La clause de non-concurrence permet de baliser l’activité d’une collaboratrice quand son contrat d’exercice prend fin. Mode d’emploi de sa rédaction.
« Une clause de non-concurrence devrait figurer dans tous les contrats d’exercice en commun », estime Martine Dubus, avocate spécialisée dans les questions concernant les professions libérales. Cette clause doit être rédigée « avec tact et mesure », car « mieux vaut un bon compromis qu’un mauvais procès », résume-t-elle. L’avocate préconise d’en prévoir expressément une dans les contrats de collaboration. En effet, ce type de contrat peut permettre au collaborateur de développer sa propre patientèle de son côté. « À la fin du contrat, on ne peut pas l’empêcher de continuer de soigner ses patients sur le territoire », ajoute Martine Dubus. Elle conseille donc de rédiger la clause de non-concurrence avec beaucoup de prudence, en n’interdisant pas l’activité sur la zone d’une collaboratrice mais en protégeant les patients de l’infirmière d’origine. La loi (article R.4312-47 du Code de la Santé publique, CSP) édicte des règles particulières pour les contrats de remplacement, à défaut de clause spécifique. À l’issue d’un remplacement de trois mois ou plus, une infirmière remplaçante n’a ainsi pas le droit de s’installer dans un cabinet où elle pourrait entrer en concurrence directe avec l’infirmière remplacée, voire ses associés, et ce, pendant une durée de deux ans.
« Pour qu’une clause s’applique, il faut qu’elle soit limitée dans le temps et l’espace », rappelle d’emblée Marine Dubus. La durée de la limite temporelle dépend de l’activité. Dans le cas des infirmières libérales, les clientèles se font et se défont très rapidement. « D’un point de vue pratique, une durée maximale de deux ans, après la rupture du contrat, paraît raisonnable », souligne l’avocate. En effet, la clause est destinée à protéger l’activité de l’infirmière libérale au moment de la fin du contrat, pas celle qui existera, peut-être, plus tard.
Idem sur le plan géographique : la clause vise à protéger l’activité sur le territoire sur lequel elle s’exerce au moment de la rupture du contrat et pas sur ceux où elle pourrait, éventuellement, se développer dans le futur. « Le périmètre de la clause doit correspondre à la situation géographique des patients au jour de la fin du contrat », précise Martine Dubus. Il convient donc de préciser les lieux (communes ou quartiers selon les cas) où l’installation ne sera pas possible, mais aussi ceux où résident les patients de l’infirmière “titulaire”.
Le CSP (article R.4312-42) condamne toute concurrence déloyale et tout détournement de clientèle. Cette disposition s’applique de plein droit, surtout à défaut de clause de non-concurrence. Si une infirmière ne la respecte pas, « elle peut être sanctionnée », poursuit l’avocate. Et en apporter la preuve. En effet, la Convention laisse aux patients le libre choix des professionnels de santé par lesquels ils souhaitent être soignés. Il peut être difficile de prouver pourquoi (libre-choix ou proposition concurrente) ils passent d’une infirmière à une autre… Martine Dubus préconise à l’infirmière nouvellement installée, si elle est contactée par un patient de l’infirmière qu’elle ne doit pas concurrencer, de jouer carte sur table et de prévenir son ancienne collègue de sa démarche. En signe de bonne foi.
Le droit des contrats prévoit aussi une infraction en cas de non-respect des obligations contractuelles qui peut ouvrir droit à la recherche d’une indemnisation. « Mais, nuance Martine Dubus, il faut pouvoir prouver le non-respect des obligations, le préjudice et le lien entre la faute et le préjudice. » Une démarche longue, et surtout très incertaine. En effet, une infirmière appréciée reconstituera rapidement la part de la patientèle qui s’est tournée vers une “concurrente”, et une autre, qui aura vu tous ses patients faire appel à son ex-remplaçante, aura du mal à contester leur libre-choix. Étant donnée la difficulté à faire valoir et reconnaître une perte d’activité et de revenu du fait d’une autre infirmière, mieux vaut peut-être signaler les pratiques peu confraternelles à l’Ordre, qui pourra éventuellement prononcer un blâme ou un avertissement.
« Certains confondent le droit civil et le droit du travail. En droit du travail, une clause de non-concurrence s’accompagne toujours d’une compensation financière. Si l’on demande à une personne de ne pas s’installer après la rupture d’un contrat de travail, il faut offrir une compensation, car cela relève du droit du travail. En ce qui concerne l’exercice libéral, il s’agit de droit civil, et c’est le droit des contrats qui s’applique, avec sa dimension de “liberté des parties”. Il peut y avoir des clauses sans compensation. Il ne faut surtout pas les confondre ! »