L'infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014

 

INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Actualité

VÉRONIQUE HUNSINGER  

PÉNURIE → Face à la multiplication des ruptures d’approvisionnement de médicaments, industriels et pharmaciens font le point.

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait compté 44 ruptures de stocks de médicaments indispensables en 2008, puis 173 en 2012 et plus de 200 l’an dernier ! Longtemps tabou, le phénomène a été révélé au grand public lors de la pénurie de Levothyrox l’été dernier. Depuis, l’industrie a choisi de lever un bout du voile pour expliquer les causes de ces difficultés d’approvisionnements.

Faisceau de causes

Le LEEM (les entreprises du médicaments) vient ainsi de rendre publique une enquête réalisée l’année dernière auprès de 90 laboratoires qui avaient fait état d’une rupture auprès de l’ANSM. « Il n’y a pas une cause unique de rupture qui en explique l’augmentation mais un faisceau de causes », a expliqué devant la presse Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM. Dans 33 % des cas, il s’agit d’un problème lié à la production. « La production des médicaments est de plus en plus complexe à cause de la diversité des acteurs et la complexité des produits que nous fabriquons », ajoute Christophe Ettwiller, président du groupe distribution du LEEM. La durée de fabrication des produits s’est sensiblement allongée : entre quatre et douze mois selon les médicaments. Quand la demande augmente brusquement sur une molécule, la production ne peut pas suivre immédiatement : 28 % des causes de ruptures sont dues à une augmentation des ventes. Enfin, la troisième principale cause est le défaut d’approvisionnement de matières premières (16 % des cas). En effet, comme toutes les industries, les entreprises pharmaceutiques se sont mondialisées : 60 à 80 % de ses matières premières sont désormais fabriquées hors de l’Union européenne.

Malgré ce sombre tableau, les choses s’améliorent, selon Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. « La typologie des ruptures a changé, souligne-t-il. Sur les molécules les plus sensibles où il n’y a pas ou peu d’alternatives thérapeutiques, il y a moins de ruptures depuis trois ans. Les grossistes ont également fait des efforts pour avoir des stocks tampons et mieux faire remonter l’information. » Les médicaments les plus concernés par les ruptures sont les traitements anti-hormonaux, les anti-infectieux, les anticancéreux et les médicaments du système nerveux central. Cet exercice de transparence des industriels intervient aussi à un moment où le gouvernement s’apprête à prendre des mesures d’économies draconiennes sur le médicament. « Les baisses de prix envisagées sont un élément de fragilisation supplémentaire dans la chaîne d’approvisionnement du médicament », a insisté Philippe Lamoureux.

Le cas Levothyrox

Il est apparu comme l’arbre qui cache la forêt. À l’été 2013, l’approvisionnement en Levothyrox a fait l’objet de fortes tensions. Des difficultés largement médiatisées après qu’une association de patients a tiré la sonnette d’alarme.

« Les officines ont eu, pendant toute la durée de la période de tension, la possibilité d’obtenir un dépannage pour répondre au besoin de leurs patients, même s’il fallait parfois recourir à une combinaison de plusieurs comprimés pour obtenir le dosage habituel et quelques jours de délai », souligne aujourd’hui le fabricant Merck Serono qui avait dû augmenter sa capacité de production pour répondre à une demande en forte hausse.