L'infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014

 

Cahier de formation

Savoir

La grossesse est un état physiologique qui se déroule généralement sans complications, notamment si les situations à risques médicaux, comportementaux ou psychosociaux sont correctement surveillées. En France, du diagnostic à l’accouchement, le suivi médical et l’accompagnement à la maternité sont bien codifiés.

LA GROSSESSE

Définition

La grossesse désigne à la fois l’état de la femme enceinte et l’ensemble des phénomènes se déroulant entre la fécondation et l’accouchement, durant lesquels l’embryon, puis le fœtus, se développe dans l’utérus.

Le début réel de la grossesse est marqué par la nidation, implantation dans la muqueuse utérine de l’œuf, quelques jours après la fécondation. La grossesse “normale” dure en moyenne 39 semaines, avec deux périodes principales de développement :

→ embryonnaire : elle dure huit semaines à compter de la fécondation et correspond à la différenciation des différents tissus et organes (organogénèse) de l’embryon ;

→ fœtale : de la neuvième semaine à la naissance, les fonctions organiques du futur bébé subissent une maturation progressive. On parle maintenant de fœtus.

Notions principales

Semaines d’aménorrhée

La date exacte de fécondation étant difficile à évaluer, la grossesse est souvent exprimée en semaines d’aménorrhée (SA), soit en semaines depuis le premier jour des dernières règles.

Terme

La date prévue d’accouchement (DPA) est fixée à 41 SA. Le terme réel peut bien sûr varier de quelques jours selon les femmes. Néanmoins, on considère qu’avant 37 SA, la naissance est prématurée, après 41 SA, le terme est dépassé.

Placenta

C’est l’organe nourricier du fœtus qui a un double rôle de nutrition/ oxygénation et d’excrétion : l’oxygène et les nutriments du sang maternel passent vers le fœtus, et les déchets produits par le fœtus sont collectés en sens inverse. La membrane placentaire, semi-perméable, agit comme un filtre sélectif. Néanmoins, certains virus ou parasites (rubéole, toxoplasmose…) ou substances (médicaments, alcool…) peuvent la franchir.

Liquide amniotique

Essentiellement constitué d’eau, ce liquide stérile dans lequel baigne l’embryon puis le fœtus le protège contre les chocs, les infections et lui permet de se mouvoir. Constamment renouvelé, avalé et régurgité en partie par le fœtus, il participe au développement du tube digestif, de l’appareil respiratoire et urinaire. Il contient des cellules fœtales qui peuvent être analysées après ponction (amniocentèse). La rupture de la “poche des eaux” correspond à la perte de ce liquide et annonce l’accouchement imminent.

Diagnostic

Clinique

Le premier signe est souvent l’absence de règles à date prévue, plus ou moins accompagné de nausées, gonflement et sensibilité des seins, dégoûts alimentaires… À l’examen gynécologique, probant à partir de 8 SA, l’utérus augmente de taille et se ramollit, le col utérin est violacé et la glaire cervicale absente.

Biologique

Le diagnostic biologique s’appuie sur la détection de l’hormone chorionique gonadotrope (HCG) produite par l’œuf dès son implantation dans la muqueuse utérine.

→ Le dépistage dans les urines maternelles (test de grossesse en vente libre) est basé sur la détection colorimétrique de l’HCG dès le premier jour de retard des règles. Des “faux négatifs” sont possibles, notamment réalisés trop tôt, ou des “faux positifs” dus à la prise d’hormones (procréation assistée) ou à un avortement spontané.

→ Le dosage plasmatique, plus fiable, est réalisé au laboratoire par techniques immunologiques. En principe, il peut être réalisé dès dix jours après la fécondation, mais il est préférable d’attendre l’absence de règles pour plus de sensibilité. Au début de la 4e SA, le taux de bêta-HCG est en moyenne de 10 UI/l, puis il double tous les deux à trois jours jusqu’à un maximum à trois mois.

Échographique

L’échographie permet de visualiser l’embryon et son activité cardiaque dès 6 à 7 SA. La datation du début de grossesse à trois jours près se fait entre 8 et 12 SA grâce à la mesure de la longueur crânio-caudale.

LES RISQUES

La grossesse n’est pas une pathologie mais un état physiologique dont le déroulement est le plus souvent exempt de complications. Néanmoins, certains facteurs et situations exposent à un risque de mortalité et morbidité maternelle et fœtale. La liste établie par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2007 (lire partie Savoir plus p. 49) distingue :

→ les situations spécifiques prééxistant à la grossesse : facteurs de risques généraux : âge inférieur à 18 ans ou supérieur à 35 ans, poids (indice de masse corporelle, IMC ≤ 17,5 kg/m2 ou ≥ 40 kg/m2), vulnérabilité sociale (rupture, précarité..), pathologies familiales génétiques ; antécédents gynécologiques (malformation utérine, cancer, chirurgie, etc.) ou non (épilepsie, diabète, pathologie thyroïdienne…) ; antécédents liés à une grossesse précédente (IVG, prématurité, etc.) ;

→ les situations pouvant apparaître au cours de la grossesse.

Infectieux

Toxoplasmose

Infection parasitaire due à Toxoplasma gondii qui peut être hébergé par certains animaux (porc, bovins, ovins, oiseaux, chats). Après contamination, par ingestion de viande insuffisamment cuite ou par l’intermédiaire d’excréments canins (litières, terre, légumes souillés), une immunité durable s’installe (45 % des Français en moyenne).

→ Risques : chez l’adulte sain, l’infection est asymptomatique ou atypique (syndrome grippal, éruption cutanée, ganglions). Durant la grossesse, le parasite peut passer la barrière placentaire et expose, selon le terme, à la mort in utero, un accouchement prématuré ou une toxoplasmose congénitale avec des complications de gravité variable telles une choriorétinite et des lésions neurologiques.

À savoir : le risque de transmission augmente durant la grossesse mais, plus la transmission intervient tard, moins les lésions potentielles sont graves. En France, près de 2 700 cas par an sont diagnostiqués chez des femmes enceintes ; dans 25 à 30 % des cas, le fœtus est touché.

→ Prévention : il n’existe pas de vaccin, une surveillance sérologique est donc obligatoire durant la grossesse.

→ Prise en charge : quand une toxoplasmose est diagnostiquée en cours de grossesse, un antibiotique (spiramycine) est prescrit. Selon la date de contamination, une amniocentèse peut être proposée, ainsi qu’un suivi échographique des éventuelles lésions. Une interruption médicale de grossesse peut être alors envisagée.

Rubéole

Infection contagieuse due au Rubivirus transmis par voie respiratoire ou via le placenta durant la grossesse.

→ Risques : en population générale, elle atteint le plus souvent les enfants et se caractérise par une fièvre et une éruption cutanée, habituellement sans gravité. Durant la grossesse, les risques fœtaux sont variables selon le terme, très élevés entre huit et onze semaines de grossesse. Le syndrome de rubéole congénitale malformative peut associer plusieurs complications : lésions oculaires (cataracte, glaucome, etc.), neurologiques (retard psychomoteur, méningo-encéphalite…), cardiaques, hématologiques, auditives (hypoacousie), pulmonaires…

→ Prévention : la surveillance sérologique est obligatoire durant la grossesse, la vaccination recommandée chez toute femme en âge de procréer.

À savoir : l’incidence en cours de grossesse a fortement diminué parallèlement à l’amélioration de la vaccination par le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) (<10 cas/an depuis 2006).

Listériose

Maladie infectieuse bactérienne due à Listeria monocytogenes, répandue dans l’environnement (sol, eau, plantes, animaux), essentiellement transmise par les aliments.

→ Risques : généralement bénigne chez les adultes et enfants, la listériose est souvent asymptomatique ou se manifeste par un syndrome pseudogrippal et des troubles digestifs. Sans gravité pour la femme enceinte, elle peut entraîner de graves complications fœtales (fausse couche, prématurité, infection néonatale avec risque de septicémie, détresse respiratoire, troubles neurologiques).

→ Prévention : en l’absence de vaccins, les règles hygiénodiététiques sont importantes (lire partie Savoir faire p. 42).

Hépatite B

Le risque de transmission du virus de la mère à l’enfant aurait essentiellement lieu au cours de l’accouchement. Les bébés infectés peuvent devenir porteurs chroniques et courent un risque futur majoré de cirrhose hépatique, de défaillance hépatique et de cancer du foie. Si la mère est infectée, un traitement est mis en place dès l'accouchement pour le bébé, comprenant la vaccination et des immunoglobulines anti-HBs (hépatite B).

VIH

La transmission du virus de l'immu- nodéficience humaine (VIH) se fait essentiellement au moment de l'accouchement, mais elle peut aussi se faire in utero ou via l'allaitement. La prévention de la transmission mère- enfant impose un traitement anti- rétroviral chez la mère pendant la grossesse, chez la mère et le nou- veau-né lors de l'accouchement (voie parentérale), relayé par un traitement oral chez le nouveau-né.

Infections urinaires

Les cystites, symptomatiques ou non, sont plus fréquentes durant la grossesse, dues notamment à la pression de l'utérus sur l'urètre et la stase urinaire. Le risque principal est l'évolution possible vers une pyélonéphrite avec un risque de retard de croissance, voire de naissance prématurée. Le dépistage par bandelettes urinaires est systématique chaque mois dès le quatrième mois.

Autres

→ Syphilis : infection due à la bactérie Treponema pallidum, dont la transmission de la mère à l’enfant est possible via le placenta ou lors de l’accouchement. L’association syphilis et grossesse est rare en France (0,5 à 2,5 % des grossesses), mais sa gravité (avortement tardif, prématurité, syphilis congénitale…) justifie un dépistage obligatoire.

→ Streptocoque du groupe B : présent dans la flore vaginale de 15 à 40 % des femmes enceintes, il peut être transmis à l’accouchement.

→ CMV (cytomégalovirus) : le CMV peut entraîner des complications chez l’enfant, comme une surdité ou un retard de croissance. Mais aucun traitement n’étant disponible, la HAS ne recommande pas de dépistage systématique.

→ Herpès génital : que l’infection soit préexistante ou apparue en cours de grossesse, le risque principal est la transmission du virus à l’enfant lors de l’accouchement. Un traitement antiviral peut être mis en place et une césarienne est parfois envisagée (notamment en cas de primo-infection de la mère) si les lésions sont présentes dans un délai proche de l’accouchement.

Métaboliques

Diabète gestationnel

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le diabète gestationnel (DG) est un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse. Il englobe deux situations :

→ un diabète de type 2 pré-gestationnel méconnu, révélé par la grossesse, qui persiste après l’accouchement ;

→ une anomalie de la tolérance glucidique, réellement apparue en cours de grossesse, et qui disparaît, au moins temporairement, en post-partum.

Sa prévalence est estimée entre 2 et 6 % des grossesses.

→ Physiopathologie : pour répondre aux besoins énergétiques lors de la grossesse, il se crée notamment une insulinorésistance croissante des tissus périphériques. Si elle n’est pas compensée par une augmentation suffisante de sécrétion de l’insuline, l’hyperglycémie maternelle se développe, induisant une hyperglycémie fœtale.

→ Facteurs de risque : les principaux sont ceux du diabète de type 2 : antécédents familiaux de diabète de type 2, antécédents personnels de DG ou de macrosomie (poids > 4 kg à la naissance), âge supérieur à 35 ans, surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2), appartenance à certaines ethnies (Asiatiques, Africains du nord, Antillais).

→ Complications : les risques sont corrélés au degré d’hyperglycémie. Pour la mère, il s’agit essentiellement d’un risque d’HTA (hypertension artérielle) et de pré-éclampsie, et de complications de l’accouchement (prématurité, césarienne et déchirures si poids élevé de l’enfant). Pour l’enfant, un diabète pré-gestationnel méconnu expose à un risque de malformations et de mort fœtale. Un diabète apparu en cours de grossesse expose principalement à une macrosomie et à un hyperinsulinisme fœtal réactionnel responsable d’hypoglycémie et hyperbilirubinémie (jaunisse). À long terme, ces enfants sont susceptibles de développer un diabète et une obésité.

→ Dépistage, prise en charge : lire partie Savoir faire p. 46.

HTA gravidique et pré-éclampsie

Une hypertension artérielle (PA ≥ 140/90 mm Hg) est retrouvée chez 10 à 15 % des femmes enceintes, préexistante et découverte parfois lors de la grossesse, ou gravidique, c’est-à-dire apparaissant après 20 SA et se normalisant après l’accouchement. Lorsqu’elle est associée à une protéinurie (supérieure à 0,3 g/24 h), on parle de pré-éclampsie, syndrome fréquent (environ 5 % des grossesses) qui peut conduire à des complications maternelles graves : éclampsie (crises convulsives), hémorragie cérébrale et insuffisance rénale, décollement placentaire, syndrome Hellp, pour Hemolysis Elevated Liver enzymes Low Platelet count (qui associe une hémolyse, une cytolyse hépatique et une thrombopénie). Côté fœtus, les complications sont également potentiellement graves : retard de croissance intra-utérin (du fait de l’hypoxie tissulaire), prématurité, voire décès intra-utérin.

→ Facteurs de risque : antécédent de pré-éclampsie, néphropathie, diabète, obésité, âge inférieur à 40 ans, HTA chronique, grossesse multiple, première grossesse, facteurs génétiques.

→ Prévention : le dépistage se fait à chaque consultation prénatale. Une PA élevée associée à une bandelette positive pour l’albumine impose la recherche de protéinurie sur 24 heures.

→ Prise en charge : toute HTA gravidique doit être suivie et prise en charge par un traitement associant le repos et si besoin un anti-hypertenseur. La pré-éclampsie nécessite une hospitalisation et une surveillance étroite. L’arrêt de la grossesse est parfois nécessaire. Dans tous les cas, l’accouchement est déclenché après 36 SA.

Incompatibilité rhésus

La plus fréquente des immunisations fœto-maternelles est liée au rhésus du groupe sanguin et concerne les femmes de rhésus négatif (Rh-) qui portent un enfant de rhésus positif (Rh+).

→ Mécanisme : lors d’un premier accouchement, d’une IVG ou d’une fausse couche, ou d’un traumatisme lors de la grossesse (amniocentèse, chute…), des globules rouges Rh+ du fœtus passent dans la circulation sanguine maternelle. Ils sont reconnus comme corps étranger par la mère qui fabrique contre eux des anticorps appelés “agglutinines irrégulières”. Lors d’une première grossesse, cela est sans grande conséquence pour l’enfant, car les anticorps sont habituellement produits trop tard pour affecter le bébé. En revanche, lors d’une grossesse ultérieure, si le fœtus est de Rh+, ses globules rouges seront détruits par les anticorps maternels dès le début de grossesse. Les risques sont une anémie hémolytique fœtale pouvant entraîner la mort in utero ou, chez le nouveau-né, une hyperbilirubinémie responsable d’une jaunisse et de complications neurologiques sévères.

→ Prévention : s’il n’est pas connu, la détermination du groupe sanguin de la mère est obligatoire, avant de rechercher des agglutinines irrégulières. Dans les 72 heures après chaque accouchement, IVG ou fausse couche, ou au cours de la grossesse lors d’un événement traumatique, une injection de Rhophylac contenant une immunoglobuline spécifique est systématiquement prescrite pour neutraliser les globules rouges Rh+ dans le sang maternel (lire partie Savoir faire p. 40).

Anomalies chromosomiques

De par sa prévalence (estimée à 1/770 naissances), son caractère incurable et sa gravité (ouvrant la possibilité d’une interruption médicale de grossesse), la trisomie 21 est la seule maladie génétique pour laquelle un dépistage est proposé systématiquement. Actuellement, il s’appuie sur l’évaluation d’un risque global (dit “triple-test”) prenant en compte le dosage de marqueurs sériques entre 11 SA et 13 SA (alfa-fœtoprotéine, œstriol…), la mesure échographique de la clarté nucale du fœtus et l’âge de la mère. Le seuil de risque, fixé à 1/250, ne correspond qu’à une probabilité, mais conduit à proposer un diagnostic par réalisation d’un caryotype après prélèvement de liquide amniotique (amniocentèse) ou des villosités choriales (choriocentèse).

À noter : le dépistage prénatal à partir de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel est à l’étude en France.

Consommation de toxiques

Tabac

Les effets nocifs du tabagisme (actif et passif) au cours de la grossesse sont démontrés avec des risques augmentés d’hématomes placentaires, de grossesse extra-utérine, d’accouchement prématuré, d’hypoxie du fœtus et de retard de croissance intra-utérin. L’idéal est d’arrêter de fumer complètement. Les substituts nicotiniques peuvent être utilisés sous avis médical.

Alcool

Une consommation quotidienne même très modérée et/ou des ivresses épisodiques exposent à un risque de complications (retard de croissance du fœtus, accouchement prématuré) et de troubles psychiques chez l’enfant exposé (troubles d’apprentissage, de la mémorisation, de l’attention…). Le syndrome d’alcoolisation fœtale, atteinte la plus grave, est la première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Il se manifeste notamment par des retards de croissance et du développement nerveux, des anomalies faciales, une malformation de la boîte crânienne, des déficits intellectuels. Puisqu’il est impossible de définir un niveau de consommation sans effet délétère, il est recommandé aux femmes enceintes de s’abstenir de toute consommation.

Cannabis

Le tétrahydrocannabinol (THC), principe actif du cannabis, passe la barrière fœtoplacentaire et expose à un risque d’hématome placentaire (risque d’hémorragie, de mort in utero, de prématurité), de diminution du poids de naissance et de troubles du comportement du nouveau-né (altération du sommeil, agitation…). Cela s’ajoute aux effets du tabac éventuellement fumé conjointement.

Héroïne

Comme tous les opiacés, elle traverse la barrière placentaire, et expose à un risque accru de prématurité et de retard de croissance. Le manque peut aussi être ressenti par le fœtus (souffrance pouvant aller jusqu’à la mort in utero) et le nouveau-né à la naissance. Un arrêt, voire une diminution de consommation sans avis médical spécialisé, est donc fortement déconseillé. Les traitements de substitution sont recommandés.

Risques psychosociaux

L’instabilité psychosociale et émotionnelle des couples est un facteur important qui doit être dépisté et accompagné tout au long de la grossesse. Sont particulièrement surveillés les troubles alimentaires (anorexie, boulimie), anxiodépressifs, les troubles du sommeil, les situations de vulnérabilité (deuil, femmes seules, violence domestique, difficultés financières…). Des interventions adaptées doivent être envisagées avec un réseau de professionnels : médecin traitant, protection maternelle et infantile (PMI), conseillère conjugale, psychiatre…

LE SUIVI

Avant la grossesse

Bien que la visite “prénuptiale” ait été supprimée en 2007, une consultation préconceptionnelle est recommandée pour toute femme/couple qui exprime un désir de grossesse, réalisée selon son choix par le médecin traitant, le gynécologue médical ou le gynécologue-obstétricien.

Ses objectifs sont d’évaluer les facteurs de risque préexistants, de vérifier les sérologies infectieuses, de mettre en place les supplémentations (lire partie Savoir faire p. 43) et d’anticiper les changements de conduites à risque.

Il est par ailleurs conseillé aux femmes sous traitement chronique de consulter les spécialistes qui les suivent. Certains traitements tératogènes et/ou dangereux en cas de grossesse doivent en effet être arrêtés en amont, par exemple les rétinoïdes anti-acnéiques, le méthotrexate (immunosuppresseur), certains anti-convulsivants comme l’acide valproïque (Depakine). D’autres seront ajustés dès le début de grossesse (les besoins en hormones thyroïdiennes augmentent, les hypoglycémiants oraux doivent être remplacés par l’insuline, etc.).

Pendant la grossesse

Selon les risques identifiés, la HAS a défini deux types de suivi médical et deux procédures d’orientation.

Suivi A

Lorsque la grossesse se déroule sans situations à risque ou que ces situations relèvent d’un faible niveau de risque, le suivi régulier peut être assuré par une sage-femme ou un médecin (généraliste, gynécologue médical ou gynécologue-obstétricien) selon le choix de la femme.

→ Avis A1 : l’avis d’un gynécologue-obstétricien et/ou d’un autre spécialiste est conseillé.

→ Avis A2 : l’avis d’un gynécologue-obstétricien est nécessaire, et éventuellement l’avis complémentaire d’un autre spécialiste.

Suivi B

Niveau de risque élevé, le suivi régulier doit être assuré par un gynécologue-obstétricien.

Les informations relatives au suivi de grossesse sont centralisées dans un carnet unique, partagé entre les professionnels et détenu par les patientes.

Le suivi “normal”

Suivi médical

Sept consultations prénatales sont prévues. La première le plus tôt possible avant trois mois de grossesse puis tous les mois à partir du quatrième mois jusqu’à l’accouchement.

Chaque consultation a des objectifs précis et comprend :

→ un examen clinique (poids, pression artérielle, hauteur utérine, mouvements fœtaux, signes fonctionnels urinaires…) ;

→ des examens biologiques obligatoires ou conseillés (lire partie Savoir faire p. 40).

Échographies

Trois échographies sont systématiquement proposées :

→ la première, entre 11 et 13 SA, permet notamment la datation de la grossesse, la mesure de la clarté nucale (dépistage de trisomie), l’identification des grossesses multiples ;

→ la deuxième entre 20 et 25 SA ;

→ la troisième entre 30 et 35 SA.

Déclaration

Pour l’ouverture des droits sociaux (prise en charge, congé prénatal et postnatal…), la déclaration de grossesse doit être réalisée avant 15 SA via un formulaire rempli par le médecin ou la sage-femme et adressé aux Caisses d’allocations familiales et d’Assurance maladie. En retour, la patiente reçoit un carnet de surveillance de la grossesse.

Préparation à la parentalité

Sont systématiquement proposés :

→ un entretien individuel ou en couple au cours du premier trimestre pour évaluer les besoins en informations, renforcer la prévention des troubles psycho-émotionnels et orienter si besoin vers des structures spécialisées ;

→ sept séances de préparation à la naissance et à la parentalité.

Prise en charge

L’assurance maternité prend en charge à 100 %, sur la base du tarif de la Sécurité sociale, toutes les consultations prénatales et de préparation à la parentalité, les soins en lien avec la grossesse à partir du premier jour du sixième mois de grossesse et certains examens durant toute la grossesse : caryotype fœtal et amniocentèse, dépistage du VIH (y compris chez le père), dosages de la glycémie, troisième échographie.

LE RÔLE DE L’IDEL

→ Mettre en œuvre les éventuels traitements prescrits et leur surveillance.

→ Effectuer et donner des informations sur les prélèvements prescrits.

→ Tenir à jour le dossier de suivi en y transcrivant les actes effectués et les éventuelles informations recueillies.

→ Dispenser les conseils hygiénodiététiques adéquats.

→ Vérifier que les suppléments nutritionnels ont été prescrits.

→ Identifier et informer sur les conduites à risque.

→ Participer au suivi et à l’éducation des femmes diabétiques.

→ Reconnaître les signes de complication et orienter en conséquence.

Question de patient

Que sont les maisons de naissance ?

Autorisées en France à titre expérimental depuis le 23 novembre 2013, ce sont des structures de suivi de grossesse et d’accouchement “physiologique” (sans plateau technique mais adossées par convention à une maternité), tenues par des sages-femmes et destinées à répondre aux désirs des mères d’une moindre médicalisation, dans le cadre d’une grossesse sans complications.

Le saviez-vous ?

Au Québec, des infirmières spécialisées suivent les grossesses

Ces infirmières praticiennes spécialisées (IPS) en soins de première ligne relatifs au suivi de grossesse contribuent, en partenariat et en alternance avec le médecin, à l’accompagnement d’une grossesse normale jusqu’à 32 semaines. Elles peuvent notamment évaluer les facteurs de risque maternel et fœtal, pratiquer un examen clinique, prescrire les analyses de laboratoire et les examens d’imagerie médicale, procéder au dépistage du diabète, surveiller les mouvements fœtaux et le cœur fœtal…

Pour en savoir plus, consulter le site de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec : www.oiiq.org.

Point de vue…

« Un échange d’informations et de compétences »

Cindy Hamy, infirmière libérale à Peuplingues (Pas-de-Calais), installée dans un cabinet paramédical avec une sage-femme depuis 2012

« En prénatal, il m’arrive de faire des prélèvements, surtout en fin de grossesse, et ma collègue fait un peu de suivi de grossesse. Chacune ses compétences : il n’y a pas de concurrence car nous ne faisons pas les mêmes soins. Notre cabinet commun est récent, nous n’avons pas encore eu le temps de beaucoup développer notre collaboration, mais nous travaillons avec le même objectif : prendre en charge le mieux possible les personnes de notre canton. Nous sommes à la campagne, et même si le cas ne s’est pas encore présenté d’un accouchement “surprise” à domicile, nous savons que nous pouvons compter l’une sur l’autre en attendant les secours : je pourrais aider en posant une perfusion, ou en faisant des prélèvements en urgence. L’intérêt de la proximité, ce sont les échanges d’informations et de compétences : ma collègue m’apprend des choses sur les nourrissons que je peux retransmettre aux jeunes mamans, et moi je l’informe sur de nouveaux protocoles, par exemple, dernièrement, les anticoagulants en postnatal. Pour moi, cette proximité est une nouvelle richesse professionnelle. »