L'infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

En connaissant les signes de l’hémochromatose et son caractère héréditaire, les infirmières libérales repèrent les contextes propices à la maladie. Elles peuvent intervenir lors des saignées à domicile et assurent un rôle de conseil auprès des patients.

En visite chez Monsieur R. que vous savez atteint d’hémochromatose, celui-ci vous parle de sa fille qui est bien fatiguée à l’approche des examens. Il sait que l’hémochromatose est une maladie héréditaire, mais sa fille n’a que 18?ans, âge à partir duquel il est recommandé de rechercher une éventuelle transmission, et elle n’a pas encore fait de dépistage.

Vous lui rappelez qu’en dehors de l’âge recommandé, il est important de traiter précocement la maladie. Qu’il serait dommage que sa fille rate ses examens parce qu’elle n’a pas le traitement qu’il lui faut. Et, surtout, qu’il faut protéger le plus tôt possible ses organes des atteintes irréversibles d’une surcharge en fer.

INTÉRÊT D’UNE PRISE EN CHARGE PRÉCOCE

Idéalement, le diagnostic de l’hématochromatose devrait être porté dès 20-35 ans, et non après 50 ans comme c’est souvent le cas, lorsque le fer a déjà détruit de façon irréversible les organes. L’accumulation de l’excès de fer est progressive. Entre 20 et 35 ans, la quantité de fer accumulée est de 5 à 8 g, pour atteindre 40 à 50 g à 50-60 ans.

Le traitement précoce permet de préserver les organes et de prévenir les complications graves et irréversibles (atteinte cardiaque ou hépatique, diabète…).

DEUX CIRCONSTANCES MAJEURES

Des manifestations évocatrices

L’association d’une asthénie inexpliquée, d’arthralgies, surtout des deuxième et troisième doigts, et d’une augmentation des transaminases, est considérée comme évocatrice (dite règle des 3 A). Des troubles sexuels, une aménorrhée, un essoufflement au moindre effort sont également des signes d’appel, d’autant plus s’ils surviennent chez un sujet jeune.

Le contexte familial

Depuis 2004, la Haute Autorité de santé recommande un dépistage génétique familial systématique pour les parents au premier degré d’un sujet homozygote (enfant/ parent/fratrie), à partir de 18 ans. Ce dépistage, qui nécessite le consentement éclairé de la personne et une consultation médicale génétique spécialisée, est pris en charge par l’Assurance maladie.

LES ÉTAPES DU DIAGNOSTIC

Le bilan martial

Le dosage de divers paramètres du fer dans l’organisme permet d’établir un diagnostic de présomption. On mesure notamment :

→ le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf) : la transferrine, qui transporte le fer dans le plasma sanguin, est normalement saturée à 30 %. Le seuil d’alerte de dépistage d’une surcharge en fer est fixé à 45 % et peut atteindre dans certains cas d’hémochromatose 80 ou même 100 %. C’est le marqueur le plus sensible de la maladie, il doit être mesuré à jeun ;

→ la ferritinémie ou concentration plasmatique de la ferritine, qui est la forme principale de stockage du fer. Elle permet d’évaluer les réserves en fer de l’organisme. Son augmentation évalue surtout le stade évolutif de l’hémochromatose héréditaire. On considère qu’une ferritinémie supérieure à 300 µg/l chez l’homme et 200 µg/l chez la femme signe une surcharge en fer.

À retenir : la suspicion d’hémochromatose héréditaire de type 1 est forte lorsque le CS-Tf est supérieur à 45 %, renforcée par l’élévation de la ferritinémie.

La recherche génétique

À partir d’un prélèvement sanguin, les principales mutations du gène HFE sont recherchées après séquençage de l’acide désoxyribonucléique (ADN). La découverte de mutations homozygotes signe le diagnostic d’hémochromatose de type 1.

À noter : si le bilan martial est normal chez un parent du 1er degré dans le cadre d’un dépistage familial, une recherche génétique peut néanmoins être entreprise.

Le bilan général

Lorsque le diagnostic est posé, le bilan général permet d’évaluer le retentissement de la maladie et d’adapter la prise en charge.

On va notamment rechercher un diabète (glycémie à jeun), des atteintes osseuses (radiographies articulaires), cardiaques (électrocardiogramme, échographie cardiaque, etc.), endocriniennes (dosage de testostérone…) ou hépatiques (transaminases, imagerie par résonance magnétique, biopsie hépatique…).

Une famille héréditaire par alliance

Jean-Pierre Vergnes a découvert son hémochromatose à l’âge de 45 ans au décours d’un bilan sanguin à la recherche d’une explication à ses vertiges. Son médecin traitant avait suspecté un excès ou un manque de fer. Lorsque sa fille, âgée de 19 ans et demi, ressent une fatigue, elle fait un bilan qui montre un dépassement des valeurs normales de ferritine, 350 µg/l au lieu d’un maximum de 200 µg/l chez une femme. Elle est diagnostiquée homozygote, comme son père, ce qui suppose qu’elle a aussi hérité génétiquement du côté de sa mère, puisque la mutation porte sur 2 copies du gène impliqué dans la maladie. Ce qui implique de connaître le statut de sa mère, qui s’avère aussi homozygote (ce qui reste assez rare dans un couple). À la différence de Jean-Pierre, son épouse n’a pas identifié de symptômes antérieurs au diagnostic. Comme elle avait l’habitude de donner son sang, cette élimination régulière de fer par prélèvement sanguin, en plus des pertes liées à son statut menstruel, a permis de traiter sa surcharge en fer et d’éviter les manifestations de la maladie. Elle faisait déjà des “saignées” sans le savoir. Quant à ses parents, tous deux hétérozygotes, ils ne développent pas la maladie…