La goutte est une maladie de surcharge potentiellement grave, car associée à un risque cardiovasculaire, mais dont on peut guérir à la condition de suivre un traitement à vie dont l’induction est parfois difficile.
La goutte est une maladie métabolique consécutive à des dépôts d’urate de sodium (sel d’acide urique) accumulés dans les articulations et à la périphérie à la suite d’une hyperuricémie chronique au-delà de 70 mg/l, soit 420 µmol/l, chez l’homme ou la femme. À cette concentration, l’acide urique (AU), qui était soluble en-dessous, précipite sous forme de microcristaux d’urate. Seulement 10 % des personnes qui présentent une hyperuricémie développent une goutte, dont cinq hommes pour une femme. Chez les femmes, la goutte survient principalement après la ménopause (entre 50 et 60 ans) car, avant, la production d’œstrogènes augmente l’élimination urinaire de l’AU.
→ Bien que plurifactorielle, la goutte résulte principalement d’un mécanisme génétique à l’origine d’un dysfonctionnement de certaines parties des tubules rénaux qui empêchent l’élimination de l’AU et favorise sa réabsorption et donc son accumulation.
→ Au-delà de ce défaut d’élimination rénale, une alimentation trop riche en protéines animales, en graisses et en purines qui se transforment rapidement en AU peut être en cause.
→ La bière (avec ou sans alcool), parce qu’elle est très riche en purines, les sodas sucrés riches en fructose (qui se convertit en AU) et les alcools forts augmentent la formation d’AU. Par ailleurs, certains malades ont une sensibilité individuelle à certaines boissons (champagne, porto, tel ou tel vin…).
→ Enfin, les diurétiques favorisent l’augmentation de l’AU et la déshydratation consécutive à une prise importante d’alcool ; une infection ou une opération peut déclencher une crise de goutte.
Les crises affectent principalement l’articulation métatarsophalangienne du gros orteil qui gonfle, rougit, devient chaude et douloureuse. Les autres articulations du pied, de la cheville ou du genou surtout, voire les articulations des doigts ou du coude, peuvent également être touchées. Dans d’autres cas, des dépôts d’urate (tophus) plus ou moins inflammatoires et douloureux se forment sous la peau autour des articulations et de certains tendons (Achille, patellaire), voire au niveau du pavillon des oreilles et/ou de la pulpe des doigts.
La description soigneuse de la crise par le malade associée à un contexte typique (lire l’encadré) permet au médecin d’établir le diagnostic sur la clinique dans la plupart des cas. L’examen complémentaire de référence est l’analyse du liquide synovial qui permet de mettre en évidence la présence de cristaux d’urate et d’exclure d’autres pathologies, en particulier les infections. L’échographie articulaire, plus récente et moins fiable, peut également confirmer les dépôts de cristaux. La radiographie n’est pas utile en première intention, sauf en cas de goutte ancienne, mais peut avoir un intérêt pour éliminer d’autres maladies.
Il vise à bloquer ou raccourcir la durée de la crise. Il repose sur la colchicine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), voire les corticoïdes en cas d’échec, de contre-indication ou d’effets secondaires du traitement de base (insuffisance rénale chronique - IRC -, allergie à la colchicine, diarrhées). Il peut être associé à l’utilisation locale de glace plusieurs fois par jour en veillant à protéger la peau du risque de brûlure (mettre un linge entre la glace et la peau). Prochainement, de nouveaux traitements de la crise (inhibiteurs de l’interleukine 1) doivent être mis sur le marché. Ils devraient permettre d’améliorer la prise en charge des patients intolérants aux molécules actuelles.
→ Le traitement hypo-uricémiant (Allopurinol, Febuxostat) consiste à faire baisser l’AU en-dessous de 60, voire 50 mg/l (objectif cible à atteindre et à maintenir en permanence par un traitement à vie) afin de dissoudre les cristaux d’urate et de faire disparaître durablement les crises. Toutefois, il faut prévenir les patients que la dissolution des cristaux favorise, dans les premiers temps, l’apparition de crises de goutte. C’est une réaction tout à fait normale que les soignants doivent expliquer aux patients afin qu’ils puissent l’anticiper et la contrôler.
→ La colchicine est à la fois un traitement de la crise et un traitement de prévention de la crise associé au traitement de fond. Les patients doivent en avoir toujours sur eux ou à proximité, de jour comme de nuit, pour pouvoir en prendre immédiatement 1 mg dès les premiers signes, puis 0,5 mg deux ou trois heures après si nécessaire. En cas d’échec des traitements de fond de type allopurinol, il est possible d’avoir recours à des uricosuriques (Probénécide, Benzbromarone), qui augmentent l’élimination de l’AU dans les urines.
→ De nouvelles recommandations concernant la mise en route précoce du traitement de fond sont en cours d’élaboration dans le cadre de la révision des recommandations européennes Eular (European League Against Rheumatism).
À retenir : la dose de colchicine doit être réduite chez les personnes âgées de plus 65 ans et/ou en cas d’insuffisance rénale. Il est donc indispensable pour les soignants de connaître l’estimation de la fonction rénale en dosant la créatininémie et en surveillant la clairance par la formule MDRD (Modification of the Diet in Renal Disease) qui prend en compte l’âge, le sexe et l’origine ethnique (les sujets à peau noire ont une fonction rénale supérieure à celle des sujets à peau blanche).
L’hyper-uricémie chronique et la crise de goutte sont des facteurs de risque cardiaque qui imposent une surveillance cardiovasculaire chez les patients qui en sont a priori indemnes. Très souvent, la goutte survient chez des sujets présentant déjà des comorbidités cardiovasculaires à prendre en compte. De même, l’IRC (stade 3 : clairance MDRD inférieure à 60 ml/min) est en soi un facteur de risque d’hyper-uricémie. Elle va aussi modifier les posologies ou les choix des médicaments. Par exemple, elle impose de réduire la dose ou d’espacer les prises de colchicine et contre-indique les AINS qui constituent pourtant une option thérapeutique pour traiter la crise de goutte en cas de prise en charge tardive, la colchicine n’étant plus efficace dans ce cas.
Au-delà du traitement, les patients doivent s’astreindre à certaines règles simples
* Les patients peuvent consulter le site www.crisedegoutte.fr. Validé par des médecins rhumatologues experts, il propose un film très pédagogique sur la goutte qui peut servir de base ou de complément à l’éducation thérapeutique des patients.
→ Homme entre 40 et 50 ans
→ Début brutal de l’inflammation
→ Signes cutanés très inflammatoires (rougeur souvent intense de la peau)
→ Localisation à la base du gros orteil
→ Disparition spontanée en dix à quinze jours sans séquelles
→ Répétition des crises
→ Facteurs de risque cardiovasculaire
→ Hypertension artérielle (notamment sous diurétiques)
→ Antécédents familiaux
→ Excès d’AU supérieur à 360 µmol/l (60 mg/l)