Matthieu Dehouck, gestionnaire de la société RamDam, propose un ramassage “écologique” des Dasri
La vie des autres
Les Dasri, Déchets d’activité de soins à risques infectieux, ce sont tous les déchets de soins. En centre-ville, leur évacuation pose problème pour les professionnels. Fort de ce constat, Matthieu Dehouck propose depuis six ans, à Bordeaux, une solution innovante.
Après un Deug de gestion poursuivi sans grande conviction et un concours d’IUT “Techniques de commercialisation” où il a été recalé à l’oral, Matthieu Dehouck a été démarché par l’IUT “Gestion, logistique et transport” de Bordeaux : « À l’époque, ils manquaient d’étudiants et acceptaient tous ceux qui avaient réussi au moins l’écrit des autres IUT. » Il y a ainsi des hasards qui forgent un destin, et Matthieu découvre un univers qui finit par le passionner : le transport et la logistique. Après l’obtention de son diplôme, puis un passage rapide par la case du salariat qui ne le convainc guère, il mûrit quelques mois une idée avant de la mettre en pratique : monter sa propre entreprise de gestion des Dasri dans le centre-ville de Bordeaux.
« Le vrai déclic, c’est quand j’ai vu que, pour les véhicules non motorisés, aucune des règles du transport des déchets ne s’applique. Là, j’ai foncé. » Et, en 2007, naît la société RamDam (Ramassage des déchets d’activité médicale). Au départ, l’idée est très simple : puisque les conditions de circulation dans le centre de Bordeaux rendent presque impossible le ramassage des Dasri dans les véhicules habituels, Matthieu Dehouck va les ramasser… à vélo, ou plus précisément en triporteur : « Mais, là encore, les règles sont très strictes, et le transport des déchets ne peut se faire qu’avec des véhicules à quatre roues. J’ai donc bricolé une quatrième roue sur mon triporteur. » Il commence à démarcher tous les producteurs de Dasri de Bordeaux centre, à savoir les infirmiers libéraux, dentistes, médecins, centres pour toxicomanes, laboratoires, pédicures, pharmacies, les centres médicaux sociaux, les entreprises avec une infirmerie, mais aussi les centres de soins esthétiques ou encore les tatoueurs.
Et les tournées commencent. Le triporteur fait quarante kilos, Laurent peut le charger jusqu’à cent kilos de déchets, et il parcourt alors soixante kilomètres par jour travaillé, deux fois par semaine, par tous les temps. « La première fois que je suis arrivé au pont à bascule de l’incinérateur pour peser ma cargaison, les employés, habitués à voir des camions de quatre tonnes, m’ont carrément demandé si j’étais fou… J’ai dit “oui” ! »
Matthieu Dehouck inclut son entreprise dans une démarche plus globale de “développement durable” et de rationalité économique. En effet, le vélo lui permet d’éviter le carburant, les assurances, les bouchons, et, surtout, il donne une âme à son entreprise, parce que c’est lui et son triporteur que les clients veulent voir. Comme il est en plus le seul à proposer des ramassages au cabinet ou directement à domicile – ramassages dont il rappelle la périodicité
Son offre est alors un succès, et la clientèle grandit peu à peu jusqu’à atteindre le point de rupture du triporteur au bout de deux ans. « Les clients ont commencé à avoir pitié de me voir suer ou geler sur mon vélo et n’osaient même plus m’appeler. C’est le médecin d’un laboratoire qui m’a dit que je devais absolument investir. » Fidèle à ses convictions, Matthieu Dehouck opte alors pour le Goupil, un véhicule électrique généralement réservé aux employés municipaux. Son « camion Playmobil » propose un coffre et un poste de conduite fermé, mais des pointes de vitesse à 40 km/heure maximum pour juste cent kilomètres d’autonomie – au-delà, c’est la fonction “sécurité” qui s’enclenche et offre seulement 10 km à 10 km/heure, à peine le temps de retourner à une borne. En attendant, la croissance de sa clientèle est repartie à la hausse, et il a même élargi son périmètre d’intervention.
La société RamDam, pour se développer, doit peu à peu sortir des limites de Bordeaux. Mais les véhicules électriques ne lui permettent pas encore ce genre d’exploits. Alors, depuis mars 2012, Matthieu Dehouck s’est résolu à utiliser des véhicules thermiques (avec un moteur à essence) quand il sort de Bordeaux. « Ce n’est pas dans l’esprit de mon entreprise, et c’est moins efficace et plus cher ! » En compensation, il se dirige vers la dématérialisation de ses formulaires, « mais l’administration tient absolument à ses formulaires papier ». Malgré les grandes déclarations d’intention des politiques et toute la bonne volonté individuelle, une économie plus durable est-elle vraiment viable ? Le développement de RamDam dans les années à venir donnera une partie de la réponse.
* Suivant le poids de déchets produits, les délais légaux d’entreposages varient de 3 mois à 72 heures.
« Le seul problème que je rencontre avec les infirmières, ce sont les retards quand on se donne rendez-vous pour les collectes. J’ai un timing très serré, et perdre un quart d’heure est parfois difficile, même si je sais bien que c’est pour la “bonne cause”. Sinon, la gestion des déchets mous (restes des soins non piquants : compresses, pansements, etc.) pose toujours problème. Elles les laissent souvent au domicile du patient alors qu’à terme, cela finit par représenter des quantités impressionnantes de déchets qui ne devraient pas être éliminées dans le circuit “classique”. Je leur conseille de mettre simplement un grand bac plastique de 30 litres dans leur coffre de voiture et de tout mettre dedans, aiguilles et poubelles jaunes ensemble. À condition de le sortir quand elles se servent de la voiture pour leur vie personnelle… »
Dastri est l’éco-organisme agréé par les pouvoirs publics depuis décembre 2012 pour récolter les Dasri pour les patients en autotraitement. Ses principales missions sont la mise à disposition gratuite de contenants spécifiques par les pharmaciens appelés “boîtes à aiguilles” puis la collecte et l’élimination de ces boîtes dans les officines. Ce système ne concerne pour l’instant qu’une liste restreinte de 18 pathologies, mais gagne à être connu : ce n’est plus aux Idels de gérer les boîtes jaunes, ni d’éliminer les aiguilles. Le site www.dastri.fr présente par ailleurs les modalités de déploiement du réseau de collecte, validées en novembre par les trois syndicats de pharmaciens et leur Ordre, jusque-là mécontents. Objectif : un point de collecte pour 50 000 habitants, tous les quinze kilomètres.