Cahier de formation
Savoir faire
Madame F. doit entamer sa première cure de chimiothérapie pour son cancer du poumon. Elle s’inquiète des effets secondaires dont elle a beaucoup entendu parler. Elle vous demande pourquoi on ne fait pas la chimiothérapie en une fois au lieu de faire plusieurs cures.
Vous lui dites que les effets indésirables sont variables selon les types de chimiothérapie et l’état de santé général du patient, et que la plupart d’entre eux peuvent être soulagés en cours de traitement et disparaissent progressivement à l’arrêt du traitement. Les intervalles de repos entre les cures permettent aux cellules saines qui auraient été affectées par la chimiothérapie de se restaurer pour retrouver un fonctionnement normal. Ce qui limite l’intensité des effets indésirables.
La chimiothérapie anticancéreuse désigne les traitements médicamenteux ayant pour but la destruction des cellules cancéreuses (médicaments antitumoraux ou anticancéreux). La plupart des chimiothérapies sont administrées par voie intraveineuse. Elles sont possibles par voie artérielle, intramusculaire, sous-cutanée ou orale. La chimiothérapie regroupe une cinquantaine de médicaments et se distingue d’autres traitements utilisés contre le cancer, comme l’hormonothérapie (stéroïdes, glucocorticoïdes, œstrogènes…), ou l’immunothérapie par des immunostimulants (interleukine II, interferon-alpha, etc.). Parfois assimilées à la chimiothérapie anticancéreuse, les thérapies ciblées sont souvent distinguées de la chimiothérapie “classique” pour leur mode d’action différent (lire l’encadré p. 44).
La chimiothérapie vise la destruction des cellules cancéreuses disséminées dans tout l’organisme, y compris celles qui n’ont pas été repérées lors des examens, et les cellules inaccessibles par les voies chirurgicales ou radiothérapiques. L’inconvénient est que le traitement, qui agit par des mécanismes non spécifiques, affecte aussi les cellules saines, d’où les effets secondaires. La chimiothérapie comporte un seul produit (monochimiothérapie) ou plusieurs (polychimiothérapie). Elle peut être curative dans un but de guérison, ou palliative si l’objectif est d’allonger la survie et d’améliorer la qualité de vie.
Ils agissent sur toutes les cellules cancéreuses de l’organisme, soit en les détruisant directement (cytotoxiques), soit en les empêchant de se multiplier (cytostatiques). Ils peuvent être classés selon le niveau de leur action sur l’ADN.
→ Les alkylants (cyclophosphamide, cisplatine…) agissent en déformant et en cassant l’ADN, un peu comme les rayonnements ionisants, empêchant ainsi sa duplication.
→ Les intercalants (anthracyclines, bléomycines…) sont pour la plupart des dérivés d’antibiotiques qui “se glissent” entre les bases azotées des deux chaînes d’ADN et bloquent son activité.
Les antimétabolites (méthotrexate, 5-fluoro-uracile ou 5-FU…) sont des produits voisins des constituants normaux de l’ADN qui empêchent une ou plusieurs étapes essentielles de la synthèse de l’ADN.
Les antimitotiques au sens strict ou antifusoriaux (vincristine…) sont pour la plupart des substances d’origine végétale qui inhibent le fuseau mitotique nécessaire au bon déroulement d’une division cellulaire (mitose).
La chimiosensibilité d’un cancer découle du manque de moyen de la cellule cancéreuse pour lutter contre la destruction induite par le traitement. Elle se mesure le plus souvent après trois cycles de chimiothérapie, au regard de la réponse tumorale. À l’inverse, la chimiorésistance d’un cancer est un problème majeur de la chimiothérapie. Elle est due à de nombreux mécanismes intracellulaires que développent les cellules tumorales et qui peuvent entraîner des résistances spécifiques à certains médicaments ou non spécifiques. La résistance primaire ou intrinsèque apparaît dès le début de la chimiothérapie, la résistance secondaire ou acquise se développe après une phase initiale d’efficacité.
Les chimiothérapies n’entraînent pas toutes des effets secondaires. Lorsqu’ils sont présents, ces effets secondaires n’apparaissent pas tous en même temps. La chimiothérapie par voie orale sous forme de comprimés ou de gélules n’est pas moins toxique et provoque aussi des effets secondaires.
Les médicaments de chimiothérapie sont composés de molécules cytotoxiques qui agissent particulièrement sur les cellules de l’organisme à division rapide. Les cellules cancéreuses, qui se divisent très vite, sont plus fragiles, mais d’autres cellules de l’organisme à division rapide sont particulièrement affectées (cellules du système pileux, cellules intestinales, cellules sanguines), ce qui explique les effets secondaires. Pour ces traitements, l’écart entre leur action efficace et leur action toxique (index thérapeutique) est faible. Il est difficile d’utiliser une chimiothérapie à des doses efficaces sans entraîner une certaine toxicité.
L’intensité des effets indésirables d’une chimiothérapie est variable selon les types de chimiothérapie et l’état de santé général du patient, et la plupart d’entre eux peuvent être soulagés en cours de traitement par des moyens adaptés et disparaissent progressivement à l’arrêt du traitement (lire notre cahier sur “La chimiothérapie anticancéreuse” de L’ILM n° 260, juin 2010). Les effets secondaires sont variables d’une cure de chimiothérapie à l’autre. Les associations de médicaments (polychimiothérapie) permettent de concentrer leurs actions sur la tumeur tout en dispersant leurs toxicités différentes sur divers organes.
Il n’y a pas de règle absolue. La fréquence d’administration dépend du protocole de chimiothérapie choisi par le médecin. La chimiothérapie peut être quotidienne, notamment en cas de prise orale, ou hebdomadaire, ou tous les quinze jours, toutes les trois semaines… Les chimiothérapies sont administrées par cycles, aussi appelés cures, généralement sur une période de quatre à six mois en raison de la toxicité des médicaments anticancéreux pour les cellules saines. Les intervalles de repos toutes les deux ou trois semaines permettent aux organes principaux (notamment la moelle osseuse) de retrouver un fonctionnement normal avant le démarrage d’un nouveau cycle. La durée totale du traitement dépend aussi du protocole choisi.
La chimiothérapie est parfois utilisée comme traitement unique, particulièrement dans le cas de tumeurs chimiosensibles et chimiocurables (lorsque la guérison peut être obtenue par le seul traitement médical), par exemple les hémopathies malignes et en particulier les leucémies aiguës qui sont toujours généralisées.
Réalisée avant une chirurgie, cette chimiothérapie a pour buts de réduire la taille de la tumeur pour en faciliter l’exérèse et de diminuer les risques de récidive d’un cancer généralisé. Elle permet aussi d’évaluer rapidement l’efficacité des médicaments sur la tumeur. La durée d’un traitement de chimiothérapie néoadjuvante, variable selon les situations, est en moyenne de trois à cinq mois.
Pratiquée après une chirurgie complète de la tumeur et le retrait de toutes les cellules cancéreuses visibles, la chimiothérapie adjuvante a pour but de diminuer les risques de récidive locale ou à distance. Elle est indiquée en cas de cancer infiltrant ou de risque de dissémination. Le risque d’apparition de métastases dépend des caractéristiques du cancer (stade d’évolution, type de cellules, envahissement ou non des vaisseaux sanguins ou lymphatiques, etc.). La durée d’une chimiothérapie adjuvante est en moyenne de cinq à six mois, et varie de quelques semaines à deux ans.
La chimiothérapie métastatique est utilisée pour le traitement des métastases, associée ou non à une thérapeutique ciblée (lire ci-dessous). Selon les cas, elle peut être administrée après la chirurgie, entre deux opérations ou comme traitement principal si aucune chirurgie n’est possible. La durée d’une chimiothérapie métastatique varie de trois mois à plus d’un an.
On parle de radiochimiothérapie quand la chimiothérapie est associée à une radiothérapie. La chimiothérapie a sa propre action de destruction des cellules cancéreuses, qu’elle rend aussi plus sensibles aux rayonnements. Dans le traitement du cancer du col de l’utérus, une “radiochimiothérapie concomitante” associe une radiothérapie externe, une chimiothérapie et une curiethérapie dans le but de renforcer l’action respective de chacun des traitements.
Dans le cancer du col de l’utérus, la radiochimiothérapie concomitante est le traitement de référence pour les tumeurs supérieures à 4 centimètres et les tumeurs qui se sont propagées au-delà de l’utérus dans le pelvis
* “Cancer du col de l’utérus” sur le site de l’Institut national du cancer (www.e-cancer.fr).
Les médicaments
→ Les anticorps monoclonaux sont des immunoglobulines spécifiquement dirigées contre des protéines présentes à la surface des cellules malignes. Ils stimulent ou renforcent le système immunitaire, pour l’amener à reconnaître les cellules cancéreuses. Par exemple, le trastuzumab (herceptine) vise les récepteurs HER2 (Human Epidermal Growth Factor Receptor-2, ou récepteur pour les facteurs de croissance épidermiques humains) surexprimés dans certains cancers du sein.
→ Les inhibiteurs perturbent le développement de la tumeur. Par exemple, les inhibiteurs des récepteurs tyrosine-kinases bloquent l’action de ces récepteurs surexprimés dans certaines tumeurs. Actuellement, les inhibiteurs peuvent être utilisés dans les cancers du rein, des bronches, certaines leucémies et tumeurs digestives. À l’avenir, d’autres cancers pourraient être traités.
Le mode d’action
Le principe des thérapeutiques ciblées est de priver la tumeur d’éléments indispensables à son développement. En ciblant les protéines impliquées dans le contrôle de la prolifération et de la mort cellulaires, ils visent l’anomalie à l’origine d’un cancer. Ils ne s’attaquent pas à l’ADN des cellules cancéreuses comme le fait la chimiothérapie “classique” qui vise les mécanismes de la multiplication cellulaire (effet de l’anomalie cancéreuse).
Les indications
Les thérapeutiques ciblées sont particulièrement efficaces lorsque l’anomalie moléculaire visée est déterminante pour l’oncogenèse.
Dans le cas des tumeurs solides qui résultent d’une accumulation d’anomalies moléculaires, les thérapeutiques ciblées contre une seule anomalie oncogénétique n’auront qu’un effet transitoire, souvent utile, mais non décisif
Les effets secondaires
Grâce à leur action centrée sur les cellules cancéreuses, les thérapies ciblées affectent peu les cellules saines et sont généralement bien supportées. La toxicité de ces médicaments est moins importante que celle de la chimiothérapie classique, qui agit par des mécanismes non spécifiques. Elle n’entraîne pas d’alopécie, et les nausées et vomissements sont beaucoup moins sévères.
* Dictionnaire humanisé des cancers, B. Hoerni, J. Robert, ouvrage collectif, Éditions Frison-Roche, 4e édition, 2011.