L'infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014

 

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FRANÇOISE VLAEMŸNCK  

CONTESTATION → Après avoir subi une baisse de 5 % de leurs actes en 2013, les Idels font face à des retards, voire à l’absence, de paiement de la Caisse maladie de l’archipel.

« Nous avons décidé d’agir de la manière la plus forte jamais employée. Entre le 15 décembre et le 1er janvier derniers, nous avons refusé de prendre en charge de nouveaux patients à domicile. Ce mouvement a été suivi par plus de 90 % des libérales et soutenu, via un communiqué commun, par les autres professionnels de santé libéraux. C’est sans précédent », relate Jérôme Fernandez, le président du Syndicat des infirmiers libéraux de Polynésie française (Silpf).

Des interdits bancaires

Plusieurs raisons ont conduit la grande majorité des quelque 180 libérales de l’archipel à prendre part à ce mouvement de protestation (1), au premier rang desquels se trouvent les retards répétés dans le paiement des actes par le Régime de solidarité de Polynésie française (RSPF). Des retards qui, de surcroît, s’accompagnent fréquemment de règlements partiels. « Le gouvernement local a encore voté un budget en déséquilibre. Or ce sont principalement les infirmières qui servent de variable d’ajustement quand les caisses sont vides. Ce qui ne manquera pas encore d’arriver dès le milieu de l’année. C’est inacceptable ! Et même si nous savons qu’il n’existe pas de solution miracle, on a voulu tirer la sonnette d’alarme. D’ailleurs, en quelques jours, les hôpitaux ont été totalement débordés ; preuve, s’il en fallait, que nous sommes indispensables au fonctionnement du système de santé. Aujourd’hui, nous ne sommes même plus dans une démarche de revendication de revalorisation des actes, même si nous l’attendons toujours, mais dans celle de la survie », dénonce le président, qui exerce à Papeete.

Et des professionnelles sont même au désespoir. Des infirmières libérales ont dû vendre jusqu’à leur maison ou leur voiture pour payer leurs cotisations ou boucler leur fin de mois. Pour les mêmes raisons, d’autres ont dû souscrire un crédit, quand d’autres encore se retrouvent en interdit bancaire. « On n’en peut plus, et beaucoup de collègues me disent qu’elles veulent arrêter pour retourner au salariat », s’alarme Jérôme Fernandez. Une inquiétude qui semble avoir été entendue par la ministre de la Solidarité, puisqu’elle a reçu une délégation du syndicat dès le 19 décembre, et qu’une seconde rencontre était programmée entre la fin janvier et début février « pour faire le point », précise Jérôme Fernandez.

Vers une intersyndicale ?

De son côté, le Silpf « a posé des jalons » auprès des autres professionnels de santé libéraux afin de créer une intersyndicale.

En attendant, il a déjà obtenu le report d’un an de l’obligation d’installation pour les infirmières libérales, qui devait entrer en vigueur le 1er avril prochain : « Le gouvernement a dû se rendre à l’évidence de nos conclusions. Si cette obligation avait été actée, elle se serait traduite par, au minimum, 15 % de cotisations supplémentaires. Dans ces conditions, il ne nous restait plus qu’à mettre la clé sous la porte. D’autant qu’au cours des quinze dernières années, on a déjà perdu 20 % sur nos lettres clés tout en faisant face à une inflation galopante. Qui tiendrait dans cette situation ? »

Deux rapports attendus

Dans ce contexte, le Silpf attend beaucoup de deux rapports. Le premier porte sur le fonctionnement du RSPF et devrait être prochainement remis à Marisol Touraine, ministre de la Santé, par l’Inspection générale des affaires sociales ; le second sera présenté par la Cour des comptes, venue l’an passé auditer le système de santé de l’archipel.

« Nous espérons que ces enquêtes vont mettre en lumière les dysfonctionnements du RSFP, mais aussi les profondes inégalités entre les différents professionnels de santé libéraux dont l’écart entre les coefficients (2), qui permettent d’amortir la cherté du niveau de vie, est proprement scandaleux », conclut Jérôme Fernandez. À suivre, donc.

(1) Ces infirmières libérales s’étaient déjà largement mobilisées en 2012-2013 contre une baisse des tarifs de leurs actes (lire notre n° 289 de février 2013).

(2) 1,23 pour les infirmières libérales, 2,27 pour les dentistes.