L'infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014

 

Jean-Paul Moureau, étiopathe et président de l’Institut français d’étiopathie à Paris (75)

La vie des autres

LAURE MARTIN  

Aussi surnommé le « soigneur de stars », Jean-Paul Moureau a été le premier étiopathe à s’installer à Paris il y a un peu moins de quarante ans. Sa clientèle, fidèle, n’a jamais hésité à le défendre contre ses détracteurs qui le considéraient comme un imposteur.

Je suis né en Camargue, et j’ai habité toute mon enfance dans la maison à côté de celle ma grand-tante, rebouteuse de talent, que tout le village venait consulter, raconte Jean-Paul Moureau dans son cabinet parisien. Et comme j’allais souvent chez elle à la sortie de l’école, j’étais quotidiennement confronté à la souffrance, mais aussi à la réparation immédiate par un geste simple. » L’idée de consacrer sa vie à soigner germe bien plus tard dans son esprit, même si chez les scouts, il devait déjà dégainer la trousse à pharmacie en cas de bosses et d’égratignures chez ses petits camarades. « Cela me plaisait bien d’être “l’infirmier” », se souvient ce fils de maréchal-ferrant. Les années passent et le projet mûrit, si bien qu’une fois le baccalauréat obtenu, il s’oriente vers la faculté de médecine de Marseille (Bouches-du-Rhône). Grande déception. « Après deux ans au sein de cette filière, je me suis aperçu que je m’étais fourvoyé. Remplir des QCM, faire de la physique, des statistiques, c’était bien loin de l’idée que je m’étais faite du soin. » Il quitte alors l’université et part voyager, notamment en Suisse, où il rencontre un ancien ami scout. Ce dernier lui raconte ses études au Collège d’étiopathie européen situé à Genève et fondé par le père de l’étiopathie, Christian Trédaniel.

Une pratique manuelle

« Dans les années 1970, en France, il y avait une véritable chasse aux sorcières à l’égard de toutes les disciplines qui ne rentraient pas dans le moule de la médecine conventionnelle », regrette Jean-Paul Moureau, qui a effectué tout son cursus au Collège européen. À l’issue de ses six années d’études, il ouvre son cabinet à Paris et devient le premier étiopathe de Paris intra-muros en 1976.

L’étiopathie a pour ambition de définir l’origine de la souffrance du sujet. Plutôt que de donner des traitements symptomatiques, l’étiopathe remonte à la cause du mal, parfois éloignée, selon lui, du lieu de la souffrance. Après avoir identifié l’origine des lésions, il applique le geste manuel qui est censé l’éradiquer. Il ne s’intéresse donc pas uniquement aux effets du trouble. Parmi les pathologies qui peuvent relever de l’étiopathie, celles qui touchent l’appareil ostéo-articulaire, l’appareil digestif, des problèmes neurologiques (sciatique, névralgie), la stérilité féminine, et pour les enfants, la scoliose ou encore les troubles ORL. « Mais les causes endogènes, en cas de cancer, de maladies génétiques, de pathologies dégénératives, ne sont pas de notre ressort. Quand les mains ne peuvent plus envoyer les signaux, alors l’étiopathe envoie le patient chez un médecin conventionnel. »

Chargé de consultation

Lors de son installation en libéral, les débuts ne sont pas faciles. Un patient le premier mois, puis trois, puis dix. Et, en deux ans, le cabinet se remplit, notamment d’éminentes personnalités reconnaissant les compétences de l’étiopathe qui soigne bien souvent là où d’autres médecines ont échoué. D’ailleurs, le Pr Jean Cauchoix, responsable du service de traumatologie et de chirurgie orthopédique de l’hôpital Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), le sollicite pour venir travailler au sein de son service. « J’avais reçu plusieurs de ses patients et il était surpris des résultats que j’avais obtenus avec certains d’entre eux », souligne Jean-Paul Moureau, qui fut également l’assistant d’André de Sambucy, « précurseur de la médecine manuelle en France ». Il devient donc, parallèlement à sa carrière libérale, chargé de consultation, pendant dix ans. « De nombreux médecins, pharmaciens, infirmiers, venaient me voir, et font encore aujourd’hui partie de ma patientèle. Mais au départ à la retraite du Pr Cauchoix, des responsables de l’hôpital m’ont dit que l’établissement avait, à cause de mes interventions, un très mauvais rendement en chirurgie d’hernie discale et qu’il y avait un manque à gagner. On m’a donc remercié. »

Trois procès

Tout au long de sa carrière, Jean-Paul Moureau est confronté aux attaques de ses détracteurs qui cherchent à le faire passer pour un imposteur. Il doit d’ailleurs faire face à trois procès pour exercice illégal de la médecine, « alors que je ne prétends pas être médecin », se défend-il. Très soutenu, il voit défiler, lors de ses procès, « de grands patrons, des médecins et des professeurs de médecine venus témoigner en ma faveur ». « Si des personnes qui ont accès à une offre illimitée de soins, notamment les nombreuses personnalités [de Nicolas Sarkozy à Alain Delon] que je soigne, viennent me voir depuis si longtemps, c’est qu’ils n’ont pas trouvé mieux pour soulager leurs maux dans le domaine de la pratique manuelle », estime Jean-Paul Moureau, qui a aussi collaboré avec la clinique du Val-d’Or, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Aujourd’hui, il consacre quatre jours par semaine à son activité libérale parisienne. Les trois autres jours, il est en Camargue, dans son Mas de la Pousaraque, où il retrouve sa famille et… sa manade de 150 chevaux.

Il dit de vous !

« Professionnellement, j’ai davantage été amené à côtoyer des infirmières hospitalières, mais j’ai rencontré à plusieurs reprises des infirmières libérales dans le cadre de mon histoire personnelle. Je considère qu’elles sont un lien social et sociétal indispensable car elles ont une disponibilité, une action, une représentation sociale très importante. Et à côté des généralistes, elles représentent la structure basique de la médecine libérale. Nous avons des métiers voisins car nous sommes en contact direct avec les patients, nous les touchons. Je reçois également des infirmières libérales en tant que patientes à mon cabinet : elles sont nombreuses à venir en conséquence d’un burn-out qu’elles subissent face à la demande grandissante des patients. »

LE MÉTIER D’ÉTIOPATHE

Vers quelle reconnaissance ?

La pratique de l’étiopathie a une existence administrative, avec notamment un rattachement au régime social des indépendants et à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse. Mais elle n’a pas encore de reconnaissance “politique”. « Nous sommes en pourparlers avec les pouvoirs publics pour que les étiopathes soient intégrés dans la réflexion menée sur les médecines alternatives et manuelles », rapporte Jean-Paul Moureau, également président de l’Institut français d’étiopathie* qui regroupe tous les étudiants et les étiopathes de France. Quatre facultés – Paris, Lyon, Toulouse et Montpellier – offrent aujourd’hui un enseignement à l’étiopathie à 450 étudiants qui ont vocation à s’installer en libéral après six années d’études.

* www.etiopathie.com