L'infirmière Libérale Magazine n° 295 du 01/09/2013

 

Les médicaments

Le débat

L’Assurance maladie offre aux Français un système de prise en charge des médicaments assez généreux comparativement au Royaume-Uni. De quoi se demander si des économies ne sont pas à faire dans ce domaine ?

Jean-Pierre Barbier

député UMP de l’Isère, pharmacien

La France serait-elle prête à mettre en place un système équivalent au Quality adjusted life year (Qaly) qui existe au Royaume-Uni ?

En France, les médicaments sont évalués en permanence selon un rapport bénéfice/coût. Donc, tous les ans, des médicaments sont déremboursés. La question de ne pas prendre en charge un médicament bénéfique revient à se demander si les mois de vie gagnés valent les dépenses. Il s’agit d’un problème de conscience et de société. La réponse est complexe. Je ne suis pas pour une approche comptable, mais davantage pour une approche humaniste.

La France est l’un des plus grands consommateurs de médicaments en Europe. Comment réduire cette consommation ?

Pour réduire cette consommation, il faut agir sur la formation des médecins, prescripteurs initiaux. Nous constatons déjà une baisse des prescriptions de médicaments de leur part. Mais il faut aussi éduquer la population, car les patients, lorsqu’ils se rendent chez le médecin, s’attendent à repartir avec une prescription. Enfin, la rémunération des pharmaciens qui, depuis la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), n’est plus uniquement basée sur le volume, mais également sur un honoraire, a modifié la prescription. Néanmoins, il faut arrêter de diaboliser le médicament. Il soigne, il a un effet, tout a un coût. Et puis le médicament a certes un coût, mais il rapporte aussi.

Face à l’augmentation des maladies chroniques et du vieillissement de la population, comment concilier traitements performants et réduction des dépenses ?

Notre industrie pharmaceutique souffre des médicaments génériques, même si cette vision économique du médicament est nécessaire. Les laboratoires peinent à faire de la recherche et ils essaient de se rattraper avec les molécules nouvelles qui sont parfois trop chères au vu du marché. S’il y a une hausse de la durée de vie, il y a forcément une hausse des pathologies, donc une augmentation des dépenses de santé. Nous acceptons parfois dans notre pays des déficits alors que, dans le domaine de la santé, on veut absolument équilibrer les comptes. Je ne vois pas comment. La solidarité nationale doit exister au niveau de la santé.

Philippe Lamoureux

directeur général des Entreprises du médicament (Leem)

La France serait-elle prête à mettre en place un système équivalent au Qaly qui existe au Royaume-Uni ?

Le système d’évaluation français est très éloigné des Qalys anglais. Même si, à la suite de la loi de renforcement de la sécurité sanitaire du 29 décembre 2011, la France s’achemine vers le renforcement de l’évaluation des médicaments, et notamment de l’évaluation post-autorisation de mise sur le marché, je ne pense pas que l’on puisse envisager qu’elle adopte la méthode des Qalys. Je relève également que les pays qui – tel le Royaume-Uni – se sont engagés dans cette voie font aujourd’hui partiellement machine arrière étant donné les difficultés d’accès à l’innovation que cette approche suscite.

La France est l’un des plus grands consommateurs de médicaments en Europe. Comment réduire cette consommation ?

Même si elle reste une forte consommatrice de médicaments dans certaines classes thérapeutiques, la France n’est plus en tête des pays européens consommateurs de médicaments. Il semble plutôt que l’on se dirige vers un profil de consommation de plus en plus homogène en Europe. La France a néanmoins une spécificité : l’innovation s’y diffuse plus rapidement que chez ses voisins. Ainsi, le niveau des dépenses de médicament en France n’est pas lié à une forte consommation en volume, mais à la diffusion rapide du progrès thérapeutique et à l’intérêt des prescripteurs pour les médicaments nouveaux.

Face à l’augmentation des maladies chroniques et du vieillissement de la population, comment concilier traitements performants et réduction des dépenses ?

Une étude que nous avons menée en 2010 nous a permis de démontrer que l’effet du vieillissement de la population sur les dépenses de médicaments d’ici à 2030 serait de moins de 1,8 % de croissance par an. L’objectif de réduire les dépenses de santé ne semble pas atteignable en raison du vieillissement de la population. Mais on peut réduire le rythme de croissance de ces dépenses par un bon usage des médicaments, et surtout par des réformes de structure car l’industrie pharmaceutique ne peut pas porter à elle seule l’effort de régulation. Il faut par exemple s’interroger sur la rationalisation des dépenses hospitalières, qui représentent la moitié des dépenses de santé, ou sur l’optimisation de la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques afin d’avoir une approche un peu plus cohérente.