PROJET → Depuis la présentation de la stratégie nationale de santé en septembre dernier, les orientations du futur projet de loi de santé étaient très attendues. Elles ont été révélées le 19 juin par la ministre de la Santé. Déception.
À défaut de concret, se dessinent de grands projets pour la future loi de santé. La ministre Marisol Touraine promet une « réforme structurante » pour « attaquer les inégalités de santé à la racine », une « réforme durable », qui « installera le parcours dans notre système de santé », et une « réforme mobilisatrice », qui « fait le pari de l’innovation ». Quatre grandes orientations, présentées le 19 juin, constitueront le projet de loi, qui devrait être débattu début 2015 au Parlement.
La ministre annonce que les parents pourront choisir un médecin traitant, généraliste ou pédiatre, pour leur enfant. Est également envisagée, entre autres, l’instauration d’un parcours éducatif en santé pour que les enfants acquièrent des connaissances en santé. Pour les populations éloignées des soins, sont souhaités le développement d’une politique de réduction des risques liés au sida et la généralisation des tests rapides d’orientation diagnostique du VIH.
La ministre souhaite la création d’un service territorial de santé au public pour améliorer la prise en charge des Français, via une organisation accessible, lisible, compréhensible. Il doit faciliter la structuration territoriale des soins primaires et concernera au moins cinq domaines clefs : les soins de proximité, la permanence des soins, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des personnes handicapées. Les acteurs de soins primaires devront par ailleurs se tourner vers les ARS pour proposer des organisations pertinentes prenant en compte les expérimentations déjà lancées et les réalités de terrain.
Marisol Touraine veut également garantir l’accès aux soins pour tous. Cela passe par la lutte contre les barrières financières avec la mesure déjà annoncée de la généralisation du tiers-payant dès 2017. Et, dès 2015, les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé seront dispensés d’avance de frais.
Pour permettre aux Français de trouver un professionnel de santé près de chez eux, le service territorial organisera la réponse aux soins urgents et non-programmés. La ministre propose aussi la mise en place d’un numéro d’appel unique à trois chiffres dans chaque département pour la garde en ville, qui sera le repère dans l’accès aux soins.
Le parcours organisé passera par la mise en place de points de repère pour les patients. Ils se verront remettre à la sortie de l’hôpital une lettre (éventuellement dématérialisée) qui fera le lien avec les professionnels de ville. La relance du dossier médical partagé est engagée et confiée à l’Assurance maladie (et non plus à l’Asip santé). Il intègre l’enjeu de la messagerie sécurisée.
Enfin, le premier recours doit s’adosser à un médecin spécialiste de second recours ou à un établissement de santé. La future loi de santé entend aussi consacrer un service public hospitalier rénové et garantir entre autres aux usagers le respect d’un délai de prise en charge raisonnable compte tenu de l’état du patient.
La ministre plaide pour que l’État favorise « l’innovation ». Pour les hôpitaux, les délais concernant les essais cliniques à promotion industrielle vont passer de dix-huit à deux mois. L’innovation concerne aussi les métiers, avec la reconnaissance de nouveaux métiers, notamment les professions paramédicales à pratiques avancées, dont les infirmières cliniciennes. Le rôle et la place des sages-femmes vont évoluer.
La loi de santé devrait engager la rénovation du dispositif conventionnel avec une adaptation régionale et territoriale, même si la négociation nationale reste le cadre de référence. Elle vise également à conforter le dialogue social et permettre aux patients de « co-construire davantage les politiques de santé ». La ministre évoque le renforcement du pouvoir des patients lorsqu’ils sont les victimes de dommages, avec la création éventuelle d’un droit nouveau : l’instauration d’une action de groupe.
Après les annonces de la ministre de la Santé, les réactions syndicales, toutes professions de santé confondues, ne se sont pas fait attendre. Et la déconvenue est de mise. De son côté, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) s’étonne que la réforme ne donne pas plus de place aux infirmières, première profession de santé de France.
La ministre de la Santé « ne prend pas la mesure de ce que les infirmières libérales pourraient réellement apporter au système de soin français » en ne « les incluant toujours pas dans le premier recours », et en « ne leur attribuant aucune réelle nouvelle mission », regrette le syndicat. Ce dernier rappelle par ailleurs que si la ministre ambitionne de créer le métier d’infirmier clinicien en pratiques avancées, « force est de constater que pour l’heure, l’universitarisation de la filière en sciences infirmières en est toujours au point mort ».