L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Actualité

GÉRALDINE LANGLOIS  

POLÉMIQUE La controverse sur le vaccin Gardasil, destiné à prévenir les maladies provoquées par les papillomavirus humains (HPV)(1), ne s’éteint pas. Des médecins et des députés continuent d’estimer qu’il est urgent d’attendre.

François Hollande a annoncé en février le doublement de la couverture vaccinale contre le cancer du col de l’utérus (de 30 à 60 %) d’ici à 2019 et le Plan cancer 2014-2019 prévoit en outre d’expérimenter « l’acceptabilité d’une vaccination en milieu scolaire ». La vaccination connaît en effet « une inflexion depuis 2010 ». Selon le Plan cancer, les raisons en seraient la crainte d’effets secondaires et un reste à charge élevé (environ 120 euros).

2 092 notifications d’effets indésirables

L’argument financier est de taille, mais la méfiance reste grande quant à l’efficacité de ce vaccin et sur ses effets secondaires. En novembre 2013, la première plainte d’une femme vaccinée par le Gardasil et ayant développé des troubles neurologiques graves après une vaccination contre le HPV a été déposée. Plus de vingt autres ont suivi depuis.

De 2006, date du début de la commercialisation de ce vaccin, à septembre 2013, 5,5 millions de doses ont été distribuées et 2 092 notifications d’effets indésirables, dont 503 graves, ont été recueillies par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). « La majorité de ces notifications (76 %) correspond donc à des cas non graves », précise l’agence dans son actualisation des données de sécurité sur le Gardasil d’avril 2014(2), et le nombre de manifestations auto-immunes « reste faible » avec 127 cas notifiés en France, dont 17 cas de sclérose en plaques.

Par ailleurs, l’ANSM souligne que les études de suivi du vaccin « n’ont pas mis en évidence d’éléments remettant en cause son efficacité » ni « le bénéfice attendu au regard des risques de ce vaccin ». Elle considère toutefois nécessaire de « consolider ces données » en lançant avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie des travailleurs salariés une étude pharmaco-épidémiologique sur la survenue de maladies auto-immunes chez les femmes vaccinées et de maintenir le dispositif de surveillance renforcée du Gardasil.

Une lettre au président

Alors qu’en avril, six sociétés savantes ont lancé une contre-pétition en faveur de la vaccination anti-HPV(3), les détracteurs du vaccin, eux, ne semblent pas rassurés. Pour la députée européenne Michèle Rivasi (Europe écologie), le rapport bénéfice-risque du Gardasil n’est pas suffisamment documenté et elle a demandé en avril un moratoire sur sa commercialisation. En mai, le député de Haute-Garonne (PS) Gérard Bapt demande, dans une lettre au président de la République, s’attendre les résultats de l’étude pharmaco-épidémiologique de l’ANSM avant de décider de généraliser la vaccination des collégiennes. Selon lui, la preuve scientifique de l’efficacité du Gardasil ne pourra être apportée « que dans de nombreuses années » et « les nombreuses voix de praticiens et de scientifiques » qui doutent du rapport bénéfice-risque de la vaccination anti-HPV doivent être écoutées.

Gérard Bapt demande également que soit lancée une étude médico-économique pour « évaluer l’intérêt de santé publique d’un investissement (…) de l’ordre de 100 millions chaque année » qui s’ajouterait à celui du dépistage des lésions par frottis (Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 20 mai 2014) toujours indispensable – et efficace, même chez les femmes vaccinées.

D’autres voix s’élèvent contre le Gardasil. Le Dr Philippe de Chazournes, médecin généraliste à Saint-Denis de La Réunion, a lancé une pétition. Selon lui, les données qui sous-tendent le discours et l’AMM de ce vaccin sont erronées et il serait beaucoup moins efficace qu’annoncé. Il estime aussi que l’injonction d’utilisation de ce vaccin est injustifiée.

Signe des temps, en juin, Sanofi Pasteur-MSD, qui produit le Gardasil(4), a lancé une campagne en faveur des « moyens de prévention » des infections à papillomavirus dans la presse “santé” et des magazines féminins.

(1) Telles, rappelle l’ANSM, les lésions précancéreuses de l’appareil génital féminin (col de l’utérus, vulve et vagin), le cancer du col de l’utérus et les verrues génitales.

(2) À lire par le raccourci bit.ly/1lo7hTo

(3) À lire par le raccourci svy.mk/1l6vbkm

(4) Le vaccin anti-HPV?le plus utilisé en France face au Cervarix, produit par GlaxoSmithKline.