L'infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014

 

Infection parasitaire

Cahier de formation

LE POINT SUR

MAÏTENA TEKNETZIAN  

Très répandue et le plus souvent bénigne, la toxoplasmose peut s’avérer redoutable en cas de transmission materno-fœtale et chez les patients immunodéprimés.

Qu’est-ce que c’est ?

→ La toxoplasmose est une parasitose cosmopolite, due à un protozoaire appelé Toxoplasma gondii. Le réservoir parasitaire est animal, tellurique et hydrique. Les mammifères, les oiseaux et l’homme en sont les hôtes intermédiaires (chez qui s’effectue la multiplication asexuée du parasite), et le chat, l’hôte définitif (chez qui s’effectue la multiplication sexuée).

→ Le chat élimine dans ses fèces les oocystes (œufs) du parasite, qui souillent l’eau, le sol, les fruits et légumes poussant dans la terre, et sporulent en un à cinq jours, devenant alors susceptibles d’infester un hôte intermédiaire. Environ 1 % des chats seraient excréteurs d’oocystes à un moment donné de leur vie.

→ Les oocystes sporulés ingérés par un hôte intermédiaire (mammifères, oiseaux, homme) libèrent dans le sang de cet hôte contaminé une forme parasitaire appelée « tachyzoïte », qui va s’enkyster dans différents tissus, en particulier les muscles striés et le cerveau. Ces kystes peuvent être source de contamination d’un chat (ingestion de souris ou d’oiseaux contaminés) ou d’un nouvel hôte intermédiaire (ingestion par l’homme de viande contaminée insuffisamment cuite).

Quels sont les signes cliniques ?

Les signes cliniques apparaissent après une incubation de deux semaines en moyenne et varient en fonction du profil du patient.

Chez l’immunocompétent

→ La toxoplasmose reste silencieuse dans 80 % des cas, ou se manifeste spécifiquement (fièvre, adénopathies cervicales, asthénie, altération de l’état général, éruption fugace).

→ Après contamination, les sujets sont immunisés à vie. Le parasite reste présent sous forme kystique dans le tissu nerveux ou les muscles, sans toutefois causer de symptômes, puisque le système immunitaire du patient maintient le parasite sous forme inactive (appelée “bradyzoïte”).

Chez la femme enceinte

→ La primo-infection ne s’accompagne d’aucun signe particulier, mais un risque de transmission congénitale (estimé globalement à 29 %) est à craindre. Il augmente avec l’âge gestationnel (5 % au premier trimestre, 40 % au deuxième trimestre et 70 % au troisième trimestre de la grossesse).

→ Plus l’atteinte est précoce, plus les conséquences fœtales sont graves : mort in utero, atteintes neurologiques (hydro/macrocéphalie, convulsions, retard psychomoteur) ou oculaires parfois très sévères en cas d’atteinte en première moitié de grossesse, atteintes ophtalmiques infracliniques en fin de grossesse, mais nécessitant un suivi ophtalmique régulier à vie. Une choriorétinite (inflammation de la choroïde et de la rétine se manifestant par une baisse de l’acuité visuelle, des “mouches volantes”, une rougeur de l’œil) est en effet susceptible de se déclarer à l’enfance, l’adolescence ou à l’âge adulte.

Chez le patient immuno-déprimé

La toxoplasmose revêt une forme sévère soit en primo-infection, soit du fait le plus souvent d’une réactivation du parasite (rupture de kyste et dissémination par voie sanguine), avec des atteintes le plus fréquemment cérébrales (épilepsie, paralysie), oculaires, pulmonaires ou cardiaques.

Comment est porté le diagnostic ?

→ Le diagnostic biologique repose sur le dosage des immunoglobulines de types?G et M (IgG et IgM).

→ Avant toute conception, il est recommandé de déterminer le statut immunitaire de la femme. La recherche de toxoplasmose est obligatoire dans le cadre de la déclaration de grossesse. Si une femme n’est pas immunisée (absence d’IgG et d’IgM), un dépistage est systématiquement réalisé tous les mois jusqu’à l’accouchement. En cas de séroconversion pendant la grossesse (présence d’IgM et d’IgG), une amniocentèse est pratiquée pour rechercher une toxoplasmose congénitale. Si la recherche du parasite dans le liquide amniotique est positive, un prélèvement du sang du cordon ou du placenta peut être justifié pour prouver l’atteinte fœtale. L’échographie permet d’observer les conséquences sur le fœtus.

→ Chez l’immunodéprimé, lorsque la clinique fait suspecter une réactivation du parasite, la sérologie permet de confirmer une toxoplasmose ancienne (IgG présents sans IgM). Un scanner ou une IRM peuvent permettre de confirmer une atteinte cérébrale.

Quel est le traitement ?

→ Chez l’immunocompétent, la toxoplasmose est asymptomatique ou d’expression clinique modeste et ne nécessite pas de traitement. En cas de persistance des symptômes, un traitement par spiramycine (Rovamycine) peut être envisagé.

→ En cas de séroconversion pendant la grossesse, un traitement par spiramycine est instauré. Il permettrait d’éviter 50 % des transmissions congénitales.

→ En cas d’atteinte fœtale prouvée par amniocentèse, le traitement fait appel à la pyriméthamine (Malocide) associée à la sulfadiazine (Adiazine) ou à la sulfadoxine (hors autorisation de mise sur le marché). Une supplémentation hebdomadaire en acide folique est alors nécessaire pour prévenir les troubles hématologiques liés à la pyriméthamine. Le nourrisson sera traité par ces médicaments pendant un an.

→ Chez l’immunodéprimé, le traitement fait appel à l’association pyriméthamine/sulfadiazine ou hors autorisation de mise sur le marché, au cotrimoxazole (Bactrim).

Prévention des femmes enceintes et des immunodéprimés séronégatifs

→ Porter des gants pour jardiner, se laver les mains et se brosser les ongles après avoir jardiné.

→ Bien se laver les mains, avant et après la manipulation de viandes, fruits et légumes crus.

 → ?Bien laver les crudités, herbes aromatiques et fruits qui poussent près de la terre (comme les fraises).

→ Bien laver les planches à découper et les ustensiles après avoir coupé de la viande crue.

→ Congeler la viande pour détruire les kystes présents. Bien faire cuire la viande. Éviter la consommation de viandes fumées ou marinées. Les viandes de mouton et de porc sont les plus infestantes.

→ Éviter de changer soi-même la litière d’un chat (sinon, mettre des gants). La changer et la laver tous les jours à l’eau très chaude (> 70 °C), pour éviter la sporulation du parasite. L’eau de Javel est inutile.

À savoir : le risque est moindre avec des chats élevés strictement en appartement, qui n’ont pas l’occasion de consommer souris ou oiseaux, ni de de viande crue.

Le cycle de toxoplasme

→ Le chat se contamine en ingérant des souris ou oiseaux parasités, puis élimine des oocystes dans ses fèces, qui vont souiller la terre, les légumes, certains fruits ou sa litière.

→ Les mammifères de boucherie se contaminent par ingestion d’herbes ou de légumes souillés. Le parasite s’encapsule alors dans leur viande sous forme kystique.

→ L’homme se contamine par ingestion de kystes (consommation de viande insuffisamment cuite), ou d’oocystes (manipulation de litière, jardinage, consommation de fruits et légumes crus mal lavés).