L'infirmière Libérale Magazine n° 295 du 01/09/2013

 

PROFESSION

Actualité

INTERNATIONAL → Les infirmières indépendantes belges pourront bientôt déléguer certains actes à des aides-soignantes. Validée par arrêté royal, cette décision suscite la polémique.

La Belgique aurait-elle un train d’avance sur la France ? À travers un arrêté royal entériné le 22 juillet par l’Institut national d’assurance maladie invalidité (Inami) et le ministère de la Santé, nos voisins franchissent un pas en matière de délégation de tâches. Ainsi, à partir de janvier 2014, dix-huit actes infirmiers pourront désormais être réalisés par des aides-soignantes « sous contrôle de l’infirmier et dans une équipe structurée ». Il s’agit de prise du pouls et de la température corporelle, de prévention des escarres, d’enlever et remettre les bas destinés à prévenir et/ou traiter des affections veineuses, d’observer et signaler les changements chez le patient sur les plans physique, psychique et social dans le contexte des activités de la vie quotidienne ou encore de soins d’hygiène à une stomie cicatrisée. Cette décision s’appuie sur un projet pilote mené entre 2008 et 2013 qui, selon les autorités, s’est avéré concluant (lire encadré).

« L’aide-soignant ne peut accomplir ces activités que dans la mesure où un infirmier les lui a déléguées. L’infirmier peut, à tout moment, mettre fin à cette délégation », précise l’arrêté. Pas de quoi apaiser la Fédération des infirmières indépendantes de Belgique (Fiib). « C’est un peu quelque chose qui nous est imposé, soupire la secrétaire Karine Dethye. Cela rentre dans la politique des structures [de soins à domicile, ndlr] qui peinent à embaucher des infirmières, car elles les paient mal et leur demandent un travail excessif. » Au regard de la Fiib, la délégation d’actes infirmiers répond à une logique économique et suscite des risques en matière sanitaire. « On a déjà pu constater des dérives durant le projet pilote », poursuit Karine Dethye, évoquant le cas d’aides-soignantes amenées à effectuer elles-mêmes des injections.

Visites de contrôle

« L’infirmier doit passer régulièrement chez le patient, objecte Patrick Verliefde, conseiller faisant fonction à l’Inami. Des visites de contrôle sont prévues en fonction de l’état de dépendance du patient. » Un argument balayé par la Fiib qui rappelle les critères sur lesquels se fondent les autorités pour estimer la fréquence des visites de l’infirmière. « C’est basé sur l’échelle de Katz, commente Karine Dethye. Cela ne tient compte que du degré de dépendance du malade et non de sa pathologie. » Or, pour un patient diabétique par exemple, le niveau d’autonomie apparaîtra important. Le regard expert d’une infirmière n’en demeure pas moins nécessaire, notamment pour surveiller ses pieds ou l’accompagner en termes d’éducation thérapeutique.

Pour sa part, l’Inami considère que ces biais ne remettent pas en cause le rôle de l’infirmière. « La responsabilité reste celle de l’infirmière qui délègue, insiste Patrick Verliefde. Il est clair que les aides-soignantes sont capables de réaliser certains actes. Le suivi scientifique qui a été mené durant le projet pilote nous a d’ailleurs montré que les aides-soignantes prennent plus de temps chez le patient. » Ce qui, selon l’Inami, peut permettre à l’infirmière de se concentrer sur les soins complexes, et de répondre aux besoins grandissant en matière de soins à domicile. Loin d’être convaincue par ces arguments, Karine Dethye souligne l’importance de la toilette. Aussi basique soit-elle, « l’hygiène est une clef d’entrée chez le patient, relève-t-elle. Cela nous permet souvent de déceler des problèmes et en aviser le médecin. » Nul doute, l’Union générale des infirmières de Belgique (Ugib), qui devait tenir une réunion fin août, devrait se pencher sur la question de la délégation des actes infirmiers. À se demander si ces discussions traverseront les frontières…

Projet-pilote 2008-2013

À l’occasion du projet pilote conduit depuis 2008 en Belgique, une équipe scientifique, issue notamment de l’Université libre de Belgique et de l’Université de Liège, a produit une évaluation. « Le travail des aides-soignants dans les soins infirmiers à domicile est une plus-value, concluent les auteurs de l’étude. Ce projet fournit beaucoup de réponses aux possibilités d’intégration des aides-soignants dans les soins infirmiers à domicile. » L’étude invite néanmoins à des recherches complémentaires pour améliorer la formation infirmière (supervision) et mesurer la qualité des soins et trouver le ratio idéal infirmier/aide-soignant.