L'infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014

 

AISNE (02)

Initiatives

LAURE MARTIN  

Installée à Proisy, Hélène Vatin partage ses journées entre son métier d’infirmière libérale et sa passion pour la cuisine, surtout pour le bio. Inspirée par ses enfants, elle invente des recettes qu’elle partage dans le cadre de stages dispensés aux curieux des plantes et de la nature.

Qui s’occupe du potiron ? », lance Hélène dans la cuisine. « Moi, je veux bien », lui répond Pierre, l’un des stagiaires du jour. Couteau à la main, planche à découper, casseroles sur le feu, four préchauffé… Les mains commencent à s’agiter en cuisine. Au menu du jour : nems aux saveurs sauvages, potimarron farci aux champignons et aux orties, tarte aux orties aux écorces d’orange, le tout arrosé de vin de fleurs de pissenlits. Autour du plan de travail, les papilles s’éveillent. Les quatre “stagiaires” vont passer la journée aux côtés d’Hélène, cuisiner dans un cadre convivial et écouter des conseils sur les plantes et les huiles essentielles.

Des stages en gare

Depuis maintenant un an et demi, l’hôte a créé le Jardin d’Hélène, une seconde activité en parallèle de son métier d’infirmière libérale. Elle propose des stages de cuisine sur les plantes, des repas aux saveurs sauvages, des conférences sur les huiles essentielles, des stages santé en partenariat avec une diététicienne et un professeur de yoga, ou encore des sorties scolaires.

Les stages de cuisine se déroulent dans la halle attenante à l’ancienne gare de Proisy qu’elle a achetée aux enchères avec son mari et où elle habite depuis 2000. Entièrement rénovée depuis un an et demi, la halle, acquise quelques années après la gare, est entièrement dédiée au Jardin d’Hélène. Elle est équipée d’une cuisine avec un îlot central et d’une grande table à manger. De cet endroit se dégage une atmosphère magique. Des petits pots remplis de plantes séchées côtoient des bouteilles aux mixtures mystérieuses, des grigris, des bocaux aux contenus en tout genre posés deçà, delà dans la pièce.

Comme dans tous les stages, après l’accueil des participants et la présentation du menu du jour, l’heure est à la cueillette. Chacun prend son panier et se dirige vers le jardin. Une petite mare occupée par des grenouilles s’anime, les écureuils recherchent des noix, les poules font entendre leur présence. Cueillette d’orties, de lamiers, de berces, chacun des participants prend son rôle très à cœur. Le jardin d’Hélène est complètement déstructuré, afin de respecter la biodiversité. « J’ai souvent de nouvelles plantes qui apparaissent sans même les avoir plantées », souligne Hélène, les ciseaux à la main.

De retour dans la cuisine, les équipes se forment : on coupe, on découpe, on cuit, on questionne ; Hélène goûte, mélange, suggère, improvise. On se lèche les doigts. On se sent chez soi. Les premières odeurs de cuisson commencent à titiller les narines : il est l’heure de passer à table. Pendant la dégustation des plats, tout le monde en profite pour se poser des questions sur les plantes ou sur les bienfaits de telle huile essentielle. Toutes les recettes proposées et enseignées par Hélène ont été testées et validées par sa famille. Car, depuis quelques années déjà, Hélène remet totalement en cause les enseignements qu’elle a reçus sur la nutrition pendant ses études en soins infirmiers.

Dans un cabinet à trois

Hélène a été infirmière libérale pendant la première partie de sa vie professionnelle, de 1988 à 2000, avant de faire une pause. Elle a découvert le libéral pendant son stage d’étude. « Je ne voulais pas être enfermée dans un hôpital, car je suis très sensible aux odeurs, rapporte-t-elle. Je ne voulais pas non plus subir des horaires imposés. » Et de reconnaître : « En libéral, j’ai tout de suite aimé le côté intime avec les patients, le fait de passer du temps avec eux, leur suivi. » Après avoir obtenu son diplôme à l’Ifsi de Reims, dans la Marne, en 1988, elle travaille trois mois à l’hôpital de Saint-Quentin, dans l’Aisne, une expérience qui ne s’avère guère concluante. Elle envoie alors une candidature à un cabinet libéral et commence un mois plus tard à Guise, pour remplacer un congé maternité. « Finalement, l’une des infirmières du cabinet partait, alors j’ai racheté sa patientèle, précise Hélène. Il s’agit d’un cabinet qui a toujours bien tourné. » Mais, finalement, après la naissance de son quatrième enfant, Hélène souhaite consacrer davantage de temps à son rôle de mère. En 2000, elle arrête tout et quitte le cabinet, sans savoir si elle reprendra cette activité un jour. Elle reste quasiment deux ans à s’occuper de ses enfants. Jusqu’au jour où « j’ai été contactée par une infirmière de Proisy, Martine, qui devait partir en congé, mais dont la remplaçante était malade ». Elle propose donc à Hélène de la remplacer. « Avec Martine, notre relation s’est tout de suite très bien passée. En 2002, j’ai commencé à la dépanner, puis elle m’a prise comme remplaçante. » Pendant environ sept ans, Hélène travaille dix jours par mois au cabinet, puis, pendant deux à trois ans, elle passe à quinze jours par mois. « C’est alors que j’ai eu envie de lancer le Jardin d’Hélène, en 2011. Martine a été très compréhensive et a tout de suite cherché une deuxième remplaçante. » Maintenant, Hélène travaille huit à dix jours par mois, sauf si Martine a besoin d’elle plus souvent, et Odile, la troisième infirmière, fait cinq jours en fin de mois. « On s’entend bien toutes les trois, on a la même façon de voir les choses. »

Graves allergies

L’histoire personnelle de l’infirmière et son désaccord avec le système de soins actuel sont à l’origine du lancement du Jardin d’Hélène. « On a beau dire que la médecine évolue, il y a quand même de plus en plus de cancers, commente-t-elle. On soigne, mais on n’est plus dans la prévention, le bien-être, la lutte contre le stress. Cela ne me convenait plus. »

Hélène vit donc une grande remise en cause professionnelle, mais aussi personnelle, car ses quatre enfants ont, depuis leur enfance, de graves problèmes d’allergies. Excédée par les traitements allopathiques qui leur étaient proposés, et ne comprenant pas pourquoi des enfants vivant à la campagne avec une alimentation équilibrée pouvaient être autant malades, Hélène fait le choix de trouver des solutions naturelles à leurs problèmes de santé. « J’ai remis en cause notre mode d’alimentation en expliquant la raison à mes enfants, qui l’ont bien accepté, indique-t-elle. Avec les grands changements que j’ai introduits, et notamment l’alimentation issue de l’agriculture biologique, trois de mes enfants ont guéri. » Mais la dernière était beaucoup plus malade. « Nous sommes allés en Belgique pour trouver des solutions, se souvient-elle. Elle avait un régime alimentaire très strict à suivre. »

Hélène a donc dû lire de nombreux livres de recettes et faire preuve d’imagination et d’innovation pour proposer à ses enfants une cuisine accessible, leur permettant d’aimer manger malgré les contraintes liées à leurs allergies.

Partage des découvertes

La famille s’est également tournée vers les médecines complémentaires, notamment l’acupuncture, l’ostéopathie, ou encore le magnétisme. « Mon mari m’a suivie dans toutes mes démarches, relève Hélène. Et notamment lorsque j’ai eu envie de lancer le Jardin d’Hélène afin de partager mes connaissances avec d’autres et montrer que la cuisine saine n’est pas forcément triste ou longue à préparer. Quand on est plongé dans cet univers, c’est un jeu d’associer des saveurs. »

Car son plus grand soutien, Hélène le trouve du côté de son mari, François. « Avec Hélène, on a découvert le goût des aliments, remarque-t-il. Ma passion, c’est ma femme. Je suis à fond derrière elle. Le jardin, on le fait à deux. Nous sommes complémentaires. » Et Hélène d’ajouter : « Parfois, on aimerait rester sur le canapé. Mais il faut suivre la nature et aller cueillir. On produit beaucoup avec notre potager et nos ruches : du miel, du vin, des liqueurs, des confitures, des tisanes. »

Hélène n’a suivi aucune formation pour ses stages de cuisine. « En revanche, j’ai fait des formations sur les huiles essentielles, c’était important pour moi d’acquérir des bases solides, pour avoir de la crédibilité », considère-t-elle. Elle reçoit donc régulièrement des stagiaires, avec qui elle noue des liens affectifs et qui deviennent parfois des amis. « J’ai vu une publicité pour le Jardin d’Hélène dans un magasin, raconte Blandine, l’une des participantes. J’ai appelé Hélène pour faire un premier stage et, depuis, j’en ai fait trois. Cela me permet de voir la nature autrement, et d’apprendre à utiliser en cuisine ce que la nature nous offre. » Catherine a, quant à elle, rencontré Hélène lors d’un cours de tai-chi : « Nous nous sommes mises à échanger et Hélène m’a fait connaître les soins par les plantes et les huiles essentielles. » La sœur d’Hélène est également présente au stage d’aujourd’hui. « Je suis admirative d’Hélène, car elle a fait un long cheminement, rapporte-t-elle. J’ai une fille qui a une maladie auto-immune et, grâce à Hélène, je la soigne autrement. Ma sœur est la vertu de l’exemple. Elle a changé de mode de vie, d’alimentation, et elle donne envie de faire pareil sans imposer. Maintenant, je fais moi-même des efforts au niveau de mon alimentation. »

Pas de prosélytisme

« J’aimerais pouvoir me consacrer entièrement au jardin, témoigne Hélène. J’aime toujours mon métier d’infirmière, le contact avec les patients. Mais je suis triste de voir où en est arrivée la médecine d’aujourd’hui. » Ainsi, elle n’aime guère préparer des piluliers avec quinze médicaments, « alors que je sais qu’au bout de quatre, cinq médicaments, il y a des interactions. Et je ne peux plus vacciner les gens sans savoir… ». Quand elle sent une hésitation ou de la réticence de la part d’un patient devant le vaccin contre la grippe, par exemple, elle lui suggère une solution alternative, comme des huiles essentielles. Mais elle ne fait pas de prosélytisme : elle n’impose rien, elle propose, essayant d’inculquer à ses patients le bienfait des plantes et d’une bonne alimentation. « On produit des nouveaux vaccins, mais la base de l’alimentation, on n’en fait rien. Le but n’est pas de faire peur aux gens, mais de leur faire prendre conscience qu’on est acteur de l’environnement et de sa santé. »

Et certains sont réceptifs, comme René. « René est diabétique, explique Hélène. Je lui ai conseillé de se fabriquer un baume à base de plantes pour éviter la corne sous les pieds et donc les crevasses. » Mais la sauce ne prend pas à chaque fois. « Je me demande toujours ce que je pourrais faire pour apporter un minimum de confort à mes patients. Mais chacun doit suivre ses propres étapes. Je sème des informations qui sont parfois entendues. »

Pour plus de renseignements sur les stages proposés par le Jardin d’Hélène : http://lejardindhelene.blogspot.fr/