EXPÉRIMENTATION > Depuis fin février se tiennent des groupes de travail dans cinq territoires : le projet Paerpa est enfin lancé. Les professionnels de santé libéraux doivent se coordonner autour des personnes âgées de 75 ans et plus en perte d’autonomie.
Paerpa est un enjeu extraordinaire pour les infirmières libérales, il faut y aller ! Sinon, les infirmières salariées prendront notre place », prévient Annick Touba, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), par ailleurs présidente de l’URPS (Union régionale des professionnels de santé)-infirmiers Pays de la Loire, région expérimentant le dispositif.
Dans cinq premiers territoires (lire en encadré), le compte-à-rebours est lancé. Depuis la fin du mois de février s’y sont tenus les premiers groupes de travail pour identifier les pistes d’action, qui devaient être arrêtées fin mars. Et en avril seront signées les conventions de partenariat avec les professionnels de santé. La mise en œuvre opérationnelle est prévue en juin.
Au cœur de Paerpa se trouve le couple médecin traitant-infirmière, “coordination clinique de proximité” éventuellement élargie au pharmacien ou au kinésithérapeute. Lorsqu’une personne âgée en risque de perte d’autonomie est repérée, cette équipe rédige un Plan personnalisé de santé (PPS). L’objectif est de favoriser le maintien à domicile en travaillant sur la dépression, la dénutrition, les chutes, la iatrogénie médicamenteuse.
Le deuxième niveau d’action vise à faciliter l’information des usagers comme des professionnels de santé. Chaque territoire met sur pied une “coordination territoriale d’appui”, chargée d’orienter les professionnels de santé et les familles dans l’offre sanitaire et sociale du territoire. Le troisième niveau est la gestion des transitions ville-hôpital-Ehpad, pour éviter les hospitalisations des personnes âgées et les réhospitalisations.
Annick Touba en est convaincue : « Nous sommes les mieux à même d’organiser cette coordination. Nous sommes à la frontière du médical et du social, en contact avec de multiples acteurs. Nous sommes les seules à être présentes au domicile du patient, et les personnes âgées représentent 60 % de notre patientèle. Le médecin, lui, a autre chose à faire. »
Défendant ce rôle central de l’Idel, la responsable syndicale conteste la répartition de la rémunération prévue pour Paerpa : 100 euros par personne âgée incluse dans le dispositif, dont 60 euros pour le médecin et 40 euros pour l’infirmière ; si la coordination est un trio, le médecin reçoit 40 euros par patient, l’infirmière 30 euros, le pharmacien ou le kinésithérapeute 30 euros également.
Dans le Centre, l’infirmier libéral Jérôme Faichaud, qui représente l’URPS sur le projet Paerpa, a lui aussi bien compris que « l’infirmier libéral va jouer un rôle important ». Mais en l’état actuel des discussions au niveau local, il juge Paerpa encore « très théorique, je suis curieux de voir la mise en œuvre pratique : quand est-ce que la personne âgée doit intégrer Paerpa ? Qui va rédiger le PPS ? Mais l’idée est bonne. C’est ce qui devrait exister depuis longtemps ». Dans les Pays de la Loire comme dans le Centre, ce travail de coordination pluriprofessionnel autour de la personne âgée va de soi : les territoires qui expérimentent Paerpa comptent de nombreuses maisons de santé pluridisciplinaires. En Indre-et-Loire, par exemple, « la coordination existe, cahin-caha, elle fonctionne avec le téléphone arabe, car, sur notre territoire, les professionnels de santé ont appris à se connaître, reconnaissent les compétences de chacun. Par exemple, les médecins se rendent bien compte qu’on est présent sept jours sur sept, 24?heures sur 24, auprès des personnes âgées ».
À Paris, au contraire, Paerpa part de presque rien : « Il y a beaucoup d’acteurs, sur un territoire très dense. L’ARS a l’habitude de discuter avec des institutions hospitalières ou médico-sociales. Il est plus difficile pour nous de mobiliser les libéraux, qui sont éparpillés, qui ont des organisations, des méthodes de travail différentes », souligne Alexandre Farnault, responsable du pôle innovation de l’ARS Île-de-France. Pascal Lambert, infirmier libéral membre de l’URPS, confirme : « L’hôpital a une telle importance qu’il avance sans se préoccuper des acteurs libéraux. Pourtant, ce sont nous, les infirmiers libéraux, qui voyons le plus de gens à leur domicile. » Une avancée cruciale serait selon lui de « créer une plateforme qui nous assure un accès facilité à l’hôpital ». À travers Paerpa, il espère aussi une reconnaissance du « rôle propre de l’infirmier. Puisqu’il faut éviter autant que possible le passage par les urgences des personnes âgées en perte d’autonomie, pourquoi ne pas nous permettre d’enclencher une démarche de soin, par exemple de prescrire des bilans de déshydratation ? »
Paerpa n’est pas une expérimentation que les professionnels de santé sont libres, ou non, d’intégrer : « Nous voulons emmener tout le monde, insiste Dominique Libault, président du comité de pilotage Paerpa. C’est une tentative de déployer grandeur nature un modèle de parcours de soins. Intégrer ces parcours est un droit pour toutes les personnes âgées en perte d’autonomie. » Paerpa est destiné à être répliqué sur l’ensemble du territoire, et pour d’autres pathologies.
À une condition cependant : le projet doit faire la preuve de sa capacité à limiter les hospitalisations inutiles des personnes âgées. Les pouvoirs publics sont prêts à investir dans cette organisation du premier recours à la condition qu’elle permette de maîtriser les dépenses de santé.
Après plusieurs mois de préfiguration, le projet Paerpa (pour “Parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie”) est bien lancé. Issu de l’article 48 de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2013, il vise à mettre en place une coordination entre les acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux autour des plus de 75 ans en risque de perte d’autonomie. Cinq Agences régionales de santé (ARS) ont été retenues pour une première vague d’expérimentations (Centre, Île-de-France, Lorraine, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire), quatre autres, pour une mise en œuvre opérationnelle d’ici fin 2014, dans une seconde vague (Aquitaine, Bourgogne, Limousin, Nord-Pas-de-Calais). Chacune a choisi un territoire où déployer le projet : le sud de l’Indre-et-Loire, autour de la ville de Loche – à peu près à la circonscription de Marisol Touraine (Centre) –, trois arrondissements du nord-est de Paris (Île-de-France), les Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), la Mayenne (Pays de la Loire), le Valenciennois- Quercitain (Nord-Pas-de-Calais)… Les ARS disposent chacune d’un budget de quatre millions d’euros pour mener ces expérimentations, d’une durée de trois ans.