Cahier de formation
Savoir faire
Mme C., 70 ans, est de retour chez elle, après avoir été hospitalisée pour une poussée sévère de polyarthrite rhumatoïde. Elle souffre de handicap sévère retentissant sur les activités quotidiennes et paraît très démoralisée. Elle vit seule depuis le décès de son mari il y a deux ans.
Vous prenez le temps d’écouter Mme C. pour envisager ses besoins (aide pour la toilette, l’habillage, la préparation des repas) et les modifications à apporter à son mode de vie. Enfin, vous jouez un rôle majeur dans la coordination interdisciplinaire et dans la transmission des informations auprès du médecin traitant (concernant notamment l’état psychologique de Mme C.), du pharmacien (concernant d’éventuelles entraves à la bonne observance des traitements), mais également des autres intervenants (ergothérapeute, kinésithérapeute et, le cas échéant, psychothérapeute).
→ L’évaluation du handicap et du retentissement de la pathologie sur la vie quotidienne (toilette, coiffure, habillage, laçage de chaussures, ouverture et fermeture des robinets, prise alimentaire, écriture…) est indispensable pour pouvoir proposer au patient une stratégie d’adaptation et mettre en œuvre un programme d’aide personnalisée en vue de maintenir ce dernier dans son cadre de vie.
→ Le HAQ (Health Assessment Questionnaire) est un questionnaire qui évalue l’incapacité fonctionnelle liée à la polyarthrite rhumatoïde, mais il est peu utilisé en France en pratique quotidienne. Il apprécie la capacité du patient à s’habiller, se laver les cheveux, se lever d’une chaise ou d’un lit, couper sa viande et se servir à boire, se laver et se sécher, s’asseoir et se relever des toilettes, marcher en terrain plat et monter des marches, attraper un objet en hauteur, se baisser pour ramasser un vêtement, à faire les courses et le ménage, ainsi que les facultés de préhension du patient. Le recours à une aide technique ou à une tierce personne est également pris en compte dans l’évaluation.
→ Bien expliquer à l’entourage ou à l’aide à domicile que les raideurs articulaires sont maximales le matin et qu’il ne faut donc pas presser le patient pour se laver ou s’habiller.
→ Privilégier des vêtements amples, faciles à enfiler, et des fermetures par scratchs plutôt que des boutonnières. Choisir des chaussures confortables (tenir compte des déformations qui entravent le chaussage) qui maintiennent le pied sans le comprimer et sans lacets (privilégier les modèles à bandes auto-adhésives ou à lacets élastiques).
→ Des peignes et brosses à longs manches peuvent être conseillés pour faciliter la coiffure.
→ La prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde est multidisciplinaire. En cas de handicap fonctionnel, l’intervention d’un ergothérapeute devra être sollicitée pour envisager le réaménagement de l’habitat et la mise en place d’aides techniques qui facilitent la vie quotidienne : réhausseurs de toilettes, barres de douche, volets et interrupteurs électriques, robinets mitigeurs, téléphones mains-libres, couverts et ustensiles à gros manches, casseroles à deux anses, ouvre-boîtes électriques, ramasse-objets télescopiques, pinces de préhension, ciseaux ergonomiques.
→ Des stylos à gros diamètre facilitent l’écriture et des supports spéciaux peuvent être utilisés pour éviter d’avoir à tenir un livre ou un jeu de cartes trop longtemps et permettre ainsi de conserver des activités de loisir.
Pour ménager les articulations, certains gestes sont à enseigner au patient : porter les charges à deux mains et non d’une seule, éviter de saisir les objets entre le pouce et l’index, ainsi que de se servir de sa main comme d’un crochet pour porter une charge.
La conduite automobile peut être facilitée par un modèle de voiture à direction assistée, avec embrayage et ouverture des portes automatique. Déconseiller la conduite en cas de troubles visuels ou de vertiges induits par les traitements.
Conseiller le patient d’informer la médecine du travail de façon à envisager un aménagement du poste ou des horaires du travail (prise de travail en fin de matinée ou en après-midi de façon à laisser le temps du dérouillage) ou un reclassement professionnel.
La polyarthrite rhumatoïde a des conséquences physiques parfois très handicapantes, mais aussi des répercussions psychologiques. Du fait de sa proximité avec les patients, l’infirmière libérale est particulièrement bien placée pour recevoir les confidences des patients qui peuvent se sentir angoissés par cette maladie chronique et les déformations articulaires auxquelles elle expose. Il convient d’être à l’écoute, de faire preuve d’empathie, pour favoriser l’expression du patient quant à ses inquiétudes, et évaluer le retentissement psychologique de la maladie, qui peut nécessiter l’intervention d’un psychologue ou d’un psychiatre. Il peut également être utile de transmettre au patient les coordonnées d’associations (voir partie Savoir plus, ci-contre), afin d’éviter le repli sur soi et l’isolement. Car exprimer librement ses peines, ses incertitudes, son souci de l’avenir lui permet de rompre la solitude dans laquelle il peut se sentir enfermé.
Élodie, patiente de 24 ans
« La maladie a débuté l’année de mes 17 ans. J’ai commencé à avoir mal aux doigts, mais j’ai mis ces douleurs sur le compte du volley, mon option pour le Bac. Et puis, progressivement, cela s’est aggravé : je ne pouvais presque plus tenir un stylo ni porter une carafe d’eau ! Le diagnostic a finalement été posé suite à une échographie de mes mains et au bilan sanguin révélant un marqueur HLA. J’ai alors eu toute une série de traitements de fond qui ont été stoppés à chaque fois à la suite d’effets indésirables. Heureusement, la maladie s’est stabilisée… jusqu’à récemment où, suite à un décès dans ma famille, les poussées douloureuses sont réapparues. Il me faut une heure le matin avant de pouvoir utiliser mes mains efficacement. Je m’en suis accommodée et je fais avec. Le problème, c’est de devoir dépendre des autres pour porter les courses ou soulever quelque chose de lourd. »
→ L’article 11 du chapitre 1 de la Nomenclature générale des actes professionnels infirmiers aborde la cotation des “Soins infirmiers à domicile, quel que soit son âge, en situation de dépendance temporaire ou permanente”, ce qui peut être le cas d’un patient polyarthritique, lorsque la maladie est handicapante.
Serge Tchurukdichian, kinésithérapeute à l’Institut de la main, Paris XVIe
« Les orthèses de repos, rigides et correctrices, permettent d’immobiliser la main. Il est important de les garder la nuit, même en période froide (c’est-à-dire en dehors des poussées inflammatoires) pour éviter les mouvements de flexion (liés à la position de sommeil comme le chien de fusil) qui augmentent les pressions sur les cartilages. Elles sont contraignantes à porter en journée car elles entravent la mobilité de la main. Dans certains cas, le poignet peut être pris aussi 1. Les orthèses de fonction, en mousse et très souples 2, permettent quant à elles de réaxer les métacarpo-phalangiennes pour que le patient puisse se servir de sa main, dans la vie active quotidienne, sans douleur et sans majorer les déformations. Il existe d’autres types d’orthèses pour les patients opérés. Il faut s’adapter aux besoins du patient et à l’évolution de la maladie. »