L’Autorité de la concurrence s’est récemment prononcée en faveur d’une libéralisation « limitée et encadrée » de la vente des médicaments non remboursés. Une position à laquelle n’adhèrent pas la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et encore moins les pharmaciens d’officine.
La vente des médicaments en dehors des officines laisse-t-elle supposer que les médicaments deviennent des produits de consommation comme les autres ?
Il ne faut pas confondre parapharmacie et médicament. Il n’est pas question de traiter le médicament comme un produit de consommation courante. On parle des OTC [over the counter] des médicaments en vente libre, “devant le comptoir” en officine, qui seront vendus en grande surface dans un “corner” délimité, en présence d’un pharmacien diplômé, avec un point d’encaissement séparé. On ne veut pas être dans un modèle à l’américaine mais dans un modèle encadré, comme l’a défini l’Autorité de la concurrence. Le point de vente séparé est un garde-fou supplémentaire pour montrer qu’on n’achète pas les médicaments comme les autres produits de consommation.
Instaurer une concurrence dans un secteur où les prix des médicaments varient entre les pharmacies est-il avantageux pour les “consommateurs” ?
Oui, et c’est tout l’objet de l’avis de l’Autorité de la concurrence et de l’enquête de l’association de consommateurs UFC-Que choisir. Il y a des écarts allant de 1 à 4, voire de 1 à 5, entre les pharmacies, sur les prix des médicaments. De tels écarts ne sont pas concevables dans la grande distribution. On estime aujourd’hui que les médicaments pourraient être vendus 15 à 20 % moins cher, notamment pour des raisons de logistique puisque nous n’aurions pas d’intermédiaires, et, contrairement aux pharmacies, le médicament ne serait pas le seul produit vendu. S’il n’y a plus le monopole des officines, les prix vont baisser.
Comment dispenser des conseils aux patients si les médicaments ne sont plus vendus en pharmacie ?
Nous aurons aussi des pharmaciens dans nos “corners”, donc les conseils seront les mêmes. Ces pharmaciens seront diplômés et soumis à un code de déontologie. En Italie, où la vente de médicaments est libéralisée, l’expérience a démontré qu’il n’y a pas plus de surconsommation de médicaments, ni plus d’automédication. En revanche, on a pu constater que les prix se sont alignés au sein des officines. Maintenant, nous attendons la mise en œuvre par le gouvernement.
La vente des médicaments en dehors des officines laisse-t-elle supposer que les médicaments deviennent des produits de consommation comme les autres ?
Les médicaments ne peuvent être vendus que dans les officines ou sur les sites Internet des officines françaises, qui sont sécurisés par la présence d’un pharmacien derrière l’écran et par une procédure d’interrogation auprès du patient acheteur. Avec l’éventualité d’une vente des médicaments dans la grande distribution, on touche du doigt le risque de banaliser le médicament, ce qui peut entraîner un risque de santé publique, car la déviance et la dérive sont possibles si les consignes de prescription ne sont pas respectées.
Instaurer une concurrence dans un secteur où les prix des médicaments varient entre les pharmacies est-il avantageux pour les “consommateurs” ?
La concurrence entre les officines est saine et nécessaire, d’ailleurs, la vente en ligne de médicaments a fait apparaître une plus grande transparence. En revanche, nous sommes fermement opposés à la vente des médicaments en grande surface. Cela fait vingt ans que notre marché intéresse la grande distribution, qui joue sur une politique tarifaire attractive pour prouver que la lutte est légitime. Toutefois, il faut savoir que la consommation moyenne d’OTC par an est de 36 à 38 euros par personne, sur des produits qui sont largement en-dessous de 5 euros. Il faut donc relativiser le message que fait passer la grande distribution en prétendant améliorer le pouvoir d’achat des Français, car la baisse ne sera pas aussi significative qu’elle l’annonce. Elle a un intérêt d’image et non pas un intérêt économique. Son objectif est de créer un “corner” avec des produits nobles.
Comment dispenser des conseils aux patients si les médicaments ne sont plus vendus en pharmacie ?
Le conseil est global. Il doit être dispensé à un patient par rapport à son environnement, à sa prise d’autres médicaments, car il peut y avoir des contre-indications. Le conseil ne porte pas sur la pertinence du produit, mais sur une bonne adaptation du produit au patient. Dans les officines, nous avons une vision transverse car, généralement, les patients sont clients chez nous et nous avons accès à leur dossier pharmaceutique. Dans un “corner”, comment dispenser un bon conseil quand on ne dispose pas de toutes les informations relatives au patient ?