L'infirmière Libérale Magazine n° 303 du 01/05/2014

 

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MATHIEU HAUTEMULLE  

REPRÉSENTATION > Françoise est infirmière libérale, bientôt à l’affiche des salles obscures. Nombre d’Idels s’identifient au personnage. Mais d’autres sont un peu à cran de la voir à l’écran…

Peut-être davantage encore que le débat sur l’avenir de la profession, la discussion qui a suivi la projection en avant-première de dix-huit minutes du film Les Anges anonymes a suscité des désaccords, ou en tout cas de la passion, lors des Journées nationales des infirmiers libéraux (Jnil), début avril à Issy-les- Moulineaux, dans les Hauts-de- Seine. Ce documentaire d’une heure et demie, dont le réalisateur Olivier Ducray a tenu un carnet de tournage dans nos colonnes, est annoncé au cinéma fin 2014. À l’écran, Françoise, Idel lyonnaise de cinquante-huit ans, adepte de la trottinette et du tutoiement, à la gouaille savoureuse et à la proximité réconfortante, qui joue de la flûte de champagne pour fêter avec une patiente la nouvelle année. Une « étoile filante », comme la surnomme l’une de ses patientes. Un “personnage”.

Concentré d’humanité

C’est bien, à la différence d’un reportage, le sens d’un documentaire : narrer le quotidien d’un personnage et, à travers lui, dépeindre un aspect de la vie, ici la solitude des personnes âgées, ces “ombres” de la ville. Un plan l’illustre : quand la caméra s’attarde sur le visage d’une vieille dame laissée seule face à elle-même une fois l’infirmière repartie. Il y a de l’émotion, mais aussi des rires, dans ces premières minutes. Un concentré d’humanité salué par les infirmières dans la salle. « Vous avez montré les patients tels que je les vois », confie l’une d’elles en félicitant Olivier Ducray.

Mais le port de bijoux pendant certains soins, la familiarité ou le fait que l’infirmière dispose des clés de certains malades ne manquent pas de faire réagir. Une participante aux Jnil se présentant comme une responsable de l’Ordre dans le Val-de-Marne craint même que ces images ne desservent la profession. « Entre nous, OK. Mais il faut voir comment ce sera vu à l’extérieur. J’espère que les instances ne regarderont pas ce film. » Aurait-il fallu que soit juste mis en scène un respect strict des protocoles ? C’eût été « un film institutionnel, rétorque Olivier Ducray. Vous pouvez en commander un, je peux vous en faire un… Le grand public se moque de savoir si Françoise respecte tous les codes. Ce qu’il voit, c’est qu’elle est un maillon essentiel de la chaîne ».

Ambitions inconciliables

Toutes les autres réactions soutiennent Olivier Ducray et son “personnage”, atypique peut-être, mais assez fiable pour que des patients lui confient leurs clés… « Moi, faute d’eau chaude, je fais des toilettes avec une bouilloire, indique un infirmier. Je voudrais que les cadres représentatifs dans toute la France s’en rendent compte. » « Je me reconnais dans ce film, poursuit un autre, taclant : avant d’être représentant ordinal, on est infirmier. On comprend pourquoi la profession a du mal à se fédérer… » « Il faut arrêter de tout politiser ! », conclut une autre.

Faire état d’une certaine réalité, ou bien montrer le visage d’une infirmière parfaite ? Les deux ambitions ont leur légitimité, mais sont sans doute inconciliables dans un même film.

Les échos des Jnil

Fer à domicile

Au cours du débat sur l’avenir de la profession qui a conclu les Journées nationales des infirmiers libéraux (Jnil) début avril, Philippe Tisserand a indiqué que la FNI préparait un courrier à la ministre car « on ne peut plus injecter de fer en libéral, puisqu’il faudrait un service de réanimation. En HAD, ce sera possible… »

Nutrition parentérale

Pour le projet d’arrêté qui risquerait d’évincer les Idels de la nutrition parentérale (lire notre numéro 302 d’avril), « la concertation continue », a indiqué Michèle Lenoir- Salfati, représentante du ministère. Des difficultés exprimées pour les Idels sont, semble-t-il, remontées jusqu’au ministère.

ETP : 20/80

80 % des 723 programmes d’éducation thérapeutique (ETP) du patient autorisés en Île-de-France sont hospitaliers, alors que 80 % des patients chroniques (à qui est destinée l’ETP) sont suivis en ville. Paradoxe relevé pendant la séance plénière sur l’éducation thérapeutique.

Soins palliatifs

« Des médecins nous demandent de prendre en charge des personnes âgées en fin de vie sans évoquer les soins palliatifs », s’est plainte une Idel lors d’une séance plénière. Le Dr Francis Diez et la cadre de santé Frédérique Lacour ont chacun livré quelques astuces, par exemple demander au médecin une visite en binôme, avec lui, chez le patient ; suivre des formations pluriprofessionnelles en réseau (qui peuvent initier un partenariat entre professions de santé) ; appeler l’hôpital de jour pour faire un point sur la situation du patient : si c’est le médecin de l’hôpital qui “nettoie” l’ordonnance, le généraliste peut mieux l’accepter…