe très vite à 600. Forcément, la presse locale s’en fait l’écho. « Habituellement, avec mes patients, je reste très réservée sur mon intimité. Mais là, les patients m’attendaient : ils se demandaient ce que l’infirmière avait bien pu écrire… » Ravis de découvrir davantage de la personnalité de Gaëlle, les retours étaient plutôt bons. Ils apprenaient ou trouvaient dans son écriture la confirmation de sa capacité à dépasser les maux et de son désir de partager. « J’ai envie que cela se sente. Je suis dans l’humain, dans les émotions. J’essaie de communiquer un certain état d’esprit face à la vie, qui peut parfois se montrer difficile », défend-elle.

Un bol d’air dans sa vie

Installée en libéral depuis quatorze ans, et un recueil de nouvelles plus tard (Un cygne parmi les orties, septembre 2010), l’écriture et les salons sont devenus son oxygène. « C’est une façon de me ressourcer, de m’épanouir et de sortir des conversations habituelles – les examens, la douleur, la santé… – et de la course contre le temps », observe la jeune écrivaine. Auteurs et lecteurs représentent désormais sa deuxième famille. Et l’expérience des salons s’est avérée être la cerise sur le gâteau pour Gaëlle. Écrire, soit, mais publier, quelle récompense ! Rencontrer les lecteurs et intégrer le cercle des auteurs avec un grand A était un rêve qu’elle n’avait même pas osé formuler : « La première fois, j’avais peur de me retrouver perdue au milieu d’auteurs confirmés et guindés. En fait, l’ambiance est excellente, la plupart ne manquent pas d’humour. Du même coup, j’ai aussi gagné de nouvelles lectures, se réjouit l’infirmière reconvertie. Et rencontrer les lecteurs, cela fait un bien fou ! L’intérêt qu’ils portent à un ouvrage n’est que du bonheur. Leurs critiques, je m’en sers pour avancer. Les remarques sur ma façon de basculer entre passé et présent, notamment, m’ont permis d’affiner ce type d’articulation. Oui, l’évolution se joue surtout au niveau de la forme. »

En véritable “accro” de l’univers littéraire, Gaëlle se perfuse désormais régulièrement à coup de Facebook, afin de préserver le lien avec ses pairs : « On échange beaucoup, sur nos difficultés, sur l’actualité des salons passés et à venir. » Entre deux événements, Gaëlle chouchoute aussi « ses fans » avec un site Internet. Et là, surprise : au moyen du formulaire de contact, un internaute lui propose de rédiger son parcours de vie. « J’ai d’abord répondu négativement. Ce n’était pas mon but. » Seulement, quelques semaines plus tard, un patient formule la même requête. Gaëlle se renseigne alors et réfléchit sur les modalités : cela pourrait lui permettre de diminuer son activité infirmière au profit de l’écriture. Les biographies constituent une autre façon d’aborder les gens, autrement que par le soin. « Les gens, c’est ce que j’aime. Le côté recherche documentaire, nécessaire pour replacer un parcours dans son contexte, m’attire aussi. » Une compétence qu’elle vient d’ailleurs d’expérimenter : « Dans mon dernier roman, il y a une bonne dose de recherches, liées à mes souvenirs de voyage, ainsi qu’une part d’imaginaire. »

Blog

→ www.gaelle-charrier.com : site Internet où Gaëlle diffuse des actus et des photos. Également utile pour garder le contact entre deux salons.