ÉLECTIONS > Plusieurs libérales figuraient sur des listes aux scrutins municipaux, les 23 et 30 mars. Illustrations en Bretagne, de Sizun (Finistère) à Quintin (Côtes-d’Armor).
La capacité d’écoute vis-à-vis des personnes, dont celles en détresse physique ou sociale, est une qualité de l’infirmière que l’on devrait exiger dans la fiche de poste des élus. » Jacqueline Bilirit, 57 ans, Idel remplaçante à Carhaix (Finistère), prend son implication politique à cœur. L’ancienne infirmière urgentiste s’engage pour la seconde fois aux élections municipales. « En 2008, j’étais curieuse mais peu disponible, et surtout la liste était conduite par un homme. » En 2014, elle soutient la psychomotricienne Corinne Jégou-Braban, sur la liste “Carhaix autrement” (divers gauche). Des affinités, professionnelle et personnelle, nécessaires, selon elle, pour oser prendre part au débat.
À Douarnenez (Finistère), la liste sans étiquette (divers droite) de William Boulic compte deux Idels : Sylvie Doaré, 53 ans, et Maud Fresnais, 24 ans. L’aînée, qui brigue aussi un mandat d’élue intercommunale, navigue en politique depuis vingt ans. Une double vie qui nécessite une certaine logistique : « La vie publique suit la journée de travail. J’utilise le même portable pour les deux activités. Le cumul est correct si l’on s’organise. » Maud, la benjamine, est plus prudente : « Il y a un temps pour tout. D’autant que vie politique s’allie à médiatique. C’est un engagement fort. Il faut savoir se protéger, parce que tout le monde sait tout sur vous. Les gens peuvent interpeller votre mari, votre sœur sur ce que vous faites, sur vos dires. » Dans les Côtes-d’Armor, Gabrielle Le Cabec, sur la liste “Quintin, unis pour l’avenir” (divers gauche), semble avoir la solution : elle exerce sur les communes rurales avoisinantes. « Mes patients suivent de près mon implication politique, mais cette distance géographique simplifie grandement nos rapports. »
De l’avis général, la disponibilité et la présence “sur le terrain” sont des qualités propres à l’Idel et très utiles en politique. « Nous sommes au contact de la population. Nous ne sélectionnons pas les gens que nous rencontrons. C’est un métier qui ouvre les yeux et l’esprit, commente Gabrielle Le Cabec. Nous sommes là pour servir ceux qui en ont besoin. » Dans le Finistère toujours, Sylvie Brochec, 53?ans, est colistière de “Sizun autrement” (divers gauche). Pour elle, engagement rime avec humilité : « Le fait d’être proche de la mort permet une remise à plat de la relation au monde. Nous sommes peu de choses. »
Toutes ces Idels sont attentives à la situation sanitaire de leur territoire et redoutent la pénurie de médecins – plusieurs se lancent même dans des projets de maison médicale. Ces expériences nourrissent leur engagement politique (la liste “Carhaix autrement” propose d’ailleurs une maison pluriprofessionnelle de santé). Mais cet engagement s’arrête au seuil de leurs patients. « Je ne leur parle pas de la campagne électorale, clarifie Sylvie Brochec. Ce serait influencer et je ne suis pas dans cette volonté-là. » Pour Gabrielle Le Cabec, une seule situation a posé problème : « J’ai dû soigner ma présence auprès d’un patient, éloigné de la tendance de ma liste. Il m’a fallu lui montrer que mon implication professionnelle n’avait pas changé. » Sylvie Doaré, elle, pose cartes sur table : « Depuis toujours, je discute politique avec eux. Quelles que soient leurs idées, ils me gardent comme infirmière. »
Difficile parfois de supporter cette mise en avant soudaine. Le soutien de l’entourage s’avère alors indispensable. « La famille peut trinquer, imagine Gabrielle Le Cabec, pour qui l’entrée en politique se passe bien. Pour la vie publique, la discussion au sein du couple s’impose en amont. » Même constat pour Maud Fresnais : « Je ne me serais jamais investie en politique si mon compagnon n’était pas d’accord. Il faut pouvoir être épaulée et avoir un soutien extérieur. »
Élues ou non ? Jacqueline Bilirit et Sylvie Brochec ont été élues au 1er tour dans leurs conseils municipaux respectifs. Gabrielle Le Cabec, elle, n’est pas élue. Même sort pour Sylvie Doaré et Maud Fresnais, dont la liste, malgré 16,48 % des suffrages au 1er tour, ne s’est pas maintenue.