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MESURES → Un article du projet de loi de réforme des retraites a mis le feu aux poudres chez les professions libérales : il prévoit une mise sous tutelle de leurs caisses, jusque-là autonomes.
Les libéraux sont tombés de l’armoire en découvrant, dans la réforme des retraites, la volonté du gouvernement de prendre le contrôle de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). En effet, selon l’article 32 du projet de loi, son directeur ne sera plus élu mais désigné par arrêté ministériel. En outre, la CNAVPL devra contracter avec l’État une convention d’objectifs, tandis que les sections professionnelles seraient amenées à conclure des contrats de gestion avec elle.
Les dix présidents de sections cherchent aujourd’hui à faire réagir les 800 000 libéraux concernés. « Mobilisons-nous contre l’étatisation des caisses de retraites des libéraux, prélude au pillage de nos réserves », ont-ils lancé. « C’est un article qui a été pondu sans concertation préalable, regrette Anne Jauer, infirmière libérale (Sniil), vice-présidente de la Carpimko. Le premier point de désaccord pour nous est la nomination du directeur de la CNAVPL par l’État. Ce ne serait donc plus quelqu’un de la partie. » Est-ce à dire que les directeurs des caisses complémentaires seraient également parachutés ? Le président de la Carmf (Caisse autonome de retraite des médecins de France), le Dr Gérard Maudrux, qui est par ailleurs contesté par les principaux syndicats pour sa gestion, en est persuadé. À la Carpimko, on est plus prudent dans l’interprétation, car l’article du projet de loi ne le dit pas. En outre, si la Carmf a fait l’objet d’un rapport sévère mais encore confidentiel de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), ce n’est pas le cas des autres caisses. « La mise sous tutelle se justifie encore moins pour la Carpimko, car ses frais de gestion sont parmi les plus bas », estime Philippe Tisserand, président de la FNI. « Si l’État impose des conventions d’objectifs et de gestion, nous ne serons plus maîtres de nos choix, dénonce Anne Jauer. Or notre caisse est particulièrement bien gérée, car elle a accumulé des réserves permettant d’assurer les retraites des trente prochaines années. De plus, nous avons toujours su préserver l’équité intergénérationnelle et la proximité avec nos adhérents. »
L’article incriminé prévoit également le transfert des budgets d’action sociale des différentes caisses à la CNAVPL, une « perte d’autonomie » pour Anne Jauer, qui lui fait craindre de futures « captations des ressources financières de la Carpimko ». Elle n’est pas la seule. « Le gros risque, avec cette réforme de la gouvernance, est celui de la fongibilité entre les caisses », abonde Philippe Tisserand, qui est également vice-président du Centre national des professions de santé (CNPS). « Les libéraux de santé ne veulent pas perdre les spécificités de leurs régimes qu’entraînerait la suppression de l’autonomie des sections professionnelles, et surtout ils refusent de voir les réserves accumulées par leurs caisses […] partir colmater les déficits d’autres régimes qui n’ont pas été adaptés à temps », estime le CNPS, qui fédère des syndicats de libéraux de santé. C’est en effet 21 milliards d’euros qui ont été mis en réserve par les dix caisses ! Pour la Carpimko, dont 47,7 % des cotisants sont des infirmières, il y a en réserve 124,7 mois de retraites complémentaires et 42,7 mois en invalidité-décès. Les opposants de l’article 32 voient aussi, dans le modèle de gouvernance qui y est proposé, le calque de celle du régime social des indépendants. Un régime dont la gestion avait été qualifiée de « catastrophe industrielle » par la Cour des comptes l’année dernière, ironisent les syndicats de libéraux de santé. En revanche, cette année, la Cour a déjà apporté de l’eau au moulin du gouvernement en recommandant le « renforcement du rôle de la CNAVPL et de la tutelle, à travers la mise en place d’une convention d’objectifs et de gestion ». Pour l’heure, l’exécutif n’a montré aucune ouverture face aux demandes de retrait de l’article.
Le projet de loi de réforme des retraites a été adopté en Conseil des ministres le 18 septembre dernier et débutera son parcours parlementaire à partir du 7 octobre. La mesure phare du texte est l’allongement progressif de la durée de cotisation à 43 ans d’ici à 2035 pour bénéficier d’une retraite à taux plein.