L'infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous croisez la femme de Monsieur X. Elle vous avoue que son mari n’a pas vraiment le moral. Il se demande s’il pourra un jour se passer des injections de prostaglandine…

Les préoccupations liées aux troubles de l’érection prédominent chez certains patients. Après une prostatectomie, il faut expliquer que la récupération des érections est longue mais qu’elle est possible jusqu’à deux ans après l’intervention.

CONSÉQUENCES SEXUELLES

Tous les traitements du cancer de la prostate ont un impact sur la sexualité.

→ Perte d’érection : après prostatectomie totale, les troubles de l’érection sont très fréquents. Parfois, le patient les appréhende, ce qui ne fait que les amplifier. Après radiothérapie, les troubles de l’érection surviennent plus tardivement, du fait de la destruction progressive des tissus.

→ Autres : l’anéjaculation, systématique après prostatectomie totale, est souvent mal vécue. La baisse de la libido très fréquente est liée à l’hormonothérapie ou à une perte de confiance en soi. Les modifications de la taille de la verge ou une gynécomastie sont également fréquentes sous hormonothérapie. Tous les traitements ont aussi un impact négatif sur la fertilité. Une conservation du sperme est proposée aux patients qui le souhaitent avant le début de l’intervention ou du traitement médical.

→ Les troubles anxieux et dépressifs engendrés par la maladie peuvent, chez certains patients, être majorés par l’atteinte sexuelle.

ACCOMPAGNEMENT

De nombreux patients se confient plus facilement à des soignants extérieurs qu’au médecin ou au chirurgien qui les suit. Il est important de pouvoir répondre à leur crainte et d’expliquer que des traitements existent pour pallier les troubles sexuels induits.

Comprendre le principe

La suppression des érections après prostatectomie entraîne un manque d’oxygénation des corps caverneux et donc le risque de développement d’une fibrose, empêchant définitivement les tissus de pouvoir être en érection. La récupération de la fonction érectile dépend de nombreux facteurs, dont l’âge du patient, le geste chirurgical lui-même avec la préservation ou non des bandelettes nerveuses, la motivation du patient et du couple, et aussi la précocité de la prise en charge (dans les trois à six mois après la prostatectomie). Celle-ci consiste, pour les patients qui le souhaitent, à provoquer des érections régulières (si besoin avec des médicaments) pour maintenir l’oxygénation des tissus caverneux et préserver ainsi leur capacité à pouvoir être en érection.

Informer

La reconstruction de la fonction sexuelle après prostatectomie peut être longue du fait de la régénérescence lente des fibres nerveuses, mais elle est possible jusqu’à deux ans après l’intervention. L’anéjaculation et les troubles de l’érection n’empêchent pas l’orgasme.

Il ne faut pas hésiter à le dire au patient/couple et à l’orienter si besoin vers un sexologue et/ou, lorsque l’anxiété ou des troubles dépressifs sont présents, vers un psychologue ou un psychiatre.

TRAITEMENTS DISPONIBLES

Différents traitements sont utilisés voire associés entre eux : les injections de prostaglandines, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type?5 (IPDE-5) et le vacuum. En dernier recours, la mise en place d’une prothèse pénienne peut être proposée.

L’alprostadil

Les indications

L’alprostadil (prostaglandine?E1) induit une érection indépendamment de toute stimulation sexuelle. Ce traitement est disponible par voie intracaverneuse (Caverject, Caverject Dual, Edex) ou par voie intra-urétrale (Muse). Dans les deux cas, le patient apprend l’utilisation du traitement avec le médecin.

À dire au patient

L’injection en elle-même n’est pas douloureuse. L’administration par voie intra-urétrale a l’avantage d’éviter les injections, mais elle peut occasionner une douleur ou des brûlures passagères et induire parfois de petits saignements. En cas d’érection prolongée (priapisme) de plus de trois, quatre heures, le patient doit contacter et consulter rapidement le médecin (risque de thrombose et/ou de lésions irréversibles des tissus).

Les IPDE-5

Les indications

Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (IPDE-5), sildénafil (Viagra), tadalafil (Cialis), vardénafil (Levitra) nécessitent une stimulation sexuelle pour induire une érection. Ils s’administrent trente à soixante minutes avant l’activité sexuelle.

À dire au patient

→ Le patient ne doit pas se décourager en cas d’inefficacité des premières prises : les résultats vont en s’améliorant et il faut plusieurs essais avant de conclure à un échec.

→ Il faut absolument mettre en garde les patients contre l’achat de ces traitements sur Internet hors prescription médicale. Leur prescription implique la réalisation préalable d’un bilan cardiovasculaire et, par ailleurs, ils sont incompatibles avec certains traitements (en particulier les dérivés nitrés pris en cas d’angor). Enfin, ces molécules font partie des médicaments les plus souvent contrefaits : outre le fait que, dans certains cas, le principe actif est absent ou que son dosage est aléatoire, des substances plus ou moins toxiques sont parfois présentes dans les galéniques (talc, amphétamine, paracétamol, antibiotiques…).

→ Il ne faut en aucun cas les associer aux poppers (puissants vasodilatateurs destinés à augmenter le plaisir sexuel) au risque de potentialiser leurs effets hypotenseurs (risque de décès).

Le vacuum

Les indications

Le vacuum ou pompe à vide est une sorte de cylindre qui permet de faire le vide autour du pénis, ce qui crée l’afflux de sang nécessaire à l’érection. Celle-ci est ensuite maintenue grâce à un anneau de constriction placée à la base du pénis.

À dire au patient

La technique est souvent proposée aux patients à qui les traitements précédents ne conviennent pas ou sont contre-indiqués, mais elle n’est pas simple à utiliser et il est préférable que le patient puisse faire un essai (certains urologues en “prêtent” à leur patient) avant de se lancer dans l’achat d’un vacuum (environ 250 euros). Une fois l’érection obtenue, le vacuum doit être laissé en place trente minutes. L’érection obtenue doit être gardée trente minutes au maximum pour ne pas provoquer de souffrance des corps caverneux par manque d’oxygène.