L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

REMPLACEMENT

L’exercice au quotidien

Depuis 2006 en Midi-Pyrénées, soutenue par six ans d’expérience, dont trois à domicile, Sandrine Massoc a renoncé à la routine au profit de la diversité du remplacement libéral.

J’ai vendu mon cabinet car j’avais be­soin de découvrir autre chose. En re­vanche, il était clair que je ne voulais pas quitter l’exercice libéral pour lequel j’avais opté dès le départ.

Changer de cabinet, c’est comme découvrir un autre pays. J’expérimente d’autres façons de fonctionner – organisations et techniques –, sans tomber dans la routine. Le plus difficile est de se construire des repères.

Aujourd’hui, je travaille principalement avec deux cabinets. Je prends le relais sur leurs congés. Le premier se situe dans le Tarn, en zone rurale, tandis que le second se trouve en Haute-Garonne, à Toulouse. J’aime ce contraste : d’un côté, beaucoup de kilomètres et les tracteurs ; de l’autre, des codes d’entrée en bas des résidences et les bouchons. Les gens, eux, ne sont pas si différents. Quant aux collègues, en campagne comme en ville, elles apprécient le restaurant, et la convivialité est toujours de mise.

Concrètement, pour le remplacement, il faut savoir faire preuve de souplesse. Je n’ai pas d’enfants, mais il serait difficile de concilier mon activité avec une vie de famille. Le travail est saisonnier et les horaires plutôt chargés en période d’activité. En été, je travaille souvent sur trois cabinets. En revanche, lissé sur l’année, cela représente dix à douze jours d’activité par mois.

Sur le terrain, je suis la tournée organisée par quelqu’un d’autre. En général, les patients m’adoptent rapidement. Mais, au niveau des soins, une expérience antérieure du libéral demeure utile : je suis tout autant amenée à enchaîner les prises de sang qu’à retirer une chimio. Je continue d’apprendre aussi, par exemple aux côtés d’une Idel qui a suivi un DU plaies et cicatrisation.

Pour ma part, je partage ma palette d’expériences : montrer de nouveaux pansements, réfléchir à l’organisation de la tournée… J’apporte aussi du recul à mes collègues. D’ailleurs, un jour, j’aimerais vraiment organiser une sorte de troc entre les cabinets, que chacun puisse expérimenter un autre quotidien.

C’est sûr, je ne retournerai pas en arrière. Mais, à 36 ans, je réfléchis à faire autre chose. J’aime mon métier, mais je n’ai pas un caractère passionné. J’apprécie aussi ce que je fais parce que cela me laisse du temps, et de l’argent, pour mes voyages et l’écriture. »

Avis de l’expert

L’autonomie et son lot de contradictions

Antoine Duarte, psychodynamicien et psychologue du travail pour l’Asti* à Toulouse, intervenant en Ehpad et clinique

« La santé mentale dépend de la capacité de chacun à maîtriser son quotidien. Pour y parvenir, nous développons différentes stratégies. Ici, Sandrine évite le rapport dominant-dominé lié au système hiérarchique. Mais la promesse d’indépendance du statut de remplaçante est en décalage avec le réel conflit entre vie privée et vie professionnelle. De plus, la recherche d’autonomie isole et entre en contradiction avec la promesse formidable du travail – la construction de règles du métier en coopération, le partage d’une éthique professionnelle –, ce que Sandrine exprime par un besoin de repères et envisage de résoudre en instaurant un troc de cabinets. À terme, face aux contradictions, le risque est évidemment un épuisement professionnel. »

* Asti : Association de santé au travail interservices