Prévenir le risque cardiovasculaire - L'Infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013

 

Cahier de formation

L’AOMI de monsieur R. a évolué et il souffre désormais d’une ischémie permanente. Il est très inquiet parce que le médecin lui a dit que la maladie est maintenant à un stade critique, qu’il risque d’avoir des problèmes au niveau de sa jambe, mais, plus grave, que ses artères sont forcément en mauvais état et qu’il risque de faire un accident vasculaire de type infarctus du myocarde ou AVC.

La prévention de ce risque passe par l’observance de son traitement médicamenteux, mais aussi par quelques modifications de ses habitudes de vie, néfastes à l’état de ses artères.

FACTEURS DE RISQUE

Définition

Ils englobent l’état physiologique (âge par exemple) et pathologique (HTA), et les habitudes de vie (tabagisme), associés à une incidence accrue de la maladie cardiovasculaire.

L’estimation du risque vasculaire consiste à recenser l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires pour en déduire la probabilité de survenue d’une complication ischémique.

Facteurs de risque non modifiables

→ Homme âgé de 50 ans ou plus.

→ Femme âgée de 60 ans ou plus ou ménopausée.

→ Antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce : infarctus du myocarde avant 55 ans chez le père ou un frère, avant 65 ans chez la mère ou une sœur.

Facteurs de risque modifiables

Ces facteurs de risque modifiables sont la cible des actions de prévention :

→ tabagisme,

→ hypercholestérolémie avec LDL cholestérol élevé,

→ HDL-cholestérol inférieur à 0,40 g/l (1,0 mmol/l),

→ hypertension artérielle (voir recommandations spécifiques),

→ diabète traité ou non (voir recommandations spécifiques) et syndrome métabolique,

→ insuffisance rénale chronique.

PRÉVENTION SECONDAIRE

Selon la HAS, la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires concerne l’ensemble des patients ayant, ou ayant eu, une insuffisance coronaire, une insuffisance cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou une artériopathie périphérique. Ces patients sont considérés à haut risque de récidive d’événements cardiovasculaires. Son objectif est d’éviter la survenue de complications, de récidives et de décès précoces.

Elle repose sur des interventions d’efficacité démontrée et associe à des modifications du mode de vie (sevrage tabagique, activité physique régulière) des mesures diététiques et des traitements médicamenteux(1). La prévention cardiovasculaire consiste à supprimer ou à baisser le plus possible tous les facteurs de risque pour diminuer le risque d’événements cardiovasculaires.

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DU RISQUE CARDIOVASCULAIRE

Le traitement de fond est le même quel que soit le stade de l’AOMI. Il est généralement bien toléré.

Les antiagrégants plaquettaires

L’aspirine

L’aspirine à faible dose, 75 à 160 mg par jour (Kardégic, Modixis).

Précautions d’emploi

Utiliser avec précaution chez les patients avec antécédents d’ulcère gastrique ou duodénal, d’hémorragies digestives ou en insuffisance rénale. La survenue d’une crise d’asthme, chez certains sujets, peut être liée à une allergie aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ou à l’aspirine, qui est une contre-indication à la prise de ce médicament. L’effet antiagrégant plaquettaire de l’aspirine apparaît à de très faibles doses et persiste 4 à 8 jours après l’arrêt du traitement. Le patient doit être prévenu des risques hémorragiques possibles et avertir le médecin en cas de geste chirurgical, même mineur (extraction dentaire).

Effets indésirables

→ Bourdonnements d’oreille, sensation de baisse de l’acuité auditive et céphalées sont habituellement la marque d’un surdosage.

→ Ulcères gastriques, hémorragies digestives patentes (hématémèse, melæna…) ou occultes, responsables d’une anémie ferriprive.

→ Douleurs abdominales.

Contre-indications absolues

→ Ulcère gastroduodénal en évolution ou toute maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise.

→ Méthotrexate si celui-ci est utilisé à des doses supérieures à 15 mg par semaine.

→ Grossesse à partir du 6e mois : tout médicament à base d’aspirine est contre-indiqué en dehors d’utilisations extrêmement limitées justifiant une surveillance spécialisée.

Remarque : les anticoagulants oraux contre-indiquent le traitement par aspirine à des doses anti-inflammatoires (≥ 1 g par prise et/ou ≥ 3 g par jour), ou des doses antalgiques ou antipyrétiques (≥  500 mg par prise et/ou < 3 g par jour), et en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal.

Le clopidogrel

Le clopidogrel (Plavix) est indiqué dans la prévention des événements athérothrombotiques liés à l’athérothrombose chez les patients adultes souffrant d’une AOMI établie. Le clopidogrel agit dans les 2 heures après la prise. À la posologie de 75 mg en une prise quotidienne, l’état stable est atteint en 3 à 7 jours. Le remplacement de l’aspirine par le clopidogrel n’est pas systématique dans la prévention secondaire des accidents liés à l’athérosclérose, mais préconisé lorsque l’aspirine n’est pas utilisable, notamment en cas de troubles gastriques.

Précautions d’emploi

→ Numération formule sanguine et/ou tout autre examen approprié en cas de signes cliniques évocateurs de saignement survenant pendant le traitement.

→ La prise simultanée de clopidogrel et d’anticoagulants oraux est déconseillée en raison du risque d’augmenter l’intensité des saignements.

→ Consulter un médecin en cas de saignement anormal par sa localisation ou sa durée.

→ En cas d’intervention chirurgicale programmée, si un effet anti-agrégant plaquettaire n’est temporairement pas souhaitable, il convient d’arrêter le traitement par le clopidogrel 7 jours avant l’intervention. Les malades doivent informer le médecin ou le dentiste du traitement par le clopidogrel.

→ Le clopidogrel est utilisé avec prudence chez les malades présentant une insuffisance hépatique modérée ou une insuffisance rénale.

Effets indésirables

Saignements (nez, gencives…), sang dans les urines ou les selles, troubles digestifs, éruption cutanée, démangeaisons, maux de tête, étourdissements, fourmillements.

Contre-indications

En cas d’insuffisance hépatique sévère ou de lésion hémorragique évolutive telle qu’un ulcère gastroduodénal.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC)

Le ramipril (Triatec) est indiqué dans la prévention cardiovasculaire chez les patients présentant une artériopathie périphérique et peut être prescrit, même en l’absence d’hypertension.

Mode d’action

Le ramipril entraîne une réduction des résistances artérielles périphériques. L’effet antihypertenseur d’une dose unique dure environ 24 heures, et l’effet maximal du traitement est obtenu généralement au bout de 3 à 4 semaines. L’interruption brutale du ramipril n’entraîne pas d’augmentation rapide et excessive avec effet rebond de la pression artérielle.

Administration

Le médicament est pris chaque jour au même moment de la journée, avant, pendant ou après les repas.

Posologie

La dose initiale recommandée est de 2,5 mg une fois par jour. La dose peut être doublée toutes les deux à quatre semaines jusqu’à une dose d’entretien de 10 mg de ce médicament en une prise quotidienne.

Précautions

→ Chez les patients traités par diurétique, la prise concomittente de ramipril entraîne un risque de déplétion hydrosodée et d’hypotension. Le diurétique sera arrêté 2 à 3 jours avant le début du traitement par ramipril si possible. Sinon, le ramipril est débuté à la dose de 1,25 mg par jour en surveillant la fonction rénale et la kaliémie. La posologie est ajustée en fonction de la pression artérielle cible.

→ Chez le sujet âgé, la dose initiale est réduite à 1,25 mg par jour et l’augmentation de la posologie est plus progressive.

→ Chez les patients insuffisants rénaux, la dose quotidienne doit être basée sur la clairance de la créatinine.

Effets indésirables

Maux de tête, fatigue, vertiges (au début du traitement ou à l’augmentation de la dose), hypotension (en particulier orthostatique en début de traitement), toux sèche irritative (gênante, elle peut conduire à l’arrêt du traitement), inflammation des sinus (sinusite) ou bronchite, essoufflement, troubles digestifs, douleurs dans la poitrine, crampes ou douleurs musculaires, éruption cutanée, élévation inhabituelle du taux de potassium.

Antagoniste de l’angiotensine II

Il peut être choisi en deuxième intention en cas d’intolérance aux IEC (en particulier, la toux). Des études ont montré leur efficacité chez les patients coronariens, et il est logique de penser qu’ils ont aussi un intérêt dans l’AOMI, même si aucune ne l’a démontré. Beaucoup moins fréquents que les IEC, ils peuvent être prescrits (Micardis, Pritor).

Les statines

Les statines (pravastatine et simvastatine de préférence) diminuent le taux de LDL cholestérol. Elles ne sont pas systématiquement prescrites si le cholestérol est très bas, mais elles sont préconisées, même sans hypercholestérolémie, en prévention du risque cardiovasculaire.

Recommandations

→ Les patients avec AOMI symptomatique ou à haut risque cardiovasculaire (c’est-à-dire en présence de facteurs de risque), notamment les diabétiques, doivent avoir un taux de LDL-cholestérol inférieur à 1 g/l, voire inférieur en fonction de la sévérité de la maladie athéromateuse.

→ Au stade II de l’AOMI, les statines ont montré un effet sur la claudication, sans que leur mécanisme d’action ne soit pour autant réellement élucidé.

→ Posologie : pravastatine (Vasten, Elisor) à 40 mg par jour et simvastatine (Zocor, Lodales) à 20-40 mg par jour. À prendre le soir pendant ou en dehors des repas.

Effets indésirables

→ Les événements indésirables (céphalées, troubles digestifs, troubles de la vision) sont peu fréquents avec les statines.

→ Douleurs musculosquelettiques, arthralgies, crampes musculaires, myalgies, faiblesse musculaire et taux de CPK (créatine phosphokinase) élevés, ont été rapportés. En début de traitement par statine, ou lors d’une augmentation de la posologie, les patients doivent être informés du risque d’atteinte musculaire. Ils doivent signaler rapidement toute douleur musculaire inexpliquée, sensibilité douloureuse ou faiblesse musculaire. Une attention particulière doit ainsi être portée aux patients ayant des facteurs prédisposant à la survenue d’une rhabdomyolyse : patients de plus de 65 ans, femmes, insuffisance rénale, hypothyroïdie, abus d’alcool. Leur taux de CPK doit être mesuré avant d’initier un traitement dans les situations.

→ Toxicité hépatique : des élévations des transaminases sériques ont aussi été rapportées. Le risque d’une toxicité hépatique implique de doser les enzymes hépatiques avant et pendant le traitement, surtout en cas d’augmentation des doses.

Des mesures hygiéno-diététiques

La HAS rappelle que les mesures hygiéno-diététiques devraient être un préalable à tout traitement par statine, poursuivies pendant toute la durée du traitement(2) :

→ diminution de l’apport d’acides gras saturés, augmentation de l’apport d’acides gras insaturés et de la consommation de fibres ;

→ aide au sevrage tabagique ;

→ limitation de la consommation d’alcool ;

→ contrôle du poids et exercice physique.

Remarques

Les vasodilatateurs

Les vasodilateurs, comme le naftidrofuryl (Praxilène, Diactane), sont des médicaments symptomatiques de la claudication (indication dans leur AMM) et pas de la prévention du risque cardiovasculaire. Ils présentent un intérêt modeste et peuvent être évités, surtout en cas de polymédication.

Les héparines de bas poids moléculaires (HBPM)

L’AOMI isolée n’est pas une indication aux anticoagulants. Des HBPM peuvent être prescrites en prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse. L’insuffisance artérielle étant un facteur de risque de thrombose veineuse, d’autant que les personnes sont immobilisées par la douleur. La contention élastique étant contre-indiquée avec l’ischémie, la prévention se fait par les HBPM.

INTERVENTION NON MÉDICAMENTEUSE

Elle est commune à l’ensemble des maladies cardiovasculaires et vise à dépister et à arrêter le processus pathologique aussitôt après son déclenchement.

Identifier les facteurs de risque

→ Obésité abdominale : périmètre abdominal supérieur à 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme.

→ Obésité : indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m2.

→ Surpoids : IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m2.

→ Sédentarité : absence d’activité physique régulière (environ 30 minutes 3 fois par semaine).

→ Consommation excessive d’alcool : plus de 3 verres de vin par jour chez l’homme et plus de 2 chez la femme.

→ Les aspects psychologiques et sociaux (stress, dépression nerveuse) sont également des facteurs de risque cardiovasculaire qui peuvent être traités.

Modification du mode de vie

Certaines interventions sont irremplaçables à toutes les étapes de la prise en charge :

→ lutte active contre la sédentarité, le surpoids ou l’obésité avec, pour objectif, un IMC inférieur à 25 kg/m2 ;

→ planification alimentaire (par diététicien) ;

→ sevrage tabagique.

ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

Une éducation thérapeutique structurée est justifiée par la nécessité de changements de mode de vie importants, d’une bonne compliance aux traitements et du diagnostic précoce des symptômes cardiovasculaires. Des programmes d’éducation thérapeutique existent pour les patients présentant une pathologie cardiovasculaire avérée, dont l’AOMI.

(1) “Prise en charge de l’artériopathie chronique oblitérante athéroscléreuse des membres inférieurs”, HAS, Recommandations pour la pratique clinique, avril 2006.

(2) “Prévention cardiovasculaire : le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience”, HAS, février 2012.

Calcul du niveau de risque

Les facteurs de risque ont en réalité un caractère multiplicatif, mais, en pratique quotidienne, on peut se contenter de les additionner.

Compter 1 pour chacun de ces facteurs de risque :

→ âge : 50 ans ou plus chez l’homme, 60 ans ou plus chez la femme ;

→ antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce : infarctus du myocarde ou mort subite avant 55 ans chez le père (ou chez un parent du 1er degré de sexe masculin), avant 65 ans chez la mère (ou chez un parent du 1er degré de sexe féminin) ;

→ tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans ;

→ hypertension artérielle permanente, traitée ou non ;

→ diabète de type 2, traité ou non ;

→ HDL-cholestérol inférieur à 0,40 g/l (1,0 mmol/l), quel que soit le sexe.

Soustraire 1 si :

→ HDL-cholestérol supérieur ou égal à 0,60 g/l (1,5 mmol/l) : facteur protecteur.

Source : “Prévention cardiovasculaire : le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience”, HAS, février 2012.

Point de vue…

Des habitudes résistantes

Isabelle Gaillard, infirmière libérale à Poisat (38), titulaire d’un DU plaies et cicatrisation

« En tant qu’infirmière libérale, nous ne sommes pas rémunérées pour l’éducation du patient, mais nous rappelons les conseils lors de nos visites ou lorsque nous avons un peu de temps avec le patient. Néanmoins, nous rencontrons deux obstacles. Parfois, les patients n’ont pas envie qu’on leur répète les mêmes conseils quand les médecins leur ont déjà fait la “leçon”. En plus, les habitudes très anciennes, comme le tabac ou l’alimentation, sont résistantes au changement. »

Question de patient

Pourquoi l’artérite fait mal quand je marche ?

Lors de la marche, les muscles consomment beaucoup d’oxygène. Le rétrécissement ou l’obstruction de vos artères empêche un apport suffisant de sang artériel oxygéné. Cela entraîne une asphyxie qui se manifeste par une douleur musculaire comme une crampe. Au repos, les muscles reprennent peu à peu leur oxygénation et la douleur disparaît.