L'infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014

 

Gynécologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

NATHALIE BELIN  

L’endométriose est une maladie invalidante à l’origine de douleurs et parfois d’une infertilité. Elle est diagnostiquée aujourd’hui avec un retard moyen de neuf ans. Or une prise en charge précoce limite son évolution.

Pathologie

→ L’endométriose se définit par la présence de tissu endométrial (muqueuse tapissant la cavité utérine) en dehors de la cavité utérine. Comme l’endomètre, ces foyers de muqueuse utérine sont sous influence hormonale : ils saignent et provoquent une réaction inflammatoire locale à chaque épisode de règles.

→ La prévalence de la maladie est probablement sous-estimée. On estime qu’elle atteint plus d’une femme sur dix.

→ Son origine, multifactorielle, est imparfaitement connue. Outre une prédisposition familiale et génétique, des facteurs immunitaires et environnementaux peuvent entrer en jeu.

→ L’adénomyose est une “forme particulière” d’endométriose. Elle correspond à la présence de tissu endométriosique à l’intérieur même du muscle utérin (ou myomètre). Elle apparaît plutôt après 30 ans et peut être associée à une endométriose.

Signes cliniques

→ Les lésions endométriosiques sont superficielles (trompes, ovaire, ligaments utéro-sacrés…) et/ou profondes, infiltrant en profondeur le péritoine ou la paroi des organes (rectum, vessie, vagin, etc.). Si des localisations cutanées, pulmonaires ou diaphragmatiques sont parfois observées, des localisations cérébrales peuvent être remarquées de façon exceptionnelle.

→ Il existe des formes asymptomatiques, découvertes de manière fortuite.

Les douleurs

→ L’endométriose est à l’origine de douleurs pelviennes chroniques, d’une dyspareunie profonde (douleur au fond du vagin durant les rapports sexuels) et de dysménorrhées (règles douloureuses). Les dysménorrhées surviennent dès les premières menstruations chez l’adolescente et vont souvent en s’aggravant. Une dysurie, des douleurs lors de la défécation ou des troubles du transit peuvent ainsi être présents selon la localisation des lésions (vessie, rectum, intestin).

→ Ces douleurs sont à l’origine d’une fatigue et peuvent altérer la qualité de vie.

L’infertilité

Un tiers des femmes consultant pour infertilité ont des lésions d’endométriose. Le fonctionnement de l’ovaire peut être entravé par des kystes ovariens (endométriomes). Les lésions endométriales ou les adhérences modifient les rapports entre le pavillon, la trompe et l’ovaire, provoquant des anomalies de la fécondation.

Diagnostic

Il est souvent posé avec retard. L’examen clinique peut révéler des signes évocateurs de l’endométriose (nodules, kystes, mise en évidence d’une douleur reproduisant une dyspareunie). Les examens médicaux (échographie pelvienne par voie endovaginale en première intention, IRM, cœlioscopie) doivent être menés par des praticiens spécialisés.

Évolution et complication

→ L’évolution est imprévisible, avec l’alternance de périodes de calme et de phases pendant lesquelles la symptomatologie douloureuse réapparaît.

→ Les complications dépendent de l’évolution de la maladie et de son ancienneté (rupture des kystes endométriosiques, symptomatologie de type colique néphrétique en cas d’atteinte vésicale ou urétérale, occlusions en cas d’atteinte intestinale ou rectale).

→ L’endométriose affecte la femme en période d’activité génitale. Les symptômes s’atténuent lors de la ménopause et de la grossesse mais, après la grossesse, l’endométriose récidive avec la reprise des cycles menstruels. Lors de la ménopause, la maladie peut être réactivée à cause d’un traitement hormonal de substitution.

Suivi

Il se fait tout au long de la vie avec la nécessité d’adapter ou de modifier le traitement hormonal selon le contexte, ou de le stopper durant une courte période en vue d’une grossesse.

Prise en charge

Le traitement, fonction de l’âge, de la gravité des symptômes et du désir d’enfant, est médical et/ou chirurgical. L’objectif est de soulager les douleurs, de limiter l’extension de la maladie et, le cas échéant, de prendre en charge un désir de grossesse.

Les patientes asymptomatiques ne nécessitent aucune prise en charge particulière.

De la douleur

Traitement hormonal

→ Il vise à l’obtention d’une aménorrhée pour faire régresser les lésions et la symptomatologie douloureuse. Ce traitement est forcément contraceptif (même si ce n’est pas forcément le but) et son action n’est que suspensive : œstroprogestatifs en continu de type monophasique (les pilules séquentielles induisent des saignements) et désogestrel (Cerazette), proposés hors AMM en première intension chez la femme jeune, dispositif intra-utérin au lévonorgestrel (Mirena), macroprogestatifs en continu (Luteran, Colprone…) en cas d’échec des traitements précédents.

→ Les agonistes de l’hormone de libération de la lutéinostimuline (Enantone, Décapeptyl, Synarel, Gonapeptyl) qui induisent une castration hormonale sont indiqués en péri-opératoire, pour diminuer l’inflammation des lésions et favoriser la cicatrisation. En raison du risque de perte osseuse, le traitement est limité à six mois (un an pour la leuproréline). Après trois mois, une hormonothérapie de substitution (add-back therapy) est instaurée : elle consiste en l’administration de faibles doses d’œstrogènes pour limiter les effets.

→ Le danazol n’est quasiment plus utilisé du fait de ses effets androgéniques importants.

→ La chirurgie peut être un recours en cas d’échec du traitement médical.

AINS et antalgiques

Souvent peu efficaces, ils sont utilisés pour limiter les douleurs, notamment lorsque l’aménorrhée est difficile à obtenir.

À noter : les stérilets au cuivre augmentent les saignements utérins et aggravent l’endométriose. Ils ne doivent pas être proposés aux patientes ayant une endométriose.

De l’infertilité

Un geste chirurgical ou les techniques d’aide médicale à la procréation, AMP (insémination artificielle, FIV…), sont proposés au cas par cas. Entre les tentatives d’AMP ou après une grossesse, l’obtention d’un état d’aménorrhée est toujours de règle.

Prendre en charge les jeunes femmes dès l’adolescence

Le Dr Isabella Chanavaz-Lacheray, gynécologue au centre hospitalier du Belvédère, à Mont-Saint-Aignan, en Seine-Maritime : « L’endométriose est une maladie chronique qui nécessite une prise en charge à vie. L’aménorrhée ne va pas guérir, mais suspendre l’évolution de la maladie. Et lorsqu’on intervient tôt, on peut éviter une aggravation vers des stades plus sévères. Pour cela, il faut prendre en charge les jeunes femmes dès l’adolescence. Certaines situations doivent alerter, comme les jeunes femmes qui prennent systématiquement un AINS (type Ponstyl) pour des douleurs de règles, ou celles qui ont des malaises au cours de leurs règles. Chez la jeune fille récemment réglée, au-delà de douze à dix-huit mois de règles douloureuses, il faut également se poser la question d’une endométriose. »

En savoir plus

• Endofrance (association française de lutte contre l’endométriose) : www.endofrance.org ; e-mail : contact@endofrance.org

• Ensemble contre l’endométriose : www.ensemblecontrelendometriose.fr