L'infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014

 

Atteinte vasculaire

Cahier de formation

LE POINT SUR

ANNE-GAËLLE HARLAUT  

L’anévrisme de l’aorte abdominale est une cause fréquente de mortalité chez les plus de 65 ans. Pourtant, un diagnostic par simple échographie et une prise en charge adaptée permettent d’éviter les complications fatales.

Qu’est-ce que l’anévrisme de l’aorte abdominale ?

L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) est une dilatation permanente d’un segment de l’aorte dans sa portion abdominale : le diamètre de l’artère est augmenté de plus de 50 % par rapport à la normale (entre 16 et 22 mm) et ses parois ne sont plus parallèles. Dans 80 % des cas, elle se présente sous forme d’un fuseau (anévrisme fusiforme), plus rarement sous forme d’un sac (anévrisme sacciforme). On estime que 0,5 % de la population générale présente un AAA à 60 ans, cette prévalence augmentant avec l’âge (environ 5 % à 75 ans) et en cas de facteurs de risque associés.

Où se situe-t-il ?

Le plus souvent, l’AAA se situe entre le départ des artères rénales et la bifurcation en artères iliaques. Il peut se prolonger sur les artères iliaques, on parle alors d’anévrisme aorto-iliaque, et/ou être associé à des anévrismes fémoraux et poplités.

Pourquoi apparaît-il ?

L’AAA apparaît à la suite de lésions de la paroi de l’artère dont l’origine reste mal connue. Un phénomène d’athérosclérose est mis en cause dans plus de 90 % des cas, mais il peut aussi être lié, plus rarement, à des affections locales inflammatoires ou infectieuses. Par ailleurs, l’existence de cas familiaux évoque, dans certains cas, une composante génétique.

Quels sont les facteurs de risque ?

→ Le tabagisme est le premier facteur de risque, qu’il soit actuel (six à sept fois plus de risques) ou passé (une et demi à trois et demi de fois plus de risques).

→ L’âge supérieur à 65 ans.

→ Le sexe : l’homme est cinq à dix fois plus concerné que la femme (mais fréquence augmentée chez la femme fumeuse de plus de 65 ans et hypertendue).

→ Les antécédents familiaux.

→ Les autres facteurs de risque cardiovasculaires et athéromateux (hypertension artérielle – HTA –, hyperlipidémie, etc.).

Comment évolue l’anévrisme?

Après apparition, l’AAA va progressivement et inexorablement se distendre : le diamètre de l’artère étant augmenté, la force de distension qui s’exerce sur ses parois augmente de façon proportionnelle et aggrave progressivement l’augmentation du diamètre de l’artère… et ainsi de suite. La vitesse de croissance d’un anévrisme n’est pas toujours prévisible (certains pouvant rester quiescents pendant plusieurs années), mais elle est généralement corrélée à la distension de l’aorte. Si son diamètre est inférieur à 40 mm, la croissance est généralement lente, de 5 mm par an en moyenne, puis elle s’accélère à partir de 50 mm, atteignant en moyenne 7,5 mm par an, voire plus.

Quelles sont les complications ?

→ La principale complication est la rupture de l’artère qui intervient lorsque la force de distension surpasse la force de cohésion des fibres de la paroi artérielle et provoque le décès de 80 % des patients, avant hospitalisation ou au décours de l’intervention. Le risque, corrélé au diamètre de l’anévrisme, est évalué à 3 à 15 % de rupture annuelle à partir de 50-60 mm et davantage au-delà.

→ L’AAA expose par ailleurs à un risque d’embolie (migration d’un caillot sanguin au départ de l’anévrisme) vers les membres inférieurs, potentiellement responsable d’une ischémie avec risque de gangrène, voire d’amputation.

Quels sont les signes cliniques ?

→ Dans la majorité des cas, aucun. Tant qu’il n’est pas rompu, l’AAA est asymptomatique, et découvert fortuitement lors d’un éventuel examen d’imagerie abdominale.

→ Certains signes peuvent parfois apparaître (notamment si la rupture est proche) : douleurs atypiques et sourdes (abdominales, dorso-lombaires ou pelviennes) et/ou œdèmes des membres inférieurs dus à la compression des veines par l’anévrisme.

Peut-on le détecter ?

→ Une échographie-doppler permet de poser le diagnostic d’AAA en mesurant le diamètre antéro-postérieur de l’aorte et en recherchant d’éventuels anévrismes associés (iliaques, fémoraux, poplités). Le scanner ou l’IRM permettent, dans un deuxième temps, de préciser les caractères anatomiques de l’anévrisme avant une intervention chirurgicale.

→ La Haute Autorité de santé (HAS) recommande un dépistage ciblé opportuniste unique (une seule fois) chez les hommes entre 65 et 75 ans présentant un tabagisme chronique actuel ou passé et ceux, entre 50 et 75 ans, qui présentent des antécédents familiaux. De plus, la Société française de médecine vasculaire (SFMV) le conseille chez les femmes fumeuses et/ou hypertendues entre 60 et 75 ans.

À savoir : chaque année, à l’initiative de la SFMV, une journée de dépistage gratuit est organisée en France, par simple échographie de cinq minutes, sans ordonnance ni rendez-vous, dans les mairies, hôpitaux et cliniques participant à l’opération (www.sfmv-vesale.fr).

Quelle est la prise en charge ?

Avant la rupture

→ Quel que soit le diamètre de l’AAA, une approche globale de réduction des facteurs de risque est systématiquement mise en place pour ralentir l’évolution de l’anévrisme et des autres atteintes cardiovasculaires. Elle comprend l’arrêt définitif du tabac et la correction des autres facteurs de risque (hypercholestérolémie, HTA, diabète, surpoids). Un traitement associant un anti-aggrégant plaquettaire, un anti-hypertenseur et un hypolipémiant (type statine) est classiquement prescrit.

→ Si le diamètre est inférieur à 50 mm : une surveillance échographique de l’anévrisme est mise en place. Tous les un à trois ans entre 30 et 40 mm de diamètre, tous les ans entre 40 et 45 mm et tous les semestres au-delà de 45 mm.

→ Si le diamètre est supérieur ou égal à 50?mm et/ou son évolution rapide (> 10 mm par an) : après concertation médico-chirurgicale, une traitement curatif est envisagé. Le traitement de référence est chirurgical : il consiste, après laparotomie, à ouvrir l’anévrisme et à remplacer la partie de l’aorte endommagée par une prothèse tubulaire synthétique. Une deuxième option est le traitement endovasculaire qui consiste à implanter une endoprothèse (introduite par l’intermédiaire d’un cathéter, via une artère fémorale, et guidée par imagerie médicale) dans l’anévrisme existant, créant ainsi une nouvelle voie de passage renforcée pour le sang.

Lors de la rupture

Lorsque le patient ne décède pas subitement, sa prise en charge chirurgicale est une urgence absolue, mais la mortalité du traitement chirurgical reste très élevée (44,5 %, contre 4 % pour la chirurgie des anévrismes non rompus), liée à l’intervention ou aux conséquences de l’hémorragie.

L’aorte abdominale