Laurent s’est installé en libéral dans une petite ville en suivant les données de l’ARS. Mais ces chiffres se sont révélés faux, et la concurrence des autres libéraux, particulièrement agressive.
« Après plusieurs années de fonctionnariat en tant qu’infirmier, j’ai bien réfléchi avant de me lancer en libéral. J’ai repéré plusieurs lieux d’installation possibles grâce à l’Agence régionale de santé (ARS) et j’ai appelé des médecins. Une petite ville sortait du lot : elle était sous-dotée selon l’ARS, et les médecins m’assuraient être en manque d’infirmières. Je m’y suis donc installé en février 2013. Mais j’ai vite déchanté, car il y avait en fait un centre de soins public, un centre privé et un autre cabinet… qui font tous des soins infirmiers. L’ARS a fait une erreur en ne comptant qu’un infirmier par structure alors qu’ils sont douze dans l’un et huit dans l’autre, ce qui fait une sacrée différence ! Peu à peu, une clientèle est tout de même venue à moi parce que les autres structures, débordées, ne prenaient pas tous les patients et n’étaient pas suffisamment réactives pour certains médecins. Mais cela n’a pas plu, et les problèmes ont commencé. Une structure publique a mis trois mois à me recevoir, puis, lors du rendez-vous, on m’a menacé de poursuite en justice pour compérage : on me croyait de la famille d’une laborantine de la ville d’à côté parce que nous portons le même nom ! Mais c’est totalement faux, c’est juste un nom banal dans la région… Ensuite, un matin, en sortant du laboratoire, j’ai retrouvé ma voiture neuve rageusement rayée d’un grand trait sur toute la longueur et je sais que c’est un “collègue” infirmier puisque des patients l’ont vu. Plus tard, l’un de mes pneus a carrément explosé en pleine rue après avoir été entaillé au couteau. Quelques mois après, cela a recommencé, avec un autre pneu crevé… Je ne m’étendrai pas sur les appels bizarres, les réservations absurdes faites à mon nom dans des hôtels et autres “blagues” qui m’ont pris jusqu’à vingt minutes par jour à élucider. C’est une petite ville, et les actes de vandalisme sont rarissimes, alors je commence à avoir des soupçons sur qui m’en veut et pourquoi. Mais je n’ai pas de preuve directe, personne ne veut témoigner et je ne sais pas quoi faire exactement… Seulement, une chose est sûre : j’ai la tête dure et plus on me cherche, plus on me trouve, alors je ne partirai pas ! »
Pierre Avrillon, commandant à l’emploi fonctionnel dans la Police nationale
« Si Laurent est déterminé à rester, il doit se décider à déposer plainte. S’il craint des représailles, la déposition peut être enregistrée sans l’adresse personnelle, en se domiciliant au service de police qui enregistrera la plainte. Sa plainte sera d’abord déposée contre X, mais il doit faire part aux policiers des soupçons et des indices dont il dispose. Si les témoins hésitent à parler, il doit parler d’eux aux enquêteurs. Ce ne sont pas de simples dégradations volontaires puisqu’elles prennent la forme d’un harcèlement. Si Laurent ne souhaite pas porter plainte, il peut déposer une déclaration de main courante au commissariat pour signaler sa situation. Il peut aussi solliciter les conseils du référent sûreté ou du correspondant local sûreté, en matière de prévention technique de la malveillance. »