L'infirmière Libérale Magazine n° 295 du 01/09/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Les Idels sont bien placées pour contribuer à l’éducation thérapeutique des patients, donner des conseils concernant la manipulation des inhalateurs, mais aussi rassurer les patients sous oxygénothérapie. Autorisées depuis 2007 à prescrire certains dispositifs médicaux, elles ont également un rôle à jouer dans l’évaluation des besoins du patient souffrant de BPCO.

Mme A., souffrant de BPCO, est aujourd’hui à votre cabinet pour se faire vacciner contre la grippe. Elle vous fait part de son étonnement car, cette année, son médecin ne lui a prescrit qu’un vaccin antigrippal, alors que, l’an dernier, elle s’était également fait vacciner contre le pneumocoque. Elle se demande s’il ne s’agit pas d’un oubli du médecin.

Non, il n’y a pas eu omission de prescription. Vous expliquez à Mme A. que le vaccin antigrippal s’injecte tous les ans, et celui contre le pneumocoque tous les cinq ans. Vous en profitez pour lui conseiller de consigner les dates auxquelles elle a eu ses vaccins dans son carnet de suivi ou sur un calepin de façon à mieux s’y retrouver.

INCITER AU DÉPISTAGE

Le dépistage et la prise en charge précoce de la BPCO sont essentiels pour ralentir la progression de l’obstruction bronchique. L’Idel est particulièrement bien placée pour orienter un patient vers une consultation médicale afin de permettre un diagnostic précoce de cette maladie sous-diagnostiquée. Un patient fumeur ou ex-fumeur, de plus de 40 ? ans, essoufflé, toussant ou crachant, est un profil qui doit retenir l’attention de l’infirmière : il est anormal de faire des bronchites à répétition, de cracher et d’être essoufflé, même si l’on fume. Il est important d’encourager la consultation en rassurant le patient sur le caractère indolore des examens permettant de mesurer le souffle.

FIN DU TABAGISME

→ L’arrêt du tabac est une mesure prioritaire, quel que soit le stade de la maladie, pour en ralentir la progression et retarder ainsi l’apparition de l’insuffisance respiratoire. L’Idel peut tout à fait jouer un rôle dans l’aide au sevrage tabagique. En effet, le conseil minimal, qui consiste pour un professionnel de santé à s’enquérir du tabagisme et rappeler les bénéfices de l’arrêt, augmente le nombre de fumeurs qui s’arrêtent pour une durée d’au moins six mois. Il est primordial de le proposer à tout fumeur et de le renouveler régulièrement.

→ L’utilisation du test de Fagerström est recommandée pour apprécier le degré de dépendance du patient et guider la stratégie thérapeutique. C’est un test simple, sous forme de questionnaire, réalisable notamment en pharmacie.

→ Éviter le tabagisme passif : ne pas hésiter à inciter l’entourage du patient à l’arrêt du tabac.

LUTTER CONTRE LES AUTRES FACTEURS D’AGGRAVATION

→ Aérer l’habitat et les locaux de travail. Éviter de sortir en cas d’alerte à la pollution. De même, limiter les efforts lors des pics de pollution atmosphérique

→ Conseiller au patient d’éviter le contact avec des personnes grippées ou souffrant d’infections des voies aériennes comme un rhume ou une bronchite, pour éviter la contagion. Si une personne de l’entourage est grippée, celle-ci doit porter un masque. Se laver régulièrement et soigneusement les mains et disposer d’une solution hydro-alcoolique. Insister sur l’importance de la vaccination anti-grippale et antipneumococcique, ne pas hésiter à demander au patient s’il s’est bien fait vacciner et à quand remonte son dernier vaccin (vaccination annuelle pour la grippe et tous les cinq ans pour le pneumocoque).

→ Bien se couvrir en période de froid, notamment le nez et la gorge avec un foulard.

MÉDICAMENTS AGGRAVANTS

→ Lutter contre l’automédication, car certains médicaments aggravent la situation respiratoire. Il s’agit notamment des antitussifs qui empêchent l’évacuation des sécrétions bronchiques et favorisent les surinfections, mais aussi des antalgiques opiacés et des anxiolytiques/hypnotiques qui peuvent entraîner une détresse respiratoire si leur utilisation n’est pas suffisamment précautionneuse.

→ Rappeler aux patients que les fluidifiants bronchiques ne sont pas recommandés car leur efficacité n’est pas démontrée.

ACTIVITÉ PHYSIQUE

→ Lutter contre la sédentarité qui est facteur d’ostéoporose, de fonte musculaire et donc de handicap supplémentaire.

→ Encourager le maintien d’une activité physique adaptée, indispensable pour entraîner les muscles, le cœur et les poumons.

CONSEILS DIÉTÉTIQUES

→ Encourager le patient à bien respecter les mesures diététiques et les conseils nutritionnels prodigués dans le cadre des programmes de réhabilitation respiratoire. Le surpoids est délétère pour la fonction respiratoire et favorise la sédentarité, mais il ne faut pas pour autant s’acharner à faire maigrir les patients, car, à l’inverse, un IMC trop bas est facteur de mauvais pronostic. Or la dénutrition est fréquente aux stades évolués de la maladie. Le régime alimentaire doit donc dans ce cas être enrichi, notamment en protéines.

→ Insister sur l’importance d’une hydratation suffisante (au moins 1,5 litre d’eau par jour) pour éviter que les sécrétions bronchiques ne soient trop épaisses et donc plus difficiles à évacuer.

→ La digestion consomme de l’oxygène. Ainsi, au stade d’insuffisance respiratoire, il est recommandé de faire 4 ou 5 petits repas légers par jour, de ne pas manger trop vite et de prendre le temps de bien mâcher ses aliments pour faciliter la digestion. Éviter de consommer des aliments qui occasionnent des ballonnements (choux, radis, navets, fromages fermentés, etc.) et des mets lourds et difficiles à digérer (plats en sauce, fritures…). De même, il est préférable de boire en dehors des repas.

CARNET DE SUIVI

Au printemps dernier, sous la direction du groupe de travail BPCO de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), les éditions Imothep MS ont diffusé auprès des médecins pneumologues un carnet de suivi BPCO.

Rédigé en langage simple, ce carnet de suivi permet d’informer le patient sur sa maladie, mais aussi d’améliorer la communication entre le patient et les soignants, et de favoriser la coordination des soins : il comporte en effet des fiches à compléter par le patient concernant, entre autres, ses différents contacts avec les professionnels de santé, ses médicaments, la répercussion de la dyspnée sur ses activités quotidiennes et l’oxygénothérapie. Le grand format de ce carnet présente l’intérêt de permettre au patient d’y ranger ses ordonnances, ses comptes-rendus d’hospitalisation ainsi que ses résultats d’examen.

Point de vue…

« Les associations de patients ont un rôle pédagogique »

Alain Murez, président de la Ffaair

« Les associations de patients ont une vocation d’information sur la maladie, de communication avec les professionnels de santé et avec l’entourage du malade. Elles permettent aux patients de se retrouver entre eux, de rompre l’isolement et de ne pas se laisser envahir par la maladie, mais aussi de maintenir les acquis de la réhabilitation fonctionnelle respiratoire puisqu’elles organisent des rassemblements sportifs comme des randonnées, de l’éducation physique, de la marche nordique, du vélo électrique… »

Point de vue…

Le carnet de suivi, outil d’information et de communication

Pr Nicolas Roche, service de pneumologie, groupe hospitalier Cochin, site Val-de-Grâce (AP-HP), groupe BPCO de la Société de pneumologie de langue française

« À ce jour, 75 000 carnets ont été imprimés. Pour l’instant, ils ne sont remis aux patients que par les pneumologues. Les premiers retours sont positifs, on va voir à l’usage pour s’assurer que le patient circule bien avec, lors de ses différentes consultations, de ses visites chez le kiné ou lorsqu’il se rend à la pharmacie. À l’automne, nous envisageons de le diffuser plus largement pour le mettre à disposition des Idels, des pharmaciens et des paramédicaux comme les kinésithérapeutes. C’est un outil qui peut éventuellement être intégré à l’éducation thérapeutique, mais c’est surtout un outil d’information pour le patient et de communication entre les différents professionnels qui gravitent autour de ce dernier. Le patient peut y conserver ses derniers résultats d’EFR (explorations fonctionnelles respiratoires)qui seront ainsi accessibles au kiné, et ses différentes ordonnances, ce qui favorise les transmissions interdisciplinaires. »

Point de vue…

Les Idels peuvent jouer un rôle en amont

Pr Nicolas Roche, service de pneumologie, groupe hospitalier Cochin, site Val-de-Grâce, groupe BPCO de la Société de pneumologie de langue française

« La BPCO est une maladie largement sous-diagnostiquée et les infirmières peuvent aider au repérage et à la détection des patients à risque et orienter ces derniers vers un médecin pour une mesure du souffle. Toux, expectoration, sifflement, essoufflement sont des signes d’alerte, surtout si le patient est ou a été fumeur ! D’autres situations, comme la dispensation régulière de soins à un patient souffrant de comorbidités, peuvent être l’occasion privilégiée d’évoquer la BPCO avec le patient. »