Cahier de formation
Savoir faire
La fille de M. G, 78 ans, qui vit seul depuis qu’il a perdu sa femme, vous dit qu’il est somnolent depuis quelques jours. En plus, il a perdu l’appétit et mange peu. Il prend du Lexomil depuis quelques semaines, mais jusqu’alors il semblait bien le supporter. Elle hésite à appeler le médecin et vous demande votre avis.
Une consultation médicale est justifiée. Vous lui demandez s’il a augmenté sa dose de Lexomil. Vous lui proposez de mesurer son poids car un éventuel état de dénutrition pourrait interférer avec la prise de Lexomil. Si vous remarquez une diminution de son poids, c’est l’occasion de lui poser quelques questions sur son alimentation et les difficultés qu’il rencontre à ce sujet. Vous signalez alors la perte de poids au médecin qui fera aussi le point sur la consommation de Lexomil de M. G. Car il n’est pas impossible qu’il prenne du Lexomil en plus de la prescription.
La dénutrition chez les personnes âgées est fréquente et sous-estimée (lire notre cahier de formation “La dénutrition de la personne âgée” dans notre n° 288 de janvier 2013). Or une hypoprotidémie liée à une dénutrition peut interférer avec l’action des médicaments.
Une fois dans la circulation sanguine, les médicaments se distribuent dans l’organisme. Les protéines plasmatiques jouent un rôle très important dans le transport des médicaments (distribution). Les molécules médicamenteuses se lient aux protéines plasmatiques ou restent sous forme de molécules libres dans le plasma. En principe, seules les molécules libres sont actives. Les autres se lient à différentes protéines plasmatiques, surtout à l’albumine et à l’alpha-1-glycoprotéine acide, l’albumine étant la plus importante quantitativement. Le vieillissement physiologique n’affecte pas significativement par lui-même le taux d’albumine sérique, mais les états de dénutrition doivent être dépistés.
Chez les patients dénutris, une hypoprotidémie expose à une augmentation de la proportion de molécules libres et donc à un risque potentiel de surdosage des médicaments fortement fixés aux protéines plasmatiques (antivitamine K, aspirine et AINS, sulfamides, digitaliques, méthotrexate, hormones thyroïdiennes…). Les risques de toxicité sont accrus, surtout avec les médicaments à marge thérapeutique étroite (antivitamines K, sulfamides…). Il y a, entre autres, un risque de somnolence avec les benzodiazépines, d’hémorragie avec les antivitamines K, d’anorexie, vertiges, convulsions, brady/tachycardie avec dépakine…
De nombreux médicaments, par leurs effets secondaires, sont susceptibles d’induire une perte de poids :
→ médicaments anorexigènes : cardiovasculaires (digoxine, amiodarone…) ; gastro-intestinaux (cimétidine) ; psychiatriques (phénothiazines, lithium, imipramine, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, dits IRS…) ; la plupart des antibiotiques ; antirhumatismaux (AINS…) ; pulmonaires (théophylline)… ;
→ médicaments entraînant une malabsorption : laxatifs, cholestyramine, méthotrexate, colchicine… ;
→ médicaments augmentant le métabolisme (consommateurs d’énergie) : théophylline, L-thyroxine en excès, triiodothyronine en excès, D-pseudoéphédrine.
À domicile, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande de faire le dépistage de la dénutrition au minimum une fois par an. La perte de poids est le critère le plus révélateur. Elle est évaluée par rapport à une mesure antérieure, à défaut par rapport à un poids habituel déclaré par le patient (un poids mesuré deux à trois ans avant suffit). En présence de facteurs de risque de dénutrition (perte d’autonomie, solitude, état dépressif, problèmes bucco-dentaires…), l’évaluation de l’état nutritionnel doit être plus fréquente. Certaines situations doivent interpeller quel que soit l’âge du patient : les cancers, les pathologies à l’origine d’une mauvaise digestion et/ou d’une malabsorption des nutriments, l’alcoolisme chronique, les pathologies infectieuses et/ou inflammatoires chroniques, ainsi que toutes les situations susceptibles d’entraîner une diminution des apports alimentaires et/ou une augmentation des besoins énergétiques.
De nombreux facteurs individuels peuvent altérer l’adaptation de l’organisme en cas de forte chaleur. Les populations les plus vulnérables sont les personnes âgées, les nourrissons et les enfants, les personnes atteintes d’une pathologie chronique nécessitant un traitement médicamenteux et les personnes dépendantes. L’isolement social est un facteur aggravant.
La canicule se définit comme un niveau de très fortes chaleurs le jour et la nuit, avec une température qui ne descend pas ou très peu, pendant au moins trois jours consécutifs. Dans ces conditions, une personne fragilisée, exposée à une température élevée pendant une période prolongée, n’a pas de période de fraîcheur suffisante pour permettre à l’organisme de récupérer. Ces périodes sont propices à certaines pathologies liées à la chaleur, à l’aggravation de pathologies préexistantes ou à l’hyperthermie.
Il apparaît en quelques jours. Il est dû à l’altération du métabolisme hydrosodé (perte excessive d’eau et de sels), provoquée notamment par la perte sudorale. Les symptômes sont peu spécifiques : céphalées, nausées et vomissements, vertiges, pertes de connaissance, faiblesse musculaire accompagnée de crampes, hypotension, tachycardie et dyspnée.
Il s’agit d’une urgence médicale extrême d’apparition très rapide (une à six heures) et d’évolution fatale s’il n’est pas rapidement pris en charge (en moins de vingt-quatre heures). Résultat d’une défaillance aiguë de la thermorégulation, le coup de chaleur associe une hyperthermie majeure et brutale (supérieure à 40 °C) à des troubles neurologiques graves (délire, hallucinations, convulsions, coma). Ces symptômes peuvent être associés à une hyperventilation, une tachycardie et une hypotension artérielle. En cas de fièvre, le paracétamol est à éviter car il n’est pas efficace pour traiter le coup de chaleur et il peut aggraver l’atteinte hépatique souvent présente.
Les médicaments les plus souvent impliqués
Certains médicaments sont susceptibles d’aggraver un syndrome d’épuisement-déshydratation ou un coup de chaleur en provoquant des troubles de l’hydratation et/ou troubles électrolytiques : les diurétiques, en particulier les diurétiques de l’anse (furosémide) et les traitements au long cours de diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide : Esidrex ; indapamide : Fludex) et de diurétiques distaux (spironolactone : Aldactone ; canrenoate de potassium : Soludactone ; amiloride : Modamide ; triamtérène : Cycloteriam). En cas de prescription de diurétiques, les apports hydriques et sodés doivent être vérifiés.
Exemples : les AINS et les salicylés (aspirine) supérieurs à 500 mg par jour sont particulièrement néphrotoxiques en cas de déshydratation, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les sulfamides, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine…
Exemples de médicaments qui peuvent empêcher la perte calorique : neuroleptiques, médicaments sérotoninergiques (antidépresseurs imipraminiques, IRS…), médicaments à propriétés atropiniques (antidépresseurs imipraminiques, certains antihistaminiques et antiparkinsoniens…), néfopam, scopolamine, bêtabloquants, etc.
Médicaments pouvant induire une hyperthermie dans des conditions normales de température ou en cas de vague de chaleur :
→ syndrome malin des neuroleptiques : peut survenir avec tous les neuroleptiques ou après un arrêt brutal d’antiparkinsoniens (L-Dopa…) ;
→ syndrome sérotoninergique avec les agonistes sérotoninergiques et assimilés : antidépresseurs IRS et autres antidépresseurs (imipraminiques, inhibiteurs des monoamines oxydases, venlafaxine…), lithium, triptans, linézolide, buspirone et médicaments opioïdes (dextrométhorphane, oxycodone, tramadol, etc.).
Certains médicaments ont une pharmacocinétique susceptible d’être affectée par la déshydratation, avec une modification de leur distribution ou de leur élimination. Exemples : sels de lithium, anti-arythmiques, digoxine, anti-épileptiques, certains hypoglycémiants oraux (biguanides et sulfamides hypoglycémiants), hypocholestérolémiants (statines et fibrates).
Les mesures préventives les plus importantes et les plus immédiates à prendre reposent sur la surveillance clinique et biologique de l’état général du patient et des mesures hygiéno-diététiques, notamment le rafraîchissement, l’aération, sans oublier l’hydratation.
L’adaptation d’un traitement médicamenteux en cours doit être considérée au cas par cas. Il n’est pas justifié d’envisager systématiquement une diminution ou un arrêt des médicaments pouvant interagir avec la chaleur. Avant de prendre une décision thérapeutique, l’ANSM recommande de procéder à une évaluation complète de l’état d’hydratation : clinique, apports hydriques, poids, fréquence cardiaque, tension artérielle, bilan ionogramme complet avec créatininémie et clairance de la créatinine. Dans des conditions de fortes chaleurs, l’infirmière doit rappeler au patient de ne prendre aucun médicament sans avis médical, y compris les médicaments délivrés sans ordonnance.
Les conditions de conservation figurent sur le conditionnement des médicaments.
En cas de fortes chaleurs : Úles médicaments à conserver entre + 2 et + 8 °C sont utilisés assez rapidement une fois qu’ils sont sortis du réfrigérateur ;
→ les médicaments à conserver à une température inférieure à 25 ou à 30 °C : le dépassement de ces températures pendant quelques jours à quelques semaines n’a pas de conséquence sur la stabilité ou la qualité de ces médicaments, qui sont testés pendant plusieurs semaines à une température constante de 40 °C ;
→ les médicaments sans mention particulière sont conservés à température ambiante et ne craignent pas une exposition à une vague de chaleur ;
→ les formes pharmaceutiques sensibles à la chaleur (suppositoires, ovules, crèmes, etc.) : l’aspect à l’ouverture permet de juger de la qualité du produit après exposition à la chaleur. Tout produit dont l’apparence extérieure est visiblement modifiée ne devrait pas être utilisé (possible modification des propriétés de la forme pharmaceutique).
* Le “Bon usage des médicaments en cas de vague de chaleur”, ANSM, juin 2013, donne une liste de médicaments qui peuvent poser problème en situation de fortes chaleurs (sur ansm.sante.fr).
→ AIS 4 pour une séance hebdomadaire de surveillance clinique infirmière et de prévention, par séance d’une demi-heure. Cet acte ne peut être coté qu’une fois par semaine. La cotation des séances de surveillance clinique infirmière et de prévention est subordonnée à l’élaboration préalable de la démarche de soins infirmiers.
→ Dans le cadre d’un AIS, la prise de poids et sa transcription font partie du temps d’AIS.
Qu’est-ce que la pharmacodynamie d’un médicament ?
La pharmacodynamie décrit ce que le médicament fait à l’organisme : c’est l’étude détaillée de la façon dont les médicaments agissent. À la différence de la pharmacocinétique qui se rapporte à ce que l’organisme fait au médicament : comment le corps absorbe, distribue, métabolise et excrète les médicaments. C’est l’interaction entre ces différentes propriétés qui détermine le niveau d’activité du médicament.
Christine Dumesnil, infirmière libérale à Toulouse (Haute-Garonne)
« Pour favoriser une bonne observance du traitement, un temps d’éducation du patient est nécessaire. Le patient doit avoir bien compris l’intérêt du traitement et ses modalités dès le départ. Malgré cela, par la suite, certaines circonstances peuvent perturber le patient et obliger l’infirmière à reprendre du temps pour reparler du traitement. Ce rôle d’éducation et de prévention dans le cadre d’une prise en charge globale, plus intéressant que la simple prise du médicament, n’est pas assez pris en compte par la nomenclature. L’infirmière libérale profite alors du temps imparti à un autre soin pour revoir la question du traitement. »