Cahier de formation
Mme C. profite d’une visite à votre cabinet pour s’épancher : son époux insuffisant cardiaque a été hospitalisé à la suite d’un œdème aigu du poumon. Son médecin a recommandé un régime désodé et une surveillance régulière du poids. Mais le régime sans sel ne semble pas du tout lui convenir car il a perdu l’appétit. Mme C. vous demande ce que vous pensez des sels de régime vendus en magasins diététiques.
Les sels de régime ne contiennent pas de sodium mais peuvent renfermer une quantité non négligeable de potassium et modifier la kaliémie. Leur utilisation ne doit être envisagée qu’après avis médical et contrôle rigoureux par ionogramme sanguin. Il est préférable de conseiller à Mme C. d’utiliser des épices ou des herbes aromatiques pour cuisiner.
→ L’insuffisance cardiaque entraîne une limitation de l’activité physique (plus ou moins importante en fonction du stade), une fatigue, une dyspnée pouvant entraver les activités de la vie courante (difficulté à monter un escalier, à accomplir les activités ménagères, les travaux de jardinage, répercussions sur les loisirs, voire pour certains patients pénibilité lors de la toilette et l’habillage).
→ L’insuffisance cardiaque peut être à l’origine d’hospitalisations prolongées et récurrentes.
→ Les patients peuvent éprouver de l’anxiété face à la sévérité de leur pathologie. La plupart du temps, ce sentiment s’estompe avec la stabilisation de la maladie par le traitement. Mais, chez certains patients qui ont l’impression d’être une charge pour leur entourage, ou dont les activités sociales sont limitées par le handicap physique, les sentiments négatifs (inquiétude, colère, tristesse, sentiment d’isolement) perdurent et une dépression peut s’installer.
→ Le régime hyposodé peut être difficile à accepter par le patient et vécu comme une véritable frustration.
→ Certains conjoints étouffent leurs émotions et s’efforcent de paraître toujours gais et optimistes pour ne pas majorer l’inquiétude du malade. D’autres, au contraire, partagent cette anxiété et, le cas échéant, accablent le malade, lui reprochant son tabagisme, par exemple.
→ Par ailleurs, s’occuper d’une personne souffrant d’une pathologie chronique peut s’avérer épuisant tant sur le plan physique qu’émotionnel.
L’échelle du Minnesota est une grille de 21 questions à remplir par le patient, permettant d’apprécier la qualité de vie de ce dernier et d’évaluer dans quelle mesure ses problèmes cardiaques l’ont empêché de vivre comme il l’aurait souhaité au cours des quatre dernières semaines précédant le test. Elle permet d’apprécier l’impact physique et psychologique de la pathologie, mais aussi ses répercussions sur les activités quotidiennes, les relations amicales ou familiales, les loisirs, la vie sexuelle, les déplacements, la vie professionnelle, et de rechercher des effets indésirables des médicaments (lire la partie Savoir plus p. 45).
Une infirmière libérale peut profiter de ses visites à domicile pour donner au patient et à son entourage des astuces afin de faciliter le quotidien et d’améliorer la qualité de vie des patients insuffisants cardiaques, ainsi que des techniques pour économiser leurs forces et contribuer à préserver leur autonomie. Exemples :
→ pour mieux accepter le régime sans sel et se sentir moins frustré, apprendre au patient et à son conjoint à cuisiner sans sel et à réhausser les mets avec des épices (muscade, cumin, paprika, safran, etc.), des herbes aromatiques (thym, laurier, romarin, ciboulette, basilic, menthe, aneth, estragon…) ou du jus de citron. Bien évidemment, ne pas poser de salière sur la table pour éviter les tentations ;
→ dans la maison, anticiper et planifier les déplacements pour éviter d’avoir à emprunter trop souvent les escaliers ;
→ essayer de rester actif autant que possible mais ne pas hésiter à s’autoriser des périodes de repos pendant la journée, et ce, avant de se sentir épuisé ;
→ s’asseoir pour préparer les repas. Dans la cuisine, ranger les ustensiles lourds (comme les marmites, casseroles, poêles) à hauteur de la taille pour pouvoir les attraper plus facilement ;
→ conseiller au patient de faire des courses quotidiennes et non hebdomadaires pour éviter le port de charge trop lourdes et encourager la marche quotidienne ;
→ pour câliner les petits-enfants, les asseoir sur les genoux plutôt que les porter dans les bras.
→ Du fait de ses contacts parfois répétés avec le patient, une infirmière libérale peut recevoir les confidences de ce dernier (ou de son entourage) et évaluer le retentissement psychologique de la maladie (non seulement sur le patient lui-même, mais aussi sur l’aidant) pouvant justifier la mise en œuvre d’une thérapeutique adaptée ou d’un soutien psychosocial approprié.
→ Encourager le patient à se joindre à un groupe de soutien pour les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque et lui donner des adresses d’associations de patients (lire la partie Savoir plus ci-contre). Ces associations apportent des informations sur l’insuffisance cardiaque et permettent au malade de rencontrer d’autres insuffisants cardiaques avec qui échanger.
→ De même, il est important d’être à l’écoute de l’aidant, de lui conseiller de garder du temps pour lui-même afin de pratiquer les activités qu’il aime. Il peut être également utile de conseiller à l’aidant de rejoindre un groupe de soutien pour personnes aidantes (lire la partie Savoir plus ci-contre).
Les objets de la vie quotidienne peuvent-ils interférer avec mon défibrillateur ?
La plupart des objets courants peuvent être utilisés normalement. Mais il est préférable de ne pas ranger un téléphone portable ou un Ipod dans une poche de veste près du dispositif et d’utiliser l’oreille contro-latérale lors d’un appel. Il convient également de ne pas s’appuyer contre un portique antivol.
L’insuffisance cardiaque a-t-elle des répercussions sur l’activité sexuelle ?
L’insuffisance cardiaque peut participer à une impuissance (diminution de la libido d’origine psychologique, trouble de l’érection en rapport avec une atteinte vasculaire…). Les bêtabloquants peuvent majorer ce problème. Il faut en parler avec le cardiologue, qui peut envisager de remplacer le bêtabloquant par du nébivolol aux propriétés vasodilatatrices. Les inhibiteurs de phosphodiestérase (type Viagra) peuvent être prescrits dans certaines formes d’insuffisance cardiaque, mais ils sont contre-indiqués en cas de traitement par dérivés nitrés prescrits dans la prise en charge des cardiopathies ischémiques.
Docteur Fabien Guez, cardiologue à l’hôpital Ambroise-Paré à Boulogne (Hauts-de-Seine)
« Il y a une vingtaine d’années, le sport était contre-indiqué chez l’insuffisant cardiaque. Aujourd’hui, cette notion est révolue. La pratique sportive est bénéfique pour éviter l’atrophie musculaire générale et éviter le cercle vicieux du déconditionnement, mais à condition que le patient soit correctement traité, avec une insuffisance cardiaque compensée, et qu’il ait fait l’objet d’un bilan (échographie cardiaque pour évaluer la fraction d’éjection systolique et épreuve d’effort pour apprécier sa tolérance à l’activité physique et le volume expiratoire maximum). L’idéal est de débuter une activité physique dans un endroit spécialisé comme un centre de réadaptation. L’activité physique doit être régulière (deux à trois fois par semaine) et allier endurance (vélo d’appartement, marche, natation en eau calme) et résistance (exercices de musculation avec des haltères de 500 grammes à 1,5 kilo). Il faut bien sûr ralentir ou même s’arrêter en cas de symptômes à l’effort (palpitations, essoufflement, douleur) et consulter son cardiologue. Il y a toujours une activité physique possible chez l’insuffisant cardiaque, à condition qu’elle soit bien encadrée. »