DRÔME (26)
Initiatives
Jacoba Van Os a travaillé en milieu hospitalier aux Pays-Bas jusqu’à l’âge de quarante ans. À la suite d’une complète remise en question, elle savoure de nouvelles opportunités en France.
Infirmière cadre dans un hôpital académique pour enfants en Hollande depuis 1985, Jacoba ne se sentait pas pleinement épanouie dans son métier : « Nous faisions beaucoup de transplantations d’organes, mais aussi beaucoup de recherches à partir des pathologies des enfants, et j’avais des difficultés à accepter cette pratique, analyse-t-elle. Or, lorsqu’on dirige une équipe, il faut être en total accord avec la politique de l’établissement. »
C’est à l’âge de 40 ans, après un burn-out, que Jacoba décide de changer de vie. Elle démissionne en 1993, divorce du père de ses deux filles, et rencontre Nicolas, un Canadien, son futur mari. « Nicolas ne voulait pas s’installer aux Pays-Bas, et je ne voulais pas partir vivre au Canada, se remémore Jacoba. Nous avons donc opté pour la France. » Elle savait à l’époque qu’en tant qu’infirmière, elle pourrait facilement travailler, mais il fallait trouver une activité à Nicolas. Leur choix se porte sur le tourisme, avec l’envie de tenir des gîtes et des chambres d’hôtes. Jacoba prend donc un congé sabbatique de six mois fin 1993, début 1994, pendant lequel elle et son mari parcourent l’Ardèche en caravane, afin de trouver une propriété à acquérir pour réaliser leur projet. Une fois prêts à s’installer en France, Jacoba reprend également son métier d’infirmière dans l’Hexagone. Elle commence par travailler à l’hôpital privé de Montélimar pour perfectionner son français, mais n’y restera que six semaines : « Le système hospitalier français est vraiment différent de celui des Pays-Bas. C’était donc difficile pour moi, d’autant plus que j’étais responsable d’une équipe composée de deux infirmières et environ six aides-soignants. »
Jacoba travaille alors pour une maison de retraite pendant deux ans. C’est par l’intermédiaire d’une collègue qu’elle rencontre une infirmière libérale qui lui propose un remplacement de deux semaines. « Cette première expérience a été une vraie catastrophe. Je ne parvenais pas à trouver les patients en pleine campagne. Ce n’était pas facile. J’ai dû batailler. » Malgré les difficultés rencontrées, Jacoba est séduite par cet exercice qui n’existe pas aux Pays-Bas : « En Hollande, cela s’apparente davantage à l’Hospitalisation à domicile (HAD) ou aux Services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). » Elle rencontre les membres d’un cabinet à Livron-sur-Drôme, et leur explique être intéressée par ce mode d’exercice, mais n’avoir que peu d’expérience. « Dès le premier jour, l’équipe m’a bien accueillie et a accepté de m’apprendre les ficelles du métier. » Jacoba intègre donc l’équipe de cinq infirmiers et devient infirmière libérale associée.
Comme le cabinet est installé à Livron-sur-Drôme, Nicolas entreprend de nouveau des recherches en vue de l’acquisition d’une propriété et, finalement, au lieu de l’Ardèche, c’est la Drôme qui sera leur terre d’accueil. « Lorsque nous avons trouvé notre résidence actuelle à Grâne, à la fin de l’année 2000, elle tombait en ruine », rapporte Jacoba. Après des travaux de reconstruction, les gîtes ouvrent en 2002. Le Perrier – nom de la propriété – est une ferme provençale du XVIIe siècle qui regroupe quatre gîtes de 90 à 100 m2 chacun pouvant accueillir au total 32 personnes sur un terrain de 5 hectares. Nicolas et Jacoba disposent également de deux chambres d’hôtes au sein de leur résidence principale, mais uniquement pour les gens de passage. « Tenir ce gîte nous plait beaucoup. On a craint un moment que notre intimité soit trop bousculée, mais nous avons trouvé un équilibre avec nos clients. » Jacoba cumule donc l’activité du gîte avec son travail en libéral. « J’aime beaucoup l’exercice libéral, cette indépendance et la possibilité de choisir ma propre façon de travailler. La technique est la même partout, mais je peux décider seule du lien que je souhaite créer avec mes patients. » Et d’ajouter : « La France ignore la richesse dont elle dispose avec ce mode d’exercice. »
Depuis quelques mois, Jacoba commence à réduire son activité d’infirmière libérale. « Je suis atteinte d’arthrose, ce qui me gêne dans mon travail. » Elle pense progressivement à une reconversion, et, d’ailleurs, son activité au sein du gîte lui a permis de se découvrir en 2005 un nouveau centre d’intérêt qui a changé sa vie : la méthode PRI (Past Reality Integration), en cours de validation européenne, créée par la psychologue hollandaise, Ingeborg Bosch. « J’ai découvert la méthode PRI par l’intermédiaire de personnes qui venaient suivre la formation d’Ingeborg Bosch, qui habite à côté de chez nous, explique Jacoba. Ces personnes étaient logées dans des gîtes dont elles n’étaient pas satisfaites. Un jour, elles sont venues chez nous, et, contentes de notre prestation, elles ont décidé qu’elles viendraient dorénavant au Perrier. » Et de poursuivre : « J’ai trouvé ces personnes vraiment très intéressantes. Toutes étaient majoritairement des professionnels indépendants comme des coachs, des médecins, des psychologues, des infirmiers, et elles avaient ce point commun d’être passionnées dans la vie. » Ingeborg Bosch décide de rendre visite à Jacoba et Nicolas afin de rencontrer ceux qui hébergent les professionnels suivant sa formation. « Elle m’a expliqué sa méthode, et cela a vraiment “cliqué” entre nous », révèle Jacoba. La méthode PRI consiste à atteindre une plus grande harmonie sur le plan émotionnel et une meilleure appréciation du temps présent car, d’après la psychologue, « beaucoup de nos troubles émotionnels reposent sur des illusions qui nous empêchent de surmonter les difficultés et de profiter de la vie. Les comportements de survie que nous adoptons presque toujours inconsciemment, qui nous étaient pourtant fort utiles dans notre enfance, détruisent les adultes que nous sommes devenus ». « Cette théorie m’a attirée car j’ai toujours recherché la liberté dans ma vie », avoue Jacoba. Elle décide alors de suivre la thérapie à l’issue de laquelle Ingeborg Bosch lui propose de suivre la formation de quatre ans pour devenir thérapeute. Après un an de formation, Jacoba commence à recevoir des clients sous la supervision d’un thérapeute formé.
Actuellement, elle est infirmière libérale environ dix jours par mois et thérapeute 30 heures par mois. Elle reçoit une quinzaine de clients dans son nouveau cabinet de thérapeute ou avec lesquels elle fait des séances via Skype. « La méthode PRI peut m’aider à monter une autre activité car, physiquement, dans deux, trois ans, à cause de mon arthrose, je ne pourrai plus exercer mon métier d’infirmière. » Néanmoins, Jacoba n’a pas pour projet de devenir formatrice, car, pour le moment, « j’ai déjà un métier qui me plaît beaucoup et je ne veux pas l’arrêter. Je vois beaucoup plus d’intérêt dans la combinaison de mon métier avec cette méthode ».
D’ailleurs, elle souhaiterait pouvoir introduire la méthode PRI chez les jeunes infirmières, afin qu’elles aient une meilleure approche de leur métier et des patients. Elle prévoit ainsi de s’investir dans le partage des compétences avec les infirmières en formation et souhaite tout particulièrement insister sur l’importance de la communication dans les relations avec les patients. « À l’hôpital, il y a souvent de la brutalité, de la mauvaise information et les patients n’osent rien dire. Il y a beaucoup de petites choses qui s’accumulent, pas assez pour que le patient puisse porter plainte, mais il faut que cela s’arrête car on ne se rend pas nécessairement compte de l’impact de notre comportement sur eux. Si on se comportait de la sorte en libéral, le patient ne ferait plus appel à nous. » Jacoba estime que, dans les hôpitaux, les patients subissent le système alors que, sans eux, il ne pourrait pas fonctionner. « Nous gagnons bien notre vie grâce à eux. Je suis convaincue que, si notre approche est adaptée aux patients, il y aura moins de dégâts. »
D’après les élèves infirmiers qu’elle reçoit en stage, il y a très peu de modules de communication pendant leur formation. De plus, « les cadres infirmières ne savent pas nécessairement bien guider les élèves qui sont livrés à eux-mêmes. Beaucoup renoncent, on perd de très bonnes infirmières alors que ce n’est pas de leur faute si elles sont choquées par ce qu’elles peuvent vivre ou si elles font des erreurs. C’est normal, elles sont en phase d’apprentissage ». Jacoba souhaite donc, en tant qu’infirmière libérale, partager son expérience, sa vision de la vie et sa philosophie du soin. « À 63 ans, j’ai une très grande énergie. J’ai beaucoup travaillé sur mes défenses et je me suis libérée. Je me sens passionnée. »