Agnès, infirmière en zone rurale, entame sa troisième année à domicile. Elle met à mal le discours selon lequel, accablées de charges, les libérales seraient des bourreaux de travail par obligation.
« J’ai entendu cette rengaine bien des fois : “Difficile de s’en sortir, trop de charges.” En revanche, j’ai moins entendu parler de nos avantages : aide à la création d’entreprise, à l’installation en zone rurale revitalisée ou encore en zone sous-dotée, déduction des cotisations de notre mutuelle (loi Madelin)… Un concessionnaire automobile m’a même proposé un véhicule neuf sur lequel il faisait une remise à hauteur de la TVA, puisqu’il s’agissait de mon outil de travail. Au regard des informations que j’ai glanées, je ne sais toujours pas avec certitude à combien s’élèvent mes charges, de 40 % (Carpimko 17 % et Urssaf 22 %) à 15 %, à en croire un dossier d’analyse économique d’une association de gestion agréée. La question est donc d’abord d’accéder à une information claire. Par précaution, je provisionne sur 40 %, et je continuerai de la même façon après le rattrapage des cotisations de ma troisième année d’installation. Cette réserve me permettra de ne pas avoir le couteau sous la gorge si, par exemple, je souhaite quitter le libéral. Mieux vaut anticiper ! Cette année, j’ai déclaré un chiffre d’affaires de 39 000 euros pour une douzaine de jours travaillés par mois. C’est un choix bien réfléchi, je tiens à ma qualité de vie. Des revenus plus élevés déclenchent rapidement un effet “boule de neige”. Je passerais plus d’heures auprès des patients, et surtout en télétransmission, dans une comptabilité plus lourde, avec une gestion complexe. Le système impliquerait alors de prendre un comptable. Et les charges augmenteraient vraiment puisqu’elles sont calculées sur le brut. Côté comptabilité, nous ne sommes d’ailleurs pas préparées. À la base, nous avons une compta basique - recettes et dépenses - mais le vocabulaire employé dans les documents - “état de rapprochement bancaire”, “tableau de concordance”, et j’en passe - rend l’exercice quasiment inaccessible aux non-initiés. Enfin, en termes de charges plus “personnelles”, elles sont quasiment inexistantes. J’ai opté pour une voiture à 7 000 euros. D’autres infirmières se sont mis un leasing sur le dos et j’en vois passer avec des 4x4 flambant neufs… Tout est lié. »
Cécile Bocquet, Idel, présidente de l’Association nationale de gestion des infirmiers et infirmières libéraux
« En libéral, il faut avoir le goût de l’autonomie et savoir se familiariser avec la comptabilité et l’administratif, en véritable chef d’entreprise. Il est important de se rapprocher des organismes compétents qui sont tenus de répondre. D’ailleurs, je confirme : le prélèvement d’Agnès sera bien de 40 % toutes charges comprises. D’autres part, les associations de gestion agréées, en soutien, proposent notamment des formations spécifiques, même à distance. Cette année, notre formation de deux jours proposée sur l’exercice libéral (assurances, transmissions, interlocuteurs…) est reconnue au titre du développement professionnel continu. Une première, puisque la formation des futures infirmières n’aborde pas les questions de gestion, de comptabilité ou de fiscalité, contrairement à celle des médecins. »