Le débat
La politique de santé publique vise à promouvoir la prescription systématique des médicaments génériques. Pourtant, cette démarche n’est pas sans susciter des réactions au sein même du corps médical.
Avez-vous le sentiment que la promotion des médicaments génériques relève avant tout d’une démarche économique des pouvoirs publics ?
La démarche est effectivement purement économique et politique. La promotion des médicaments génériques est partie de l’objectif de réduire le déficit de la Sécurité sociale. Les pouvoirs publics ont donc cherché à simplifier la définition des génériques, leur procédure d’autorisation de mise sur le marché, à faciliter leur accès avec le dispositif tiers payant contre génériques, à accorder aux pharmaciens des primes et, pour les médecins, un accord de paiement à la performance pousse à la prescription de ces médicaments.
La composition des médicaments génériques diffère-t-elle réellement de celle de leur princeps ?
Il existe plusieurs catégories de médicaments génériques. Les auto-génériques, qui sont de vraies copies des princeps, les génériques similaires, qui ont le même principe actif, mais des excipients différents, et les génériques assimilables, qui sont complètement différents. Les génériques ne peuvent pas tous être mis dans le même sac. Et le médecin n’a plus la mainmise sur sa prescription, car le pharmacien peut délivrer un médicament générique à la place du médicament prescrit, si le médecin n’a pas inscrit « non substituable » sur l’ordonnance. Cette politique du générique peut être nuisible pour le patient car certains génériques ont des effets secondaires et une efficacité moindre. Il y a un consensus pour ne pas prescrire des génériques pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, notamment pour l’épilepsie ou la tyroïde.
Quel retour avez-vous de vos patients utilisant des médicaments génériques ?
Je prescrits des médicaments génériques uniquement à mes patients jeunes, pour des pathologies bénignes, et pour des traitements de courte durée, d’une à deux semaines. Si mes patients ont plus de 65 ans, qu’ils sont polypathologiques avec des maladies chroniques, je préfère la molécule princeps. Il y a une notion très importante qui est l’observance thérapeutique. Les génériques ne doivent pas être systématiques, il faut une médecine personnalisée. Certaines personnes âgées, grandes consommatrices de médicaments, nous disent qu’elles ressentent des effets secondaires. Dire que les médicaments génériques ont la même tolérance et la même efficacité, sans avoir fait des études, est un mensonge.
Avez-vous le sentiment que la promotion des médicaments génériques relève avant tout d’une démarche économique des pouvoirs publics ?
Oui, mais pas uniquement. Prescrire des médicaments qui ont la même efficacité sur le plan thérapeutique et un moindre coût est important, car notre Assurance maladie est solidaire, et chaque euro économisé peut servir à une autre prise en charge. La prescription des médicaments génériques permet une économie de 1,5 milliard d’euros chaque année. Mais il ne faut pas dire que cela se fait au détriment de la santé. La démarche est également sanitaire. Il y a eu des discussions sur les antiépileptiques, or toutes les études ont démontré qu’il n’y a pas d’effets délétères de l’usage des génériques sur les patients.
La composition des médicaments génériques diffère-t-elle réellement de celle de leur princeps ?
Ce qui diffère éventuellement, ce sont les excipients. Et certains excipients des médicaments génériques sont utilisés dans les princeps. Aucune étude n’a jamais démontré des effets néfastes sur les patients pouvant venir des excipients. Ceux qui le disent sont dans l’opinion et non dans la démonstration. Cette polémique sur des médicaments parfois 60 % moins chers que les originaux n’est que franco-française.
Quel retour avez-vous de vos patients utilisant des médicaments génériques ?
95 % de mes patients ne me disent rien ; 4 % d’entre eux me posent des questions pour que je les rassure ; et 1 % sont dans une position idéologique. Je leur dis donc de changer de médecin et personne ne l’a jamais fait. Cela fait dix ans que je prescrits des médicaments génériques. Je les prescrits à mes proches, et je le dis à mes patients quand ils ont besoin d’être rassurés. J’ai confiance dans les médicaments génériques : si ce n’était pas le cas, je ne les prescrirais pas. La seule problématique qui se pose est le changement de nom des médicaments pour les personnes âgées qui ont besoin de stabilité. Je demande donc au pharmacien de stabiliser les génériques des personnes âgées, de leur donner toujours le même. Le gouvernement devrait mettre un peu d’ordre dans le boîtage de ces médicaments.