L'infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013

 

Éthique

Cahier de formation

LE POINT SUR

Gamètes, sang, organes… Plusieurs sortes de dons de tissus ou d’organes sont aujourd’hui possibles. Pourtant, suivant les lois de bioéthique qui les encadrent, les exclusions et les conditions de prélèvement diffèrent d’un don à l’autre.

Que dit la bioéthique sur le don ?

La bioéthique, considérée comme l’une des branches de l’éthique, étudie les questions et les problèmes moraux qui peuvent apparaître à l’occasion de pratiques médicales impliquant la manipulation d’êtres vivants ou de recherches en biologie. Le droit en bioéthique du don a été défini dans le texte du 29 juillet 1994, revu par les lois du 6 août 2004 et du 7 juillet 2011. Ces textes définissent le don comme toujours anonyme, volontaire, non dirigé et gratuit.

Comment se déroulent les différents dons de gamètes ?

→ Pour les dons d’ovocytes, seules peuvent donner les femmes en bonne santé entre 18 et 37 ans, ayant déjà eu un enfant et l’accord du conjoint si elles sont en couple. Le prélèvement se fait après un bilan biologique puis une stimulation hormonale de 10 à 12 jours. Prévoir une hospitalisation de 24 heures pour le prélèvement. Les femmes ne font généralement qu’un seul don.

→ Pour les dons de spermatozoïdes, seuls les hommes entre 18 et 45 ans en bonne santé, ayant eu déjà un enfant et l’accord du conjoint s’ils sont en couple, peuvent donner. Le don se réalise après un bilan biologique et un premier recueil. Les autres recueils se font par masturbation après 3 à 5 jours d’abstinence. Un don nécessite généralement 4 à 5 recueils.

→ Pour les dons d’embryons, cela concerne des couples dont l’homme a moins de 45 ans et la femme moins de 35 ans, qui, ayant eu recours à une fécondation in vitro, renoncent à leurs embryons surnuméraires. Les couples ayant des embryons cryoconservés reçoivent chaque année un courrier du Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos). S’ils cochent la case du don, un rendez-vous avec un médecin leur sera proposé. À cette occasion, le médecin vérifie les sérologies et réalise une enquête génétique. Une consultation avec le psychologue du centre leur est également proposée. Au terme de ces entretiens, le couple signe un formulaire de consentement. Il devra ensuite confirmer sa décision par un courrier, adressé au moins 3 mois après ces entretiens.

→ Précision : à ce jour, les dons de gamètes restent anonymes en France. Les enfants ne peuvent donc pas avoir d’information sur leur “parent” génétique et, inversement, le “parent biologique” ne peut savoir à qui ont été données ses gamètes.

Comment se déroulent les différents dons de sang et dérivés ?

→ Pour le don de moelle osseuse : il faut avoir entre 18 et 51 ans au moment de l’inscription et être en bonne santé. Sont exclus du don tous les porteurs de maladie chronique, ceux qui ont des pratiques sexuelles à risque, des antécédents de cancer ou des allergies graves. Une fois que le typage HLA est fait, le donneur est sur liste d’attente. Lorsqu’on l’appelle pour donner sa moelle, le don se fait entre 1 et 3 mois plus tard. Il existe deux types de dons : par aphérèse (un à deux prélèvements sanguins de 4 heures quelques jours après une stimulation) ou par prélèvement sur la face postérieure de la hanche (hospitalisation de 48 heures et anesthésie générale), c’est le médecin qui choisit le mode de prélèvement.

→ Pour le don de sang total/plasma/plaquettes : il faut avoir entre 18 et 65 ans et être en bonne santé. Sont exclus du don les personnes de moins de 50 kg, les femmes enceintes, les porteurs de maladie chronique, les personnes sous tutelle, les personnes porteuses d’un risque d’infection, celles ayant un traitement en cours, celles ayant changé récemment de partenaire ou ayant une pratique homosexuelle pour un homme. Enfin, sont exclus les personnes avec un antécédent de transfusion sanguine ou de greffe. La date se fixe ensuite librement en respectant les écarts prescrits entre chaque prélèvement (par exemple, 8 semaines minimum entre deux dons de sang total). Le don se fait par un prélèvement sanguin.

À noter : les règles du don de sang sont définies précisément par l’arrêté du 12 janvier 2009.

→ Pour le don de sang de cordon : peut y participer toute mère majeure et en bonne santé, sous réserve de donner son accord et d’accoucher dans une maternité qui le pratique. Sont exclus de ce don tous ceux qui présentent des antécédents de pathologies chroniques ou de cancers chez les parents ou dans la fratrie, les naissances de père inconnu et en cas de souffrance fœtale lors de la naissance. Pour donner, il faut pratiquer des entretiens en amont pour vérifier les antécédents de la famille et le consentement de la mère. Le prélèvement se fait le jour de l’accouchement.

Comment se déroule le don du corps à la science ?

Il concerne toute personne ayant formalisé sa volonté de son vivant (et réglé la somme forfaitaire qui correspond au déplacement du corps) et portant sur lui la carte de donneur au moment du décès. En sont exclus les mineurs, les personnes sous tutelles, les morts suspectes ou dues à une infection. Le transport du corps devra se faire obligatoirement dans les 24 à 48 heures suivant le décès. Un délai de plusieurs semaines, mois ou années peut s’écouler entre le don du corps et son incinération. Ensuite, les cendres sont répandues anonymement dans un jardin du souvenir, sauf si le défunt a demandé que ses cendres soient rendues à la famille.

Comment se déroulent les différents dons d’organe ?

→ Pour le don d’organe de son vivant (rein ou foie généralement) : peut donner tout adulte en bonne santé ayant un lien affectif (parents, enfants, cousins, conjoints) avec le receveur, à condition d’avoir une compatibilité génétique avec lui. Le donneur formule son consentement devant le juge du tribunal de grande instance. Les exclusions au don sont liées au risque de l’intervention ou à une maladie chronique ou infectieuse. Le jour où la personne accepte il y a d’abord une rencontre avec un “comité donneur vivant” pour bien connaître les motivations, les connaissances du donneur et son indépendance dans le choix. Le prélèvement nécessite ensuite une courte hospitalisation puis un suivi régulier.

→ Pour le don d’organe post-mortem : tout le monde peut donner, même les enfants (avec accord des parents), à condition d’être en état de mort cérébrale (suite à un traumatisme, un accident vasculaire cérébral ou un arrêt cardiaque en général). Il n’y a donc pas d’exclusion a priori, même pour des porteurs de pathologies lourdes. Le principal problème reste le recueil du consentement. Tout le monde est considéré comme donneur a priori, mais les médecins doivent savoir si la personne ne s’y est pas opposée de son vivant. Sans position clairement exprimée, les familles sont confrontées à cette question quelques heures après le décès d’un proche. Pour éviter cette situation, il faut exprimer son opinion à des proches, y compris dire si l’on refuse de donner certains organes. Si l’on refuse de donner, on peut s’inscrire sur le « registre national des refus ».

Le don de sang pour les homosexuels

Les règles du don de sang sont définies par l’arrêté du 12 janvier 2009 qui exclut définitivement tous les hommes ayant eu des rapports homosexuels. Cette décision se base sur une plus grande fréquence de l’infection VIH dans cette population et, par conséquent, du risque plus élevé d’infection invisible du aux “fenêtres sérologiques” de séroconversion (temps entre l’infection réelle par le virus et sa détection dans le sang qui peut nécessiter 3 à 6 semaines). Le débat refait surface régulièrement (puisque cela revient à écarter le donneur en se basant sur l’appartenance à un groupe et non sur une pratique sexuelle particulière, ce qui est inhabituel) mais, à ce jour, le texte de loi reste inchangé.