Cahier de formation
Savoir faire
L’oncologue a proposé à Monsieur G. de faire sa prochaine chimiothérapie à domicile puisque la première séance à l’hôpital s’est bien déroulée. Il vous demande si c’est vous qui allez le suivre à domicile.
Vous lui dites qu’il doit signifier au médecin prescripteur de la chimiothérapie qu’il souhaite que vous le preniez en charge à domicile. Vous pouvez le faire car vous avez suivi une formation indispensable pour ce traitement. Vous lui expliquez qu’il va rentrer chez lui avec une perfusion posée à l’hôpital. Il doit vous contacter dès son arrivée à domicile pour faire un point, au moins par téléphone, sur le bon fonctionnement de la perfusion.
Malgré la volonté affirmée depuis le premier Plan cancer 2003-2007 de faciliter la chimiothérapie à domicile, le nombre d’administrations de chimiothérapie par l’hospitalisation à domicile est resté stable en 2011, après avoir connu une diminution d’environ 18 % entre 2009 et 2010. L’une des causes de ce ralentissement pourrait résider dans l’exigence des réglementations, notamment des protocoles et conventions, que doivent signer tous les acteurs intervenant dans le cadre d’une chimiothérapie à domicile. Les chimiothérapies per os étant le plus souvent gérées à domicile par les patients eux-mêmes, les infirmières libérales sont principalement concernées par la surveillance et le retrait des dispositifs de chimiothérapie intraveineuse initiés le plus souvent en hôpital de jour (HDJ).
Dans son rapport “Critères d’éligibilité des patients à une chimiothérapie à domicile” publié en 2003, l’Agence nationale d’accréditation et d’ évaluation en santé (Anaes) donnait un cadre à la réalisation des chimiothérapies à domicile. Les traitements nécessitant un protocole de surveillance ou un monitorage complexes n’étant pas recommandés à domicile.
Le médecin propose la chimiothérapie à domicile, mais la décision revient au patient, informé des modalités pratiques de la chimiothérapie à domicile dans le cadre d’une organisation en réseau.
À efficacité équivalente, les formes per os sont à privilégier, en veillant à informer le patient que la disponibilité d’une forme per os ne doit pas être assimilée à une moindre gravité de la maladie et à une moindre innocuité du médicament, ce qui risquerait d’entraîner respectivement une moindre observance et une moindre vigilance.
La pose d’un dispositif intraveineux de longue durée de type cathéter à émergence cutanée ou chambre à cathéter implantable est une exigence préalable à la réalisation d’une chimiothérapie anticancéreuse par voie veineuse à domicile. En cas de refus catégorique du patient ou en cas de contre-indication, une chimiothérapie en hospitalisation est recommandée.
La réalisation du premier cycle à l’hôpital permet une première appréciation de la tolérance globale à court terme du patient vis-à-vis de la chimiothérapie anticancéreuse.
Acquisition par le patient de compétences pour le bon déroulement du traitement à domicile :
→ reconnaissance et gestion des signes de gravité, des complications et des effets secondaires ;
→ connaissance des procédures de maniement du matériel et d’alerte.
L’arrêté du 20 décembre 2004, qui fixe les conditions d’utilisation des anticancéreux injectables, précise : « Préalablement à l’administration d’une chimiothérapie anticancéreuse à domicile, les infirmiers doivent avoir suivi une formation spécifique prévue dans la circulaire DGS/OB du 2 mars 1990 ou dans le cadre de leur formation initiale. » Pour que les chimiothérapies à domicile soient prises en charge par l’Assurance maladie, l’infirmière libérale doit demander l’agrément chimiothérapie auprès de son centre. Pour cela, il faut que son diplôme d’État (DE) soit postérieur à 1992, ou qu’elle présente une attestation de “formation chimiothérapie” (lire encadré page suivante).
L’actualisation des connaissances par une formation est recommandée, même avec un DE postérieur à 1992. D’ailleurs, une personne récemment diplômée n’ayant pas eu, au cours de ses stages, l’occasion de pratiquer la chimiothérapie, peut être amenée à justifier de ses compétences auprès des caisses d’Assurance maladie et être obligée de faire une formation. À l’inverse, une infirmière diplômée avant 1992 peut, dans certains cas, être dispensée d’une formation spécifique si elle a exercé en cancérologie pendant une période suffisante.
Lorsqu’il s’agit de système avec pompe programmable type PCA (Patient Control Analgesia, ou analgésie autocontrôlée par le patient), la pompe, le matériel de dépose et de surveillance de la perfusion (par exemple, un set pour éventuellement repiquer et un set pour retirer le diffuseur) et le nécessaire pour la gestion et l’élimination des déchets sont délivrés et gérés par le prestataire de services. Les conseils sont donnés au patient par l’infirmier du prestataire de service et l’équipe de l’hôpital de jour. À domicile, l’infirmière libérale est en relation avec le prestataire et l’hôpital de jour qui a posé le dispositif. Les diffuseurs portables remplacent de plus en plus les pompes type PCA. Ils sont posés à l’hôpital au décours d’une chimiothérapie intraveineuse et continuent de diffuser au domicile.
→ Réactions inflammatoires locales (rougeur, œdème, sérosités), associées ou non à un écoulement purulent au niveau du boîtier.
→ Réactions inflammatoires et douloureuses sur le trajet de tunnélisation.
→ Si ces réactions sont associées :
- à un état fébrile du patient,
- à des “décharges” avec frissons et tremblements, lors de l’utilisation de la chambre implantable chez un patient non fébrile, mais évocatrices d’un sepsis sous-jacent.
La diffusion de produits dans les tissus peut aller jusqu’à une nécrose. Elle est liée à une mauvaise insertion de l’aiguille ou à un déplacement secondaire de celle-ci, ou à une désinsertion du cathéter ou une rupture d’une partie du cathéter.
C’est la complication la plus préoccupante. Elle est due à un thrombus, à des précipités d’origine médicamenteuse ou à des dépôts lipidiques. En prévention : rinçage avec du sérum physiologique après chaque utilisation usuelle (abondant après des transfusions). Le rinçage a plusieurs rôles :
→ séparateur : en empêchant la formation de corps insolubles par réaction entre deux ou plusieurs drogues incompatibles ;
→ conservateur : en évitant un éventuel reflux sanguin dans le cathéter inutilisé ;
→ réparateur : en supprimant les produits biologiques ou chimiques fixés sur la paroi interne du cathéter (biofilm).
Le rinçage avec du sérum physiologique est aussi efficace et moins contraignant que le sérum hépariné traditionnellement employé et préconisé dans les recommandations. (“Évaluation de la qualité de l’utilisation et de la surveillance des chambres à cathéter implantables”, Référentiel Anaes, décembre 2000).
En cas d’absence de reflux sanguin, il ne doit pas y avoir de résistance à l’injection. Si résistance, ne pas insister, éventuellement repiquer car l’aiguille peut être mal positionnée, et informer le médecin.
Elle est liée à la pathologie sous-jacente (compression…), aux antécédents de radiothérapie, à certaines chimiothérapies et certains mélanges nutritifs, à une mauvaise position du cathéter. À suspecter devant l’apparition d’une douleur ou d’un œdème (bras et/ou cou enflés).
Complications spécifiques d’origine mécanique (par frottement) en raison de la situation sous-cutanée du site d’injection.
L’absence de reflux et/ou un faible débit de perfusion doivent faire évoquer un dysfonctionnement. Tenter de reperfuser en repositionnant l’aiguille. Si persistance, faire chercher la cause (par une radio du thorax) avant d’utiliser de nouveau le cathéter.
Cette détresse est liée à une extravasation de liquide au niveau du médiastin après mise en place de la chambre implantable.
En dehors des troubles métaboliques (lire notre cahier sur la chimiothérapie cancéreuse dans L’ILM n° 260 de juin 2010), l’Anaes a identifié essentiellement trois types de complications fréquemment rencontrées et qui peuvent faire envisager une hospitalisation :
→ risque infectieux (systémique) : une fièvre, une hyperthermie (supérieure à 38,5 °C), des frissons ou un collapsus nécessitent l’appel du médecin. L’Anaes précise que la présence de signes et de symptômes d’infection chez un patient apyrétique doit être considérée comme un risque d’infection. Des infections à germes anaérobies peuvent survenir chez des patients neutropéniques en l’absence de fièvre initiale ;
→ risque hémorragique : l’apparition de signes hémorragiques (gingivorragies, hémorragies au fond d’œil, hématurie, pétéchies, etc.) peut justifier une transfusion plaquettaire. En l’absence de ces signes cliniques, une transfusion plaquettaire est indiquée dès l’atteinte du seuil de 20 G/l ;
→ risque anémique : l’anémie symptomatique est une indication de transfusion globulaire à partir d’un taux d’hémoglobine de 8?g/dl si une correction spontanée de l’anémie n’est pas prévisible à court terme (jusqu’à 10 g/dl en cas de persistance de la mauvaise tolérance, en particulier chez les sujets âgés ou ceux atteints de pathologies cardiovasculaires).
Elle est prévue à l’article 4 du chapitre II, “Actes du traitement spécifique à domicile d’un patient immunodéprimé ou cancéreux”.
→ Forfait pour l’organisation de la surveillance d’une perfusion, de la planification des soins, y compris la coordination des services de suppléance et le lien avec les services sociaux, à l’exclusion du jour de la pose et de celui du retrait, par jour : AMI 4.
→ Forfait pour arrêt et retrait du dispositif d’une perfusion intraveineuse d’une durée supérieure à vingt-quatre heures, y compris l’héparinisation et le pansement : AMI 5.
→ Par exemple, pour une perfusion sur 72 heures :
J0 : retour à domicile avec le dispositif de perfusion posé par l’hôpital, pas de cotation prévue ;
J1 : forfait de surveillance et de coordination (AMI?4) + frais de déplacement lié à un contrôle prescrit ;
J2 : forfait de surveillance et de coordination (AMI 4) + frais de déplacement lié à un contrôle prescrit ;
J3 : arrêt et retrait du dispositif (AMI 5) + frais de déplacement.
Un guide de formation continue sur les chimiothérapies anticancéreuses pour les infirmières libérales est annexé à la circulaire du 2 mars 1990 fixant les règles relatives à la formation continue des infirmières participant aux chimiothérapies anticancéreuses.
→ Formation de trois jours : enseignement théorique et pratique, et un enseignement clinique d’une journée effectué dans un service hospitalier de préférence orienté en cancérologie (injections, chambre implantable).
→ Objectifs : actualisation des connaissances en cancérologie (sémiologie, pharmacologie, techniques et risques des traitements…).
→ Modules :
- pharmacologie des médicaments anticancéreux : modes d’action et principaux effets, méthodes d’utilisation, application et surveillance des thérapeutiques ;
- techniques : présentation du matériel spécifique, surveillance et maintenance des accès vasculaires implantables, précautions d’asepsie ;
- soins infirmiers spécifiques en cancérologie : protocoles thérapeutiques, préparation et mise en route du traitement chimiothérapique, surveillance générale du patient ;
- communication : méthodologie de l’écoute, techniques de relation d’aide, approche psychologique du patient, traitement de la douleur, accompagnement des patients en phase terminale et de leur environnement.
Virginie Thooris, infirmière libérale à Chereng (Nord), formatrice à l’Institut de formation Oscar-Lambret à Lille (Nord)
« Si l’infirmière libérale fait une visite chez le patient le jour de son retour à domicile, celle-ci ne peut pas être facturée : la surveillance est considérée faite par l’HDJ ce jour-là. Nous faisons malgré tout un passage dans la mesure du possible pour nous assurer qu’il n’y a pas eu de problème technique pendant le transport. En particulier lorsque le traitement à domicile est nouveau pour le patient, car il y a surtout un aspect relationnel. On vient pour rassurer le patient et lui dire qu’on est à son écoute en cas de souci. Cette visite a été fort pertinente le jour où un patient est revenu de l’hôpital avec le dispositif clampé. À partir du lendemain (J1), les visites quotidiennes de surveillance sont prévues par la nomenclature pour la durée du protocole (48, 72 heures par exemple). »