L'infirmière Libérale Magazine n° 294 du 01/07/2013

 

Votre cabinet

FICHE PRATIQUE

Depuis une dizaine d’années seulement, le fait de céder sa clientèle est possible, à condition de conserver en première vue la liberté individuelle fondamentale de chaque patient de choisir son professionnel traitant.

Pendant longtemps, les tribunaux ont refusé de valider des transactions portant sur des cessions de clientèle, considérant que le lien qui unit un patient à un praticien était tellement particulier qu’il ne pouvait faire l’objet d’un tel contrat. Puis la jurisprudence a fini par capituler, à condition que soit préservée la liberté de choix du patient.

Comment estimer la valeur de la clientèle ?

Aucun texte juridique ne donne d’indication pour évaluer une clientèle d’infirmière libérale. Seuls les usages peuvent être invoqués. Ces derniers suggèrent que le calcul se fasse sur la base de la moyenne des chiffres d’affaires des trois dernières années d’exercice au vu des déclarations fiscales. À cette moyenne, s’applique un pourcentage qui peut varier de 30 à 40 % en fonction de l’examen de différents paramètres. Les éléments qu’il conviendra d’étudier sont : le type de clientèle, l’âge moyen des patients, la diversité ou non des pathologies et des soins, l’ancienneté et la réputation du cabinet, la possibilité ou non de poursuivre le bail du local ou d’en racheter les murs, la concurrence d’autres professionnels, l’existence de Ssiad, HAD, le lieu de résidence des patients (les maisons de retraite tendent à se passer des services des infirmières libérales). Les relevés Système national inter-régimes (Snir) fournis tous les ans par la CPAM à chaque infirmière libérale reflètent son activité conventionnée et indiquent le nombre et le type d’actes effectués (AIS, AMI). Les lire donne des indices sur la composition de la clientèle. L’importance ou non des indemnités kilométriques dans le chiffre d’affaires doit être examinée, car ces dernières pourront être supprimées en cas d’installation d’une nouvelle infirmière dans le secteur. Un autre critère entre évidemment en ligne de compte, celui de l’offre et de la demande. La mise en place de seuils d’efficience (dits “quotas”) avait eu, il y a quelques années, des répercussions sur les cessions de clientèle. Il y a fort à parier qu’il en est de même actuellement dans les zones dites surdotées. En effet, dans le cadre des mesures de rééquilabrage de l’offre de soins infirmiers sur le territoire prévues aux avenants n °1 et n °3 à la Convention des infirmières, applicable depuis le mois d’avril 2009, une infirmière ne peut être conventionnée que si une autre cesse définitivement son activité, sauf dérogations. Par conséquent, certaines infirmières peuvent être tentées de négocier au prix fort leur retrait.

Quelles sont les obligations du vendeur et de l’acheteur ?

La cession doit faire l’objet d’un contrat qui reprendra les obligations des parties.

• S’agissant du cédant, il doit s’engager à présenter son successeur à tous ses patients, à leur demander de reporter la confiance qu’ils lui ont accordée à son successeur et à lui remettre les dossiers de soins. Il le présentera aussi à son réseau de professionnels : médecins, autres infirmières libérales, pharmaciens, prestataires de service, masseurs-kinésithérapeutes, réseaux de soins. Il fera paraître deux annonces dans la presse locale pour prévenir de son départ et de son remplacement par son successeur ainsi que le permettent les règles professionnelles de la profession d’infirmière. Le contrat devra aussi prévoir une clause de non-concurrence. Le cédant doit s’engager à ne plus exercer pendant une période qui ne serait être raisonnablement inférieure à 5 ans sur le même territoire que celui où il exécutait ses soins.

• Quant à l’acheteur, sa principale obligation est de verser le prix convenu. Le cédant peut lui consentir des facilités de paiement qui seront alors précisées dans l’acte.

Quelles autres obligations ?

Le contrat devra être enregistré auprès des impôts dans un délai d’un mois à compter de sa signature. La cession d’une patientèle donne lieu au paiement de droits d’enregistrement qui sont, sauf accord express entre les parties, à la charge de l’acquéreur. Pour les cessions inférieures à 23 000 €, un simple droit fixe de 25 € est exigé. Pour les autres, ils s’élèveront entre 3 et 5 %. Le cédant, quant à lui, pourra se faire imposer au titre des plus-values professionnelles, en fonction de son chiffre d’affaires et de la durée de son activité professionnelle.

En conclusion, acheter une clientèle peut permettre de démarrer son activité en étant certaine d’avoir immédiatement des rentrées – mais il ne faut pas hésiter à bien examiner ce qui est proposé.

Véronique Sokoloff

→ Juriste en droit pénal et droit de la santé

→ Formatrice en secteur libéral et hospitalier

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