L'infirmière Libérale Magazine n° 302 du 01/04/2014

 

Cahier de formation

Savoir

Le cancer de la prostate est le cancer masculin le plus fréquent en France et dans les pays occidentaux, généralement découvert lors d’un dépistage individuel. Sa progression est lente, certaines formes restant latentes. Sa prise en charge tient compte de l’extension et de l’agressivité de la tumeur mais aussi de l’âge et de l’état de santé du patient.

PATHOLOGIE

→ Le cancer de la prostate est une tumeur maligne qui se développe le plus souvent à partir des cellules qui constituent le revêtement de la glande prostatique (il s’agit d’un adénocarcinome).

→ Certaines tumeurs restent à un stade latent ou progressent en restant confinées à la prostate. D’autres, plus agressives, peuvent se développer et envahir des organes voisins (vessie, rectum…) ou plus éloignés (notamment les os).

→ La prostate et, au moins initialement, le cancer qui en découle, sont sous la dépendance des hormones sexuelles mâles, les androgènes. Ces derniers sont sécrétés essentiellement par les testicules, sous forme de testostérone et, en plus faible quantité, par les glandes surrénales sous forme de DHEA (déhydroépiandrostérone) (voir le schéma page de droite).

Les chiffres

→ Le cancer de la prostate est le cancer masculin le plus fréquent en France et dans les pays occidentaux (56 800 nouveaux cas en 2012 en France métropolitaine), loin devant les cancers du poumon et du côlon-rectum. Il se situe au troisième rang des décès par cancer chez l’homme (8 900 décès en 2012) après le cancer du poumon et le cancer colorectal.

→ La forte augmentation de son incidence ces dernières années est notamment liée à l’augmentation du dépistage individuel (par le dosage du PSA pour Prostate Specific Antigen, l’antigène prostatique spécifique) et au vieillissement de la population.

→ L’incidence du cancer de la prostate est plus élevée aux Antilles (Martinique, Guadeloupe, Guyane) qu’en métropole. Elle est très faible avant 50/55 ans.

→ L’âge moyen au moment du diagnostic est de 71 ans.

→ 10 à 20 % des patients présentent au diagnostic une maladie au stade avancé.

Les signes cliniques

Le cancer de la prostate se développant le plus souvent en périphérie de la glande prostatique (voir le schéma page de gauche), il doit atteindre un certain volume pour comprimer la voie urinaire et devenir symptomatique. Ainsi, au stade local, il est généralement asymptomatique. La présence de symptômes traduit une maladie déjà évoluée, localement (signes urinaires) ou à distance (douleurs liées aux métastases et en particulier les métastases osseuses).

Les signes urinaires

Liés à la compression de l’urètre et de la vessie, ils ne sont pas spécifiques du cancer mais peuvent aussi être dus à une hyperplasie bénigne de la prostate (HBP), parfois associée au cancer : dysurie (difficultés à la miction), pollakiurie (mictions fréquentes et souvent peu abondantes), hématurie, rétention urinaire.

Les métastases

Elles peuvent parfois révéler la maladie. Elles sont le plus souvent osseuses (vertèbres, bassin, côtes, os longs, crâne) et se manifestent par des douleurs osseuses, des fractures au niveau des os longs ou des vertèbres (tassement vertébral) avec parfois des signes de compression médullaire. Les métastases pulmonaires et hépatiques, d’apparition plus tardive, restent plus rares.

Les complications

Les adénopathies métastatiques peuvent être responsables de l’apparition d’une thrombose veineuse, d’un lymphœdème des membres inférieurs ou d’une urétéro-hydronéphrose nécessitant une intervention chirurgicale : celle-ci correspond à une distension des voies urinaires hautes (uretère, rein) par l’urine dont l’écoulement est entravé par un obstacle (ici, la tumeur). En phase terminale, l’anémie est fréquente et peut alors nécessiter des transfusions.

L’évolution

En plusieurs phases

L’évolution du cancer de la prostate peut être divisée en quatre grandes phases (voir le schéma page suivante). Selon la classification internationale cTNM (“c” pour clinique, “T” pour stades, “N” pour métastases ganglionnaires et “M” pour métastases à distance), sont distingués plusieurs stades.

→ Les stades T1 et T2 correspondent à des cancers localisés. Ils sont souvent asymptomatiques :

– le stade T1 correspond à un cancer latent. Il n’y a pas d’élévation significative du taux de PSA (lire p. 35). La tumeur n’est pas décelable au toucher rectal ni à l’imagerie. Elle est en fait généralement découverte par hasard, à la suite de l’opération d’une hypertrophie bénigne de la prostate ;

– au stade T2, le cancer est encore confiné à la prostate. Il est détecté à la suite de biopsies réalisées soit parce que le taux sanguin de PSA est anormalement élevé (habituellement plus de 4 ng/ml), soit parce que le toucher rectal révèle une induration ou un nodule de la prostate.

→ Les stades T3 et T4 correspondent à des cancers avancés localement. Au cours de ces deux derniers stades, les signes urinaires ou les conséquences des métastases (douleurs osseuses…) conduisent à la réalisation de biopsies prostatiques qui confirment le diagnostic. Le taux sanguin de PSA est plus élevé qu’en cas de tumeur localisée.

→ Parallèlement, des cellules tumorales peuvent emprunter la circulation lymphatique ou veineuse pour former des métastases.

De façon très lente

→ Le cancer de la prostate a souvent une évolution très lente. Certaines formes restent latentes durant toute la vie du patient.

→ Diagnostiqué précocement, il est le plus souvent curable. Au stade localisé, il peut être guéri définitivement par un traitement radical. Un cancer avancé, en revanche, ne peut plus être guéri définitivement. Une rémission plus ou moins longue de la maladie peut cependant être obtenue, en particulier grâce à un traitement hormonal.

Des facteurs de risque

Outre l’âge, l’hérédité et l’origine ethnique sont des facteurs qui augmentent le risque de développer un cancer de la prostate.

→ Hérédité : le risque de cancer de la prostate est multiplié par deux à cinq en cas d’antécédents familiaux de ce cancer chez des parents du premier degré (père, fils). Le risque est plus élevé lorsque deux parents ou plus sont atteints.

→ Origine ethnique : une origine “afro-antillaise” constitue un facteur de risque, alors que le risque de cancer de la prostate est faible chez les hommes asiatiques.

L’exposition à certains pesticides (notamment le chlordécone, utilisé dans la culture de la banane) a été incriminée, mais ce lien n’est à ce jour pas démontré.

Le dépistage

→ Selon la Haute Autorité de santé, le dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA n’est pas justifié, ni dans la population générale ni chez les hommes présentant des facteurs de risque.

→ Pour l’Association française d’urologie (Afu), cet avis de la HAS ne dispense pas d’une démarche de diagnostic précoce pour pouvoir traiter à temps les formes agressives de cancer (lire le point de vue de la page ci-contre).

Le diagnostic

→ Au stade asymptomatique, le cancer est évoqué devant une anomalie du taux de PSA et, plus rarement, par un toucher rectal anormal. Le diagnostic ne peut ensuite être établi que par les biopsies de la prostate.

→ Le cancer est parfois trouvé de façon fortuite à l’examen anatomo-pathologique des tissus prélevés lors du traitement chirurgical d’une HBP.

→ Selon le cas, seront réalisés une IRM prostatique et des examens complémentaires en cas de cancer avéré pour évaluer l’envahissement tumoral (scanner abdomino- pelvien, scintigraphie osseuse).

Le toucher rectal

Il évalue la taille de la prostate, sa consistance et détecte des anomalies (induration, présence d’un nodule…). Un toucher rectal normal n’élimine pas la possibilité d’un cancer de la prostate.

Le dosage du PSA sérique

→ Le PSA (pour Prostate Specific Antigen) est une glycoprotéine sécrétée par les cellules prostatiques qui participe à la liquéfaction du sperme. Son élévation n’est pas spécifique du cancer de la prostate : elle peut traduire aussi une anomalie non cancéreuse comme une HBP ou une prostatite.

→ La valeur seuil de PSA total la plus souvent utilisée pour le diagnostic de cancer de la prostate est de 4 ng/ml. Il est à noter que la prise d’inhibiteur de la 5-alpha-réductase (finastéride, dutastéride) abaisse la valeur du PSA de 50 % environ.

→ La normalité de ce dosage n’exclut pas le diagnostic. Par ailleurs, toute élévation du PSA total dans le sang doit être interprétée en tenant compte des résultats du toucher rectal et, selon le cas, des examens complémentaires (biologiques ou d’imagerie). Ainsi, toute élévation du PSA ne conduit pas d’emblée à une biopsie prostatique. La “cinétique” du PSA peut également être prise en compte auparavant : on se base notamment sur le temps de doublement, c’est-à-dire le temps que met le taux de PSA pour être multiplié par deux.

→ Le PSA libre (c’est-à-dire la fraction du PSA non fixé aux protéines) n’est jamais demandé en première intention. Le rapport PSA libre/PSA total permet d’orienter la nécessité de répéter ou non les biopsies de la prostate lorsqu’une première série de biopsie est négative (un rapport élevé, supérieur à 20 %, est plutôt en faveur d’une HBP, alors qu’un rapport inférieur à 10 % est en faveur d’un cancer ou d’une prostatite).

Les biopsies prostatiques

→ Les biopsies prostatiques, guidées par échographie endorectale, sont réalisées sous anesthésie locale. Elles sont indiquées en cas d’augmentation du taux de PSA ou d’anomalie du toucher rectal (induration) indépendamment de la valeur du PSA. Au moins douze prélèvements biopsiques sont réalisés sur l’ensemble de la glande prostatique. Leur examen anatomopathologique confirme le diagnostic.

→ Une biopsie prostatique expose à un risque hémorragique et infectieux. Une antibioprophylaxie par quinolone de deuxième génération est recommandée. L’apparition d’une fièvre ou de douleurs pelviennes après la biopsie doit faire évoquer une prostatite aiguë et justifie une hospitalisation en urgence.

Les autres marqueurs biologiques

Non remboursés, ils sont utilisés pour affiner les indications des biopsies prostatiques. Il s’agit du PCA3, un marqueur biologique qui correspond à un gène exprimé uniquement par le cancer de la prostate (environ 300 euros) et du calcul de l’index PHI (Prostate Health Index, coût d’environ 90 euros).

La classification

→ L’examen anatomopathologique des prélèvements de la tumeur (lors de la biopsie) permet de la classer selon son grade histologique : c’est le score de Gleason allant de 6 à 10. Plus le score est élevé, plus la tumeur est agressive. Ainsi, les tumeurs de score de Gleason 8, 9 ou 10 sont très différenciées et très agressives.

→ La classification cTNM (voir le tableau p.35) est établie sur les données de l’examen clinique et de l’imagerie. La classification pTNM (“p” signifiant pathologique) tient compte de renseignements supplémentaires apportés par le geste chirurgical.

→ Les formes localisées de cancer de la prostate sont classées en fonction de leur risque évolutif à l’aide de la classification de d’Amico. Se basant sur le score cTNM, le score de Gleason et la valeur du PSA total, cette classification établit trois sous-groupes de cancers localisés de la prostate selon le risque de rechute : les tumeurs localisées à faible risque évolutif, à risque intermédiaire et à haut risque.

TRAITEMENT

La stratégie thérapeutique

→ Une espérance de vie d’au moins dix ans est un élément important pour proposer un traitement curatif en cas de cancer localisé de la prostate.

→ Pour le patient dont l’espérance de vie estimée est inférieure à dix ans, le choix se porte selon le cas sur une surveillance simple, un traitement hormonal ou un traitement palliatif.

Cancer localisé

→ Les formes localisées à risque faible de récidive peuvent relever de quatre modalités thérapeutiques : la surveillance active (lire le point de vue page ci-contre), la prostatectomie radicale, la radiothérapie externe et la curiethérapie. Le recours aux ultrasons focalisés de haute intensité est également possible, mais le recul sur cette technique est insuffisant pour juger de son bénéfice à long terme.

→ Les formes localisées à risque intermédiaire relèvent de la prostatectomie ou de la radiothérapie, associée ou non à une hormonothérapie courte (maximum six mois).

→ Le traitement des formes localisées à risque élevé et des cancers localement avancés fait appel à un traitement multimodal : prostatectomie et/ou radiothérapie en association à une hormonothérapie prolongée (deux à trois ans).

Au stade métastatique

→ Le traitement de référence est l’hormonothérapie prolongée mais son efficacité est limitée dans le temps. En effet, un échappement au traitement hormonal se produit après un délai variable (environ deux, voire trois ans). C’est la phase d’hormonorésistance.

→ Au stade d’hormonorésistance (progression du PSA ou progression des symptômes), le traitement fait appel à une chimiothérapie par docétaxel chez les patients symptomatiques, ou à l’acétate d’abiratérone, chez les patients peu ou pas symptomatiques. En deuxième ligne, chez les patients ayant eu une bonne réponse initiale au docétaxel, une reprise du docétaxel peut être envisagée, avec un intervalle libre de plusieurs mois. Chez les autres patients, sont proposés l’abiratérone, le cabazitaxel (un autre taxane) ou l’enzalutamide, un nouvel antagoniste aux androgènes.

→ Le traitement des complications osseuses fait appel aux biphosphonates (en particulier l’acide zolédronique en intraveineuse toutes les trois à quatre semaines) qui limitent l’incidence des douleurs, des fractures et de la compression médullaire. Ils requièrent une surveillance particulière en raison du risque d’ostéonécrose de la mâchoire. D’autres traitements comme la radiothérapie à visée palliative, les antalgiques, sont également prescrits à ce stade.

Les traitements dits “curatifs”

Ils visent à enlever chirurgicalement ou à détruire par irradiation la totalité de la prostate. L’objectif est de guérir.

La prostatectomie radicale (ou totale)

→ La prostatectomie totale est l’un des traitements de référence du cancer de la prostate localisé chez les patients ayant une espérance de vie supérieure à dix ans.

→ Elle correspond à l’exérèse totale de la prostate et des vésicules séminales. Elle inclut si besoin un curage ganglionnaire.

→ Lorsque le cancer ne franchit pas la capsule, les bandelettes vasculonerveuses (filets nerveux sur les bords latéraux de la prostate impliqués dans l’érection) sont préservées, ce qui facilite la récupération des érections spontanées.

→ Effets indésirables : outre les risques d’accidents thromboemboliques post-opératoires (prévenus par compression médicale post-opératoire, lever précoce et recours aux héparines de bas poids moléculaire – HBPM), ce sont surtout l’incontinence urinaire et la dysfonction érectile.

La radiothérapie

→ Alternative à la chirurgie, elle se déroule en séances successives réalisées cinq jours par semaine pendant six à sept semaines.

→ Effets indésirables : les complications sont des cystites et des rectites radiques (brûlures urinaires, besoins fréquents d’uriner, douleurs abdominales et rectales, impériosités fécales). À long terme, l’incontinence urinaire est assez rare (moins de 5 % des cas). La dysfonction érectile est moins fréquente mais survient plus tardivement qu’après la chirurgie.

La curiethérapie

→ Elle consiste à implanter dans la prostate des grains radioactifs (Iode-125) qui vont détruire les cellules cancéreuses. Elle est réservée aux cancers localisés à faible risque.

→ Effets indésirables : ils durent trois à six mois en général, avec des signes urinaires irritatifs comme sous radiothérapie (difficultés à uriner, brûlures, etc.), rarement une rectite. Une dysfonction érectile est possible.

Les ultrasons focalisés de haute intensité (Ufhi)

→ Le traitement par ultrasons focalisés de haute intensité (Ufhi, dispositif Ablatherm) induit une fibrose secondaire complète de la prostate et une destruction des cellules cancéreuses par effet thermique.

→ Effets indésirables : des troubles urinaires, parfois une incontinence urinaire et des troubles de l’érection peuvent survenir.

La cryothérapie

La cryothérapie consiste à détruire la tumeur par un refroidissement intense (à l’azote liquide). Il s’agit d’une technique en cours d’évaluation, qui ne s’adresse à ce jour qu’à un nombre limité de patients (notamment ceux qui étaient initialement traités par radiothérapie et présentant une récidive locale du cancer).

La suppression androgénique (ou castration)

La suppression androgénique constitue la thérapeutique de première ligne du cancer métastatique. À ce stade, elle n’est que palliative, ne permettant d’obtenir qu’une rémission plus ou moins longue de la maladie.

Elle est également indiquée en cas de cancer localement avancé et/ou métastatique.

La chirurgie

La castration chirurgicale peut être réalisée par exérèse des deux testicules (orchidectomie bilatérale) ou par exérèse de la pulpe testiculaire (pulpectomie). À l’origine d’une castration irréversible, elle n’est quasiment plus employée.

Le traitement hormonal

→ L’hormonothérapie fait appel aux analogues ou aux antagonistes de l’hormone de libération de la lutéinostimuline (LH-RH) et aux antiandrogènes non stéroïdiens (bicalutamide, nilutamide) ou stéroïdiens (acétate de cyprotérone). Le diéthylstilbestrol n’est pas utilisé en première ligne du fait de ses effets indésirables cardiovasculaires importants.

→ Cette castration médicamenteuse est réversible et mieux tolérée psychologiquement que la castration chirurgicale.

Les analogues de la LH-RH

Les analogues de la LH-RH s’administrent par voie sous-cutanée ou intramusculaire mensuellement, tous les deux, trois ou six mois.

Mécanisme d’action

Leur administration induit systématiquement :

→ une phase initiale de stimulation appelée flare-up, au cours de laquelle les taux plasmatiques de l’hormone de stimulation folliculaire (FSH), l’hormone lutéinisante (LH) et par conséquent de testostérone augmentent (deux à trois semaines) ;

→ puis une phase de désensibilisation au cours de laquelle il existe un effondrement des taux de FSH, de LH et de testostérone.

Pour contrer la phase de flare-up et éviter une élévation de la testostéronémie, un antiandrogène est généralement débuté par voie orale huit à quinze jours avant la première injection d’analogue et poursuivi généralement durant un mois. Une fois cette période passée, l’analogue sera pleinement efficace : les taux de testostérone vont s’effondrer et il n’y a alors plus lieu de poursuivre l’antiandrogène.

Surveillance?

La testostéronémie est régulièrement vérifiée (taux < 0,5 ng/ml) et la réponse thérapeutique évaluée, notamment par le dosage du PSA.

Effets indésirables

Outre les réactions au point d’injection, ils sont liés à l’abaissement des taux plasmatiques de testostérone. Les plus fréquents sont des bouffées de chaleur, des troubles de la libido, une impuissance, une prise de poids. Sont aussi rapportés (entre 1 et 10 %) une gynécomastie, des céphalées, des nausées, des troubles de l’humeur, un syndrome dépressif. Au long cours, il existe une augmentation des risques de fracture osseuse, de décompensation d’un diabète et cardiovasculaire.

Les antagonistes de la LH-RHMécanisme d’action

Le dégarélix se fixe sur les récepteurs sur les récepteurs GnRH (hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires) de l’hypophyse et entraîne ainsi une réduction rapide, sans effet flare-up, de la libération des gonadotrophines (LH et FSH), donc de la sécrétion de testostérone par les testicules. Il ne nécessite donc pas la prescription concomitante d’anti-androgène le premier mois de traitement.

Surveillance et effets indésirables

Ce sont les mêmes que sous analogues de la LH-RH.

Les anti-androgènes non stéroïdiens Mécanisme d’action

Ils agissent par blocage des récepteurs périphériques aux androgènes, notamment ceux de la prostate. Les taux sériques de testostérone sont maintenus, ou augmentés (par rétrocontrôle).

Surveillance

Un bilan hépatique est effectué avant le début du traitement et régulièrement par la suite. Une élévation des transaminases au-delà de trois fois la limite supérieure de la normale doit faire arrêter le traitement.

Effets indésirables

Ces traitements induisent moins de troubles sexuels et diminuent moins la masse osseuse que les traitements ciblant la LH-RH. Mais les bouffées de chaleur, les gynécomasties et les douleurs mammaires sont fréquentes et souvent invalidantes. Des atteintes hépatiques dont des hépatites fulminantes sont décrites. Un effet antabuse, des pneumopathies interstitielles, des troubles visuels peuvent survenir avec le nilutamide.

Les anti-androgènes stéroïdiensIndications

L’acétate de cyprotérone est généralement proposé quand les traitements ciblant la LH-RH et les anti-androgènes non stéroïdiens ne sont plus efficaces. Il faut éviter la prise de millepertuis et l’association aux inducteurs enzymatiques (diminution de son efficacité).

Effets indésirables

Ce sont principalement une gynécomastie, une somnolence, une dépression, une prise de poids, une baisse de la libido et une impuissance, une toxicité hépatique, une ostéoporose au long cours et des thromboses veineuses profondes.

Les œstrogènes Indications

Le diéthylstilbestrol n’est plus utilisé en première intention en raison de la fréquence de ses complications cardiovasculaires.

Effets indésirables

Augmentation du risque d’accidents thromboemboliques artériels, veineux (pour l’éviter, prescription concomitante d’acide acétylsalicylique), hypertension artérielle (HTA), hyperlipidémie, ictère, lithiase biliaire, dépression, gynécomastie, atrophie testiculaire et impuissance.

L’inhibiteur de la synthèse des androgènes Indications

L’abiratérone (Zytiga) est indiqué en association à la prednisone ou à la prednisolone dans les formes métastatiques résistantes aux traitements habituels de la castration. La castration médicale par analogues de la LH-RH est maintenue durant le traitement.

Mécanisme d’action

→ L’abiratérone inhibe un cytochrome qui assure l’activité de l’enzyme responsable de la biosynthèse des androgènes au niveau des testicules, des glandes surrénales et des tissus tumoraux prostatiques.

→ L’abiratérone augmente la synthèse de l’aldostérone. L’adjonction d’un corticoïde (prednisone ou prednisolone) diminue les effets secondaires de l’hyperaldostéronisme (hypokaliémie, HTA et rétention hydrique).

Surveillance

Tension artérielle, kaliémie et rétention hydrique (prise de poids, œdèmes périphériques) sont surveillées mensuellement (davantage en cas de risque d’insuffisance cardiaque). Les transaminases font l’objet d’un suivi toutes les deux semaines pendant les trois premiers mois de traitement, puis tous les mois.

Effets indésirables les plus fréquents

Ce sont des œdèmes périphériques, des hypokaliémies, des HTA et des infections du tractus urinaire. Une hépatotoxicité et des affections cardiaques sont aussi rapportées. Une contraception efficace de la partenaire et des rapports protégés sous traitement sont nécessaires.

Un autre antiandrogène

L’enzalutamide (Xtandi) représente une alternative à l’abiratérone (Zytiga) ou au cabazitaxel (Jevtana, réservé à l’hôpital) dans la prise en charge des hommes atteints de cancer de la prostate avec métastases en traitement de seconde intention.

Mécanisme d’action

L’enzalutamide, Xtandi, est un inhibiteur puissant de la voie de signalisation des récepteurs aux androgènes. C’est également un inducteur enzymatique puissant qui peut diminuer l’efficacité de certains traitements : antibiotiques (clarithromycine doxycycline, rifampicine…), antalgiques (tramadol, fentanyl, etc.), certains bêtabloquants, anticoagulants (warfarine…), corticoïdes, etc. Un suivi rigoureux est donc nécessaire chez les patients prenant les médicaments impliqués.

Effets indésirables les plus fréquents

Bouffées de chaleur, céphalées, constipation ou diarrhée, nausées, vomissements, douleurs osseuses et musculaires. Une neutropénie, une HTA, des affections psychiatriques (hallucinations, anxiété…), des troubles cognitifs, des convulsions, une sécheresse cutanée et un prurit sont également rapportés. Une contraception efficace de la partenaire et des rapports protégés jusqu’à trois mois après la fin du traitement sont recommandés.

La chimiothérapie

Sont notamment employés :

→ les dérivés de l’If : docétaxel (Taxotere) et cabazitaxel (Jevtana). Les effets indésirables les plus fréquents sont des neutropénies, des anémies, une alopécie, des nausées, des vomissements, des stomatites, des diarrhées et une asthénie.

→ la mitoxantrone (Novantrone), notamment à l’origine d’une toxicité hématologique et d’une cardiotoxicité limitant son utilisation dans le temps. L’estramustine (Estracyt) est rarement utilisé.

Le suivi

→ En dehors de “l’abstention-surveillance” ou de la “surveillance active” (lire point de vue p. 37), le protocole de suivi est adapté selon la situation de chaque patient. Globalement, il comporte le dosage du PSA total et un examen clinique deux à trois mois après initiation du traitement (chirurgie, radiothérapie, traitement hormonal, etc.), puis à six mois, puis tous les six mois pendant trois ans, puis tous les ans.

→ La réalisation d’une densitométrie osseuse peut être recommandée chez les patients susceptibles de recevoir une hormonothérapie de longue durée.

Physiopathologie de la prostate

→ La prostate est traversée par la partie initiale de l’urètre, à la sortie de la vessie. Elle participe, avec les vésicules séminales, à la production du liquide séminal entrant dans la composition du sperme.

Les spermatozoïdes sont produits par les testicules. La prostate n’est pas indispensable à l’érection mais les nerfs érecteurs passant à sa surface le sont.

→ La prostate est entourée d’une capsule qui l’isole des tissus avoisinants. Elle comporte une zone centrale qui forme sa base, une zone de transition, située autour de l’urètre, et qui s’hypertrophie plus ou moins avec l’âge (formation d’une hyperplasie bénigne de la prostate – HBP – ou adénome de la prostate), et une zone périphérique où se développe fréquemment (mais pas exclusivement) le cancer. Cette zone périphérique est proche du rectum, ce qui explique que la tumeur soit facilement détectable au toucher rectal, mais aussi qu’elle ne devienne symptomatique que tardivement.

Régulation de l’axe gonadotrope

→ La sécrétion de testostérone par les testicules est sous le contrôle hypothalamo-hypophysaire : l’hormone de libération de la lutéinostimuline (la LH-RH ou GnRH) sécrétée par l’hypothalamus induit la sécrétion de l’hormone de stimulation folliculaire (FSH) et de l’hormone lutéinisante (LH) par l’hypophyse, ces dernières stimulant la synthèse de testostérone et de spermatozoïdes. La testostérone module sa propre sécrétion en exerçant un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. En parallèle, les glandes surrénales sécrètent une petite quantité d’androgènes.

Les stades de développement du cancer prostatique

→ Au stade T1 (classification cTNM), la tumeur, petite, est non palpable et non visible à l’imagerie.

→ Au stade T2, la tumeur est toujours limitée à la prostate, mais palpable ou visible en imagerie.

→ Au stade T3, la tumeur se propage et franchit la capsule, voire atteint les vésicules séminales.

→ Au stade T4, il existe un envahissement des organes adjacents (vessie, rectum…) et parfois des métastases (principalement au niveau des os).

Point de vue…

« Le dépistage a pour but d’identifier les formes agressives »

Pr Alexandre de la Taille, service d’urologie de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil

« Il est difficile de prédire l’évolution d’un cancer de la prostate, surtout pour les cancers localisés, diagnostiqués sur de faibles élévations du taux de PSA. Diagnostiquer ce cancer ne signifie pas obligatoirement mettre en route un traitement. Le dépistage a pour but d’identifier les formes agressives liées à des PSA très élevés ou à cancer de score de Gleason élevé (haut risque). Ainsi, l’Afu* recommande un toucher rectal annuel et un dosage annuel du PSA à partir de 55 ans et dès 45 ans chez les hommes présentant des facteurs de risque (hérédité, origine ethnique). Ce dépistage concerne les patients dont l’espérance de vie est d’au moins dix ans, sans facteurs de comorbidité associés. Si la valeur du PSA initiale est très basse, inférieure à 1 ng/ml, le risque de développer un cancer agressif est très faible et les dosages peuvent être espacés tous les deux ans, voire arrêtés. »

* Afu : Association française d’urologie.

Question de patient

Faut-il être à jeun pour doser le PSA ?

La prise de sang pour doser le PSA ne nécessite pas d’être à jeun, mais elle doit être réalisée au moins trois jours après le toucher rectal. En effet, cet examen peut entraîner une hausse artificielle du taux de PSA et induire de fausses interprétations.

Point de vue…

Surveillance active ou abstention-surveillance ?

Pr Alexandre de la Taille, service d’urologie de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil

« L’abstention-surveillance ou watchfull waiting s’adresse aux patients ayant un cancer latent ou une tumeur localisée non agressive et dont l’espérance de vie est inférieure à dix ans. Un traitement à visée palliative n’est proposé que chez les patients devenant symptomatiques. La surveillance active s’adresse aux patients atteints d’un cancer localisé à faible risque. Elle implique une surveillance étroite pour pouvoir si nécessaire traiter à temps : dosage du PSA tous les trois à six mois, toucher rectal tous les six à douze mois, biopsie prostatique tous les douze à dix-huit mois. En pratique, cette démarche génère beaucoup de stress et d’anxiété. Il faut expliquer au patient que, si elle lui est proposée, c’est que son cancer est à faible risque. Un traitement ne sera peut-être pas nécessaire, ce qui évite de nombreux effets indésirables. »

Point de vue…

L’hormonothérapie intermittente, efficace et avantageuse ?

Pr Alexandre de la Taille, service d’urologie de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil

« L’hormonothérapie intermittente est actuellement de plus en plus proposée. Elle consiste à interrompre la suppression androgénique après quelques mois de traitement (uniquement en cas de bonne réponse au traitement) et à ne la reprendre qu’en cas de progression tumorale ou d’élévation du taux de PSA. Des études ont montré que l’hormonothérapie intermittente est aussi efficace qu’une hormonothérapie continue avec l’avantage de diminuer les effets indésirables du traitement sur les os, les bouffées de chaleur et les troubles de l’érection, d’où une amélioration de la qualité de vie du patient. »