L'infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014

 

CARDIOLOGIE

Actualité

CLAIRE POURPRIX  

DISPOSITIF → Au réseau VISage, un dossier innovant permet un suivi coordonné de l’insuffisance cardiaque. Pour les Idels, le recours à cet outil « réactive des automatismes un peu délaissés ».

Créé en 2003, le réseau de santé Vienne santé gérontologie, VISage, a suivi 795 patients en 2013, dont 46 dans le cadre d’un suivi coordonné de l’insuffisance cardiaque. Ce suivi s’appuie sur un dossier communicant élaboré en 2005, qui permet de faire le lien en ligne entre tous les acteurs qui interviennent auprès des personnes âgées et de leurs aidants : les professionnels de santé d’une part, notamment les cardiologues du centre hospitalier de Vienne, les médecins généralistes, les pharmaciens d’officine et les infirmières libérales, ainsi que les acteurs médico-sociaux, grâce à un conventionnement avec le conseil général de l’Isère depuis 2011.

Rassembler les données

Le dispositif vise une cible bien précise : des personnes âgées, dépendantes, présentant une insuffisance cardiaque sévère et qui ne s’inscrivent pas dans une démarche d’éducation thérapeutique. « Le recours fréquent à l’hospitalisation était l’un de nos critères de départ, mais c’est moins le cas maintenant car les médecins, qui connaissent l’existence de ce suivi, peuvent le demander directement », explique Véronique Curt, cadre de santé du réseau VISage, qui rassemble 282 infirmiers, une centaine de médecins ainsi que 70 spécialistes.

Lors de la présentation de cette démarche au 26e Colloque de soins infirmiers, organisé par l’Association pour la recherche et la formation des infirmiers et des infirmières à Saint-Étienne le 22 mai dernier, deux infirmières libérales, Ghislaine Samouelian et Christelle Côte, ont présenté des exemples de suivi de patients.

Le dossier communicant comprend toutes les données et l’historique du suivi : diagramme de poids, pression artérielle systolique, dyspnée, œdèmes, fréquence cardiaque, ainsi que les indications de traitement. On peut y lire le signalement du médecin traitant, la réponse du cardiologue, le commentaire de l’infirmière libérale…

Réenchanter l’exercice

En cas d’hospitalisation, le dossier est accessible aux établissements sanitaires du secteur. « Nous observons un recours à l’hôpital moins fréquent, un maintien à domicile dans des situations satisfaisantes », constate Véronique Curt. Pour les infirmières libérales, « l’utilisation de ce dossier communicant permet de réactiver des automatismes un peu délaissés. C’est un moyen de réenchanter l’exercice quotidien dans un cadre local, en modifiant les comportements et en améliorant les pratiques ».

Rompre l’isolement

De fait, le partage d’informations et leur traçabilité peut bouleverser les pratiques professionnelles. Cela requiert une confiance partagée. « Le suivi coordonné nécessite un échange de connaissances, une complémentarité des compétences et une coordination des actions dans un objectif commun, souligne Véronique Curt. Cela suppose que les professionnels acceptent de ne pas avoir la maîtrise exclusive : c’est le jeu de l’interdisciplinarité. »

Tout en valorisant la compétence infirmière, cette démarche permet aussi de rompre l’isolement que l’Idel peut connaître en milieu rural. « Il est vrai que j’ai la sensation d’être moins seule grâce au réseau VISage, témoigne Ghislaine Samouelian. J’ai aussi la chance de pouvoir joindre les médecins généralistes très facilement et que le cardiologue soit très réactif. » Point noir : la rémunération dérogatoire pour le temps de partage d’information risque d’être supprimée. Même si l’outil est prisé des professionnels de santé, seront-ils tous prêts à continuer bénévolement ?