L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Tout professionnel de santé confronté à la prise en charge d’un patient insuffisant cardiaque contribue à informer ce dernier et son entourage sur cette pathologie et son traitement. L’infirmière libérale est une intervenante particulièrement bien placée pour accompagner l’insuffisant cardiaque et surveiller le traitement.

M. B., 65 ans, a été récemment diagnostiqué insuffisant cardiaque. Il est aujourd’hui à votre cabinet pour se faire vacciner contre la grippe et vous confie qu’il est souvent obligé de se lever la nuit pour aller aux toilettes. Que faire contre cela ?

Vous prenez le temps d’expliquer à ce patient l’origine de ses symptômes : le liquide accumulé dans les jambes peut, sous l’effet de la position allongée, remonter vers les reins, expliquant un besoin d’uriner la nuit. Vous lui donnez également certains conseils pour limiter les levers nocturnes, comme prendre le diurétique de préférence le matin, bien vider sa vessie avant de se coucher et limiter la quantité de boissons le soir.

INFORMER SUR LA PATHOLOGIE

→ Après les avoir évaluées, l’infirmière peut compléter les connaissances du patient sur sa pathologie en lui disant que l’insuffisance cardiaque est, certes, une maladie chronique dont on ne peut pas guérir, mais qu’elle peut être stabilisée si les traitements et les règles hygiéno-diététiques sont correctement observés. Savoir expliquer au patient en quelques mots simples ce qu’est l’insuffisance cardiaque permet à ce dernier de mieux comprendre ses symptômes et les bénéfices attendus des traitements.

→ Apprendre au patient et à son entourage à connaître les signes d’aggravation de la pathologie devant amener à une consultation médicale impérative et rapide : prise de poids supérieure à deux kilos en quelques jours, apparition ou aggravation d’œdèmes des membres inférieurs, majoration de l’essoufflement, apparition d’une dyspnée de décubitus avec nécessité de dormir assis ou de superposer plusieurs oreillers.

→ Encourager la vaccination antigrippale (tous les ans) et antipneumococcique (tous les cinq ans), les infections respiratoires étant des facteurs de risque de décompensation.

INFORMER SUR LES TRAITEMENTS

Importance de l’observance

→ Encourager une bonne observance en rappelant au patient que le traitement permet de réduire les symptômes et de prévenir les épisodes de décompensation.

→ Le patient doit prendre son traitement quotidiennement et respecter des horaires d’administration réguliers afin d’éviter les oublis. Il peut être utile de réaliser un tableau pour mieux gérer le plan de prise. En cas d’oubli, les médicaments doivent être pris le plus tôt possible après constatation de l’oubli. La littérature scientifique n’évoque pas de délai de rattrapage précis, mais il est important de rattraper l’oubli, même si cela amène à prendre le soir un médicament qui aurait dû être pris le matin. Mais il ne faut pas doubler les doses suivantes.

→ Pour améliorer l’observance, il peut être utile que l’infirmière libérale réexplique au patient (qui peut s’inquiéter des frais liés aux traitements) que l’ensemble des soins et des traitements de l’insuffisance cardiaque est pris en charge à 100 % dans le cadre d’une affection longue durée.

Gestion des effets indésirables

→ Éduquer le patient à signaler au médecin les effets indésirables (toux sèche, impuissance…) car ils peuvent justifier le remplacement par un autre médicament (lire l’encadré page de gauche). Un patient ne doit jamais interrompre son traitement sans avis du médecin.

→ La fatigue sous bêtabloquant se manifeste surtout en début de traitement puis cela s’améliore.

→ Conseiller au patient de se lever en deux temps peut être utile pour prévenir les manifestations d’hypotension orthostatique.

→ Apprendre au patient et à son entourage à reconnaître les signes d’une intoxication digitalique : anorexie, vomissements, diarrhées, vision colorée en jaune.

Automédication

Certains médicaments disponibles sans ordonnance ne doivent pas être utilisés en automédication chez l’insuffisant cardiaque, en particulier :

→ l’ibuprofène (interaction avec les diurétiques, IEC et ARA II, avec un risque d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle et risque éventuel de décompensation) ;

→ les laxatifs stimulants (Dulcolax, Senokot…), y compris sous forme de tisane (sené, cascara, bourdaine), qui sont hypokaliémiants et peuvent déséquilibrer une kaliémie et potentialiser les effets toxiques de la digoxine ;

→ les formes galéniques effervescentes riches en sodium.

PROMOUVOIR DES MESURES HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES

→ Conseiller une restriction sodée modérée : la consommation de sel doit être inférieure à 6 grammes en 24 heures. Le patient doit éviter la consommation d’aliments particulièrement riches en sel comme la charcuterie, les fruits de mer, les biscuits apéritifs, les plats cuisinés, les soupes de commerce, les conserves et les fromages. Apprendre au patient et à son conjoint à cuisiner sans sel et ne pas saler les plats avec une salière de table. Une alimentation cuisinée sans sel apporte déjà naturellement 2 grammes de sel par jour (lire l’encadré ci-contre).

→ Le cas échéant, l’arrêt du tabac est impératif et une réduction pondérale est à encourager chez le patient obèse.

→ Réduire la consommation d’alcool à un ou deux verres de vin par jour, voire proscrire toute consommation d’alcool en cas d’insuffisance cardiaque d’origine éthylique.

→ Encourager une activité physique adaptée à l’état du patient, à son âge et à ses comorbidités. C’est un pilier indispensable à la prise en charge, permettant de diminuer la fatigue et l’essoufflement et d’améliorer l’activité sociale. Il peut s’agir par exemple de marcher quotidiennement une demi-heure. Un sport d’endurance comme le vélo ou la natation est à conseiller, avec avis du cardiologue. Éviter la pratique d’exercices physiques après un repas copieux ou en plein air s’il fait trop chaud ou trop froid.

Insuffisance cardiaque et toux

La survenue d’une toux chez un insuffisant cardiaque doit nécessairement mener à une consultation médicale. En effet, elle peut être le signe d’une infection respiratoire, qui est un facteur de risque d’aggravation, ou être d’origine iatrogène et nécessiter le remplacement de l’IEC par un ARA II, ou encore être un signe de décompensation de la pathologie.

Repères pour une alimentation moins salée

L’insuffisant cardiaque ne doit pas consommer plus de 6 grammes de sel par jour. Voici des équivalences utiles pour le patient.

1 g de sel = 1 pincée de sel

= 80 grammes de pain (environ un tiers de baguette)

= 1 croissant

= 100 grammes de biscuits ou de brioche

= 40 grammes de fromage

= 1 tranche de jambon

= 50 grammes de pâté ou de saucisse

= 20 grammes de saucisson

Point de vue

« Encourager les patients à changer leurs habitudes »

Aurélie Grougi, infirmière en Service de soins infirmiers à domicile à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine)

« Le régime hyposodé est une frustration pour les patients. Il est contraignant et difficile à suivre car l’absence de sel modifie le goût des aliments. Certains patients nous confient leurs écarts alimentaires (fromage, charcuterie, pain, viennoiserie…) en les banalisant : « Il faut bien mourir de quelque chose. » D’autres restent évasifs sur le sujet, mais on se rend compte des écarts par le biais de notre surveillance journalière et de notre regard affûté. Majoration des œdèmes des membres inférieurs, aggravation d’une hypertension artérielle et prise de poids les trahissent. Comme ce régime est particulièrement difficile à suivre sur la durée, l’infirmière joue un rôle majeur dans le conseil au patient et à sa famille. Il faut encourager les patients à modifier leurs habitudes de vie en leur donnant des exemples concrets et les inciter à consulter une diététicienne. »