Pathologie inflammatoire
Cahier de formation
Le point sur
Dr Olivier Jankowski* Dr Élisabeth Chapoy** MAÏTENA TEKNETZIAN***
Également appelée artérite temporale giganto-cellulaire, la maladie de Horton constitue une véritable urgence thérapeutique pour éviter la cécité.
→ La maladie de Horton est une inflammation de la paroi de certaines artères. Elle touche plus particulièrement les artères temporales et les ramifications de la carotide. Plus rarement, cette inflammation peut concerner les coronaires, les artères cérébrales ou pulmonaires.
→ La maladie de Horton est la plus fréquente des vascularites après 50 ans, et sa prévalence augmente avec l’âge, pour atteindre un pic après 80 ans (1/1 000 entre 60 et 69 ans, 1/120 chez les plus de 80 ans). Elle touche une femme dans deux tiers des cas et concerne davantage les populations du nord de l’Europe.
→ L’origine physiopathologique de la maladie de Horton est mal élucidée, mais une action auto-immune est très probablement en cause, puisque les parois des artères sont infiltrées de “cellules géantes” (justifiant l’appellation d’artérite giganto-cellulaire), mais aussi de lymphocytes et de macrophages.
→ Une prédisposition génétique serait vraisemblablement favorisante, mais ce n’est pas une maladie héréditaire à proprement parler.
→ Les signes typiques : céphalées temporales unilatérales et brutales, hyperesthésie (hypersensibilité) du cuir chevelu, induration des artères temporales, asymétrie des pouls temporaux (avec diminution de la pulsatilité du côté atteint), claudication de la mâchoire et difficulté à mastiquer.
→ Des signes généraux peuvent aussi s’observer : fièvre, asthénie, anorexie, amaigrissement, syndrome dépressif.
→ Des signes ophtalmiques peuvent apparaître chez un tiers des patients : vision floue, baisse de l’acuité visuelle, diplopie (dédoublement de la vision), ptosis (chute de la paupière supérieure). Ces signes doivent mener à l’instauration en urgence d’un traitement pour éviter une cécité.
→ Dans 50 % des cas, la maladie de Horton s’accompagne de signes de pseudo-polyarthrite rhizomélique : douleurs articulaires et musculaires touchant surtout les épaules et l’occiput avec enraidissement matinal.
Les complications sont surtout dues à une ischémie liée à la vascularite et diffèrent en fonction de la localisation de l’inflammation.
→ Elles surviennent chez 5 à 20 % des patients.
→ Il s’agit d’une amaurose (diminution brutale et totale de l’acuité visuelle consécutive à une embolie oculaire) ou d’une névrite optique (voire d’une atrophie du nerf optique liée à une neuropathie ischémique) pouvant conduire à une cécité monoculaire dans 2 à 5 % des cas, et bilatérale dans 1 à 2 % des cas.
→ Les accidents vasculaires cérébraux et les accidents ischémiques transitoires (par inflammation des artères cérébrales ou événement embolique à point de départ carotidien) concernent 5 % des cas.
→ Dans 3 % des cas, une désorientation temporo-spatiale peut apparaître.
En cas de coronarite, la maladie de Horton peut se compliquer d’un infarctus du myocarde.
En cas d’atteintes des artères pulmonaires, on peut observer une toux sèche chronique.
Le diagnostic repose sur la sémiologie et sur la recherche d’un syndrome inflammatoire. Dans 95 % des cas, on observe en effet une augmentation de la vitesse de sédimentation (dont la normale est inférieure à 10 mm à la première heure et inférieure à 20 mm à la deuxième heure) et de la protéine C réactive (dont la normale est inférieure à 5 mg/l).
Le diagnostic peut être confirmé par une biopsie de l’artère temporale mettant en évidence un infiltrat de la paroi artérielle. Mais la négativité de la biopsie n’exclut pas le diagnostic de Horton en raison du caractère focal de cette vascularite.
Le diagnostic différentiel vise à exclure d’autres vascularites, une algie vasculaire de la face, une polyarthrite rhumatoïde (en cas d’atteintes articulaires), une infection ou une pathologie tumorale.
→ La corticothérapie constitue le traitement de référence de la maladie de Horton. Elle doit être débutée le plus tôt possible dans le but d’éviter les complications. En effet, la biopsie ne doit pas retarder la mise en route du traitement et peut être réalisée sous corticothérapie.
→ Un traitement d’attaque est tout d’abord instauré à la dose de 0,7 à 1 mg par kilo et par jour d’équivalent prednisone jusqu’à normalisation de la vitesse de sédimentation, qui s’observe en trois à quatre semaines environ.
→ Puis ce traitement d’attaque est relayé par un traitement d’entretien en diminuant progressivement les doses de corticoïdes par paliers successifs. La durée totale du traitement est en moyenne de 18 mois.
→ La corticothérapie expose les patients, en particulier les plus âgés, à un risque iatrogène important : hypertension artérielle, immunodépression, complications psychiatriques (excitation, nervosité, insomnie, troubles confusionnels), hypokaliémie, augmentation de la glycémie et de la lipidémie, ostéoporose avec risque de tassements vertébraux ou de fracture du col du fémur), justifiant une supplémentation vitamino-D-calcique et un traitement par biphosphonates.
→ Le méthotrexate est parfois utilisé pour ses propriétés immunosuppressives, mais on manque d’études et de recul quant à sa réelle efficacité.
→ Des antiagrégants plaquettaires sont parfois prescrits pour prévenir les accidents ischémiques.
→ Savoir orienter vers un médecin
Il ne faut pas banaliser des maux de tête survenant chez un patient âgé, surtout si ceux-ci sont inhabituels et irradient vers la mâchoire. Déconseiller l’automédication et orienter vers une consultation médicale pour ne pas retarder le diagnostic et la mise sous traitement, afin d’éviter la cécité.
→ Surveiller un traitement cortisonique au long cours
Une infirmière libérale peut profiter de ses visites à domicile pour s’assurer de la bonne tolérance au traitement corticoïde : recherche d’œdèmes (signes de rétention hydrosodée), surveillance de la tension artérielle, recherche de troubles du sommeil, etc., mais aussi contrôle des résultats de l’ionogramme sanguin, de la glycémie et de la lipidémie.
→ Donner des conseils au patient
Pour prévenir les effets indésirables des corticoïdes au long cours, l’Idel peut prodiguer des conseils hygiéno-diététiques : marche pour lutter contre l’hypertension artérielle et renforcer la musculature et les os, exposition solaire suffisante pour synthétiser de la vitamine D, alimentation pauvre en sucres rapides et en sel, consommation de produits laitiers, administration des corticoïdes le matin pour prévenir les troubles du sommeil.
Par ailleurs, il convient de rappeler au patient de ne pas arrêter brutalement le traitement, même en cas d’amélioration des symptômes, non seulement pour éviter une insuffisance surrénalienne liée à la corticothérapie, mais aussi pour éviter l’aggravation de la pathologie (les pertes de vision étant imprévisibles).