Thierry Schifano, ambulancier, président de la Fédération nationale des transports sanitaires
La vie des autres
Ils sont sur les routes toute la journée. Grâce à leurs interventions, des milliers de vies sont sauvées chaque année. Et, pourtant, les ambulanciers ne jouissent pas toujours d’une réputation favorable, au grand regret de Thierry Schifano, qui agit pour une refonte du métier.
« J’ai lancé mon entreprise à 21 ans, en 1981 », retrace Thierry Schifano. Il s’est orienté dans cette activité complètement par hasard après en avoir parlé avec un ami. « L’idée m’a plu, j’ai donc suivi la formation et je me suis lancé. » Le certificat de capacité d’ambulancier en poche – devenu aujourd’hui le diplôme d’État d’ambulancier (DEA) – Thierry commence son activité avec une seule voiture. Il est aujourd’hui à la tête d’un groupement d’intérêt économique (GIE), A 13, qui réunit 450 salariés et 270 véhicules, basé à Aix-en-Provence, et qui intervient dans l’ensemble du département des Bouches-du-Rhône. Au sein de cette société, les interventions ont lieu essentiellement dans le domaine de la santé : « 70 % de notre activité concerne l’ambulance et le Véhicule sanitaire léger (VSL), précise-t-il. Nous faisons aussi du transport médicalisé, du transport de sang et du transport de personnes handicapées. » Les ambulanciers assurent différents types de transports : interhospitaliers à la demande du patient ou des hôpitaux, médicalisés avec un médecin accompagnant, ou pour les urgences préhospitalières à domicile à la demande du centre 15.
L’ambulancier a une forte responsabilité vis-à-vis des patients blessés, malades, handicapés ou âgés : outre le transport, il doit être capable d’assurer les gestes de premier secours et de veiller au confort du passager, tout en s’informant des consignes auprès des médecins et des infirmières. Il est aussi en charge de l’entretien de son véhicule, de la désinfection du matériel et de tâches administratives : formalités d’entrée et de sortie des malades à l’hôpital, envoi du bilan au centre 15, facturation, encaissement. De nos jours, le DEA est indispensable pour exercer la profession. La formation, d’une durée de 630 heures, comporte le suivi de modules sur les gestes d’urgence, l’ergonomie, les pathologies ou encore la sécurité des patients, ainsi qu’un stage obligatoire en service ambulancier. Mais, pour exercer ce métier, l’ambulancier doit avant tout posséder des qualités d’écoute et savoir rassurer le patient si nécessaire. « Ce métier est l’un des plus beaux, estime Thierry. Pendant le temps où le patient est avec nous, il peut oublier qu’il est malade. On a le sentiment d’être utile. Il faut avoir du cœur pour faire ce métier, et l’avoir au bout de la main. »
Thierry est également président de la Fédération nationale des transports sanitaires depuis neuf ans. « Je suis engagé syndicalement depuis vingt ans, car j’aime pouvoir critiquer. Mais il faut aussi que je puisse agir, car critiquer sans agir, c’est trop facile. » Son objectif à travers cet engagement est de changer l’image des ambulanciers, souvent mise à mal dans la presse. Mais Thierry travaille surtout à la restructuration indispensable du métier et de l’organisation des transports sanitaires. Pour pouvoir fonctionner, les entreprises doivent être agréées et détenir des autorisations de mise en circulation des véhicules délivrées par les Agences régionales de santé (ARS). « Nous avons un numerus clausus depuis 1995 qui correspond au nombre d’autorisations de véhicules, précise Thierry. Il a été mis en place car l’État pensait que les véhicules généraient une dépense supplémentaire. Or ce n’est pas le cas, puisqu’on répond à une prescription médicale. » Actuellement, 5 400 entreprises se partagent le marché avec 14 000 véhicules ambulances, 13 500 VSL et 53 000 salariés. « Nous sommes assez nombreux pour couvrir l’ensemble du territoire français, car nous sommes plusieurs acteurs à intervenir dans le même secteur, assure-t-il. Les ambulanciers, les transporteurs sanitaires, mais aussi les taxis. » Les ambulanciers sont directement en concurrence avec les taxis, car, « pour nous, le transport sanitaire représente notre activité principale, nous sommes les premiers acteurs du métier, ce qui n’est pas le cas des taxis, observe-t-il. Or nous sommes de 8 à 9 % moins chers que les taxis. » Thierry estime que ce métier « arrive à bout de souffle et que le modèle basé sur ces trente dernières années est arrivé à son terme ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, nous sommes tenus d’optimiser la dépense par une meilleure exploitation de nos entreprises afin, par exemple, d’éviter que les ambulances roulent à vide ou encore qu’elles attendent le patient pendant une heure et demie devant l’hôpital. » Aussi propose-t-il la recherche d’un nouveau modèle économique et une modification de l’organisation du transport sanitaire (avec covoiturage, par exemple). « Cela fait partie de notre plan stratégique 2012-2015 signé par trois organisations syndicales sur quatre, informe-t-il. Nous avons une véritable réflexion à nous poser par rapport à l’avenir. Si l’ensemble de la filière s’organise, nous devrions pouvoir dégager un bénéfice, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Nous sommes dans la modernisation de notre métier, nous devons y apporter un recyclage particulier. »
« Nous sommes peu en contact avec les Idels. Elles ne sont pas nos interlocutrices au quotidien, puisqu’elles interviennent pour faire des soins post-hôpital, à l’inverse des infirmières hospitalières que l’ambulancier peut croiser plus souvent. Néanmoins, cette profession est en pleine mutation avec les délégations de tâches. J’aimerais pouvoir prendre modèle dessus. De même, nous savons que le médecin va devenir une denrée rare. Peut-être que, demain, nous pourrions envisager que ce soient les Idels qui interviennent à nos côtés, dans nos véhicules, comme elles le font actuellement avec les pompiers. Si, aujourd’hui, nous travaillons à côté l’un de l’autre, il y a de fortes probabilités pour que, demain, nous travaillions ensemble en raison de la problématique de la démographie médicale. »
Les frais de transport pour des soins sont pris en charge par l’Assurance maladie, s’ils sont prescrits par le médecin traitant. Dans certains cas – longues distances – il faut un accord préalable. L’Assurance maladie peut prendre en charge l’ambulance, le transport assis professionnalisé, le transport en commun et les moyens de transport individuel. Le taux de remboursement est de 65 % dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale et, dans certaines situations, les frais sont pris en charge à 100 %. Sauf en cas d’urgence, le patient payera une participation – franchise médicale – sur les transports en taxi conventionné, en VSL et en ambulance. La franchise ne s’applique pas au moins de 18 ans, femmes enceintes, invalides de guerre pour les prestations en rapport, bénéficiaires de la CMUC et bénéficiaires de l’AME.